• par Jean Cottraux - SPS n°303, janvier 2013

     

    La personnalité se définit comme l’intégration stable et individualisée d’un ensemble de comportements, d’émotions et de cognitions, fondée sur des modes de réactions à l’environnement qui caractérisent chaque individu (Cottraux et Blackburn, 2005). C’est notre signature comportementale qui fait dire aux autres : « c’est bien vous ! ». La personnalité inclut à la fois le tempérament d’origine génétique et le caractère qui résulte des apprentissages et des événements de vie de chacun.

     

    Les psychologues représentent la personnalité sous la forme de traits qui vont de la normalité à la pathologie : c’est ce que fait le modèle à cinq facteurs OCEAN : Ouverture, Contrainte, Extraversion, Agréabilité, Neuroticisme (affect négatif).

     

    Les psychiatres ont isolé des types de personnalité : ce que fait, en particulier, le DSM-IV détaillé plus loin. Quant aux psychothérapeutes, ils décrivent les troubles de la personnalité en termes de processus cognitifs, émotionnels et comportementaux qui sous-tendent et maintiennent la répétition de scénarios de vie par lesquels le patient se met lui même en échec (Cottraux, 2001). Ces trois approches sont compatibles entre elles car elles décrivent les troubles de la personnalité selon des angles différents. Une bonne classification a pour tâche de concilier ces points de vue en ne retenant ce qui est démontré par la recherche clinique.

     

    L’axe II du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM pour Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) s’efforce de sortir le trouble de personnalité des stéréotypes sociaux du « bon et mauvais caractère », mais sa classification demeure un fait de culture plus que de nature car elle repose sur un consensus d’experts. Le passage à partir de 2013 du DSM-IV au DSM-5 a donné lieu à de nombreuses publications scientifiques contradictoires (Regier et al. 2011).

     

    Les troubles de la personnalité selon le DSM-IV

     

    Le DSM-IV, en place depuis 1996, propose six critères d’ensemble pour classifier les troubles de la personnalité et distingue ensuite dix troubles classés en trois sous-catégories (voir encadré).

     

    Une étude de l’OMS effectuée sur treize pays (Huang et al., 2009) qui utilisait les critères du DSM-IV, a montré, sur les 21 162 personnes étudiées avec un inventaire de personnalité, que 6,1 % de la population mondiale pourraient présenter un trouble de la personnalité.

     

    Les troubles de la personnalité selon le DSM-IV (1996)

    Six critères d’ensemble

    Critère A. Les traits représentent une déviation importante par rapport à ce que la culture à laquelle appartient l’individu attend de lui et ils se manifestent dans au moins deux des quatre domaines suivants : cognition, affectivité, relations interpersonnelles, ou contrôle des impulsions.

    Critère B. Les traits de personnalité doivent être rigides et se manifester dans de très nombreuses situations.

    Critère C. Ils conduisent à une détresse des perturbations dans les relations sociales et professionnelles.

    Critère D. Le pattern est stable et peut être retracé depuis l’adolescence, ou le début de l’âge adulte.

    Critère E. Ils ne doivent pas résulter d’un autre trouble psychiatrique.

    Critère F. Ils ne résultent pas d’un état de dépendance (addiction), d’un abus de substance ou d’une maladie médicale.

    Dix types de troubles de la personnalité

    Ces dix types sont classés en trois sous-catégories et une catégorie résiduelle : le trouble de personnalité non spécifié.

    Groupe A : Distant (excentrique, bizarre)

    1. La personnalité paranoïaque : méfiance soupçonneuse envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes.

    2. La personnalité schizoïde : détachement des relations sociales et restriction de la variété des expressions émotionnelles.

    3. La personnalité schizotypique : gêne aiguë dans les relations proches, distorsions cognitives et perceptuelles et conduites excentriques.

    Groupe B : Impulsif (dramatique, émotionnel).

    4. La personnalité antisociale : mépris et transgression des droits d’autrui.

    5. La personnalité borderline : impulsivité marquée et instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects.

    6. La personnalité histrionique : réponses émotionnelles excessives et quête d’attention.

    7. La personnalité narcissique : fantasmes ou comportements grandioses, besoin d’être admiré et manque d’empathie.

    Groupe C : Anxieux et peureux.

    8. La personnalité évitante : inhibition sociale, sentiments de ne pas être à la hauteur et hypersensibilité au jugement négatif d’autrui.

    9. La personnalité dépendante : comportement soumis et « collant » lié à un besoin excessif d’être pris en charge.

    10. La personnalité obsessionnelle compulsive : préoccupation de l’ordre, de la perfection et du contrôle.

    Le trouble de personnalité non spécifié correspond à plusieurs traits subliminaires de différents types ou à un type qui n’appartient pas aux dix types ci-dessus : par exemple la personnalité passive agressive ou la personnalité dépressive.

     

    Les évolutions proposées pour le DSM-5

     

    L’enjeu était de limiter le nombre de troubles de personnalité et surtout de définir des dimensions de personnalité, sans enfermer comme le faisait le DSM-IV les patients dans une dizaine de « cases » contestables. En particulier, une onzième case : « trouble de personnalité non spécifié » se trouvait être la plus utilisée dans certaines études ce qui mettait en doute la pertinence de la classification établie par le DSM-IV.

     

    De plus, la plupart des troubles de personnalité sont comorbides : en particulier la personnalité histrionique recoupe largement la personnalité borderline (Skodol et Bender, 2009).

     

    Propositions d’évolution du DSM-5 pour les troubles de la personnalité

    De nouveaux critères

    Ces nouveaux critères se substitueraient aux six précédents.

    A. Altération du soi (identité et direction de soi) et du fonctionnement interpersonnel (empathie ou intimité).

    B. Un trait pathologique ou plus, ou bien des facettes correspondant à des traits.

    C. L’altération de la personnalité et l’expression des traits sont relativement stables dans le temps et constants à travers les situations. D. L’altération de la personnalité et l’expression des traits ne sont pas mieux compris comme normaux en considérant le stade du développement ou le contexte socioculturel.

    E. L’altération de la personnalité et l’expression des traits ne sont pas seulement dus à l’effet direct d’une substance (ex : addictions) ou à un état qui relève de la médecine générale (ex : traumatisme crânien).

    Six troubles de personnalité

    Seulement six troubles de la personnalité ont été conservés : antisocial, évitant, borderline, narcissique, obsessionnel-compulsif et schizotypique. Voir en exemple, dans l’encadré « Trouble narcissique de personnalité » avec les critères qui définissent ce trouble.

    Échelle des niveaux de fonctionnement de la personnalité

    Altération du soi (identité et direction de soi) et du fonctionnement interpersonnel (empathie ou intimité). Les cinq niveaux de sévérité : 0 = Pas d’altération, 1 = Légère altération, 2 = Altération modérée, 3 = Sérieuse altération, 4 = Altération extrême.

    Cinq traits et les vingt-cinq facettes

    Évaluation : 0. peu, 1. légèrement, 2. modérément, 3. très descriptif.

    Émotion négative
    - Émotions labiles, angoisse, peur de la séparation, persévération, soumission, hostilité, tendances dépressives, suspicion, affectivité restreinte ou manque total de restriction affective.

    Détachement
    - Affectivité restreinte, tendances dépressives, suspicion, retrait, anhédonie (absence de capacité à ressentir du plaisir), évitement de l’intimité.

    Antagonisme
    - Manipulation, tromperie, grandiosité, recherche de l’attention, manque d’égards, hostilité.

    Désinhibition/Compulsivité
    - Irresponsabilité, impulsivité, distractibilité, prise de risques.

    - À l’opposé conformisme rigide ou absence totale de conformisme.

    Psychoticisme
    - Expériences et croyances bizarres. – Excentricité.

    - Dérégulation cognitive et perceptive.

     

     

    Les tendances actuelles ont été publiées sur le site du DSM-5 en date du 21 juin 2012. Selon le DSM-5, un trouble de la personnalité correspond à une altération du fonctionnement du soi (self) et du fonctionnement interpersonnel et à la présence de traits pathologiques. Le diagnostic repose sur six critères, et seulement six troubles ont été conservés. Cinq traits (ou domaines) de personnalité et vingt-cinq facettes permettent d’assurer leur diagnostic. Une échelle permet de mesurer l’importance de l’altération du fonctionnement de la personnalité : l’échelle des niveaux de fonctionnement de la personnalité représentée dans le tableau (voir encadré).

     

    Le trouble de personnalité narcissique qui avait été au début éliminé vient d’être rajouté au DSM-5 à la suite de discussions très serrées. Il aurait été dommageable de l’éliminer car les patients qui en sont porteurs viennent souvent consulter pour une dépression, après un échec personnel ou professionnel.

     

    C’est parmi elles que se trouvent les personnes qui exercent le harcèlement moral sur les autres, les leaders pathologiques qui créent sans cesse des conflits de pouvoir au travail, car ils ont des idéaux exigeants et une haute opinion d’eux-mêmes. Ils font souvent souffrir les autres, même s’ils souffrent peu en dehors des épisodes de dépression où se révèlent leurs sentiments profonds de non-valeur et d’incompétence.

     

    Comment établir le diagnostic ?

     

    L’approche standard proposée par le DSM-5 suit les étapes suivantes :

     

    1. Est-ce qu’il existe une altération du soi et des relations interpersonnelles ou non ?

     

    2. Si oui, évaluer le niveau d’altération du soi (identité ou direction de soi) et des relations interpersonnelles (empathie ou intimité) avec l’échelle des niveaux de fonctionnement de la personnalité.

     

    3. Est-ce qu’un des six types de trouble de la personnalité est présent ?

     

    4. Si oui, enregistrer ce type et la sévérité de l’altération.

     

    5. Si non, est-ce qu’un trait spécifique est présent parmi les cinq traits ?

     

    6. Si oui, enregistrer le domaine du trait et le niveau d’altération. La présence d’un ou plusieurs traits spécifiés remplace la catégorie : trouble de personnalité non spécifié du DSM-IV. Le nouveau nom pour cette catégorie est : trouble de personnalité avec un trait spécifié (en anglais PDTS, en français TPTS).

     

    7. Si l’un des six troubles de personnalité est présent enregistrer les différentes facettes que comportent le ou les traits pathologiques.

     

    8. S’il n’y a ni un des six troubles, ni un trouble de personnalité avec un trait spécifié : évaluer les domaines et les facettes de personnalité si cette démarche apparaît utile pour comprendre le cas.

     

    Conclusion

     

    Le DSM-5 représente un tournant radical car il réduit le nombre de troubles de la personnalité de dix à six et propose, en plus de ces six types, une approche dimensionnelle. Cette nouvelle classification est en train d’être testée sur le terrain. Mais on peut déjà observer qu’elle n’est pas simple, et sera très exigeante pour le clinicien.

     

    Références

    American Psychiatric Association, DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, trad. fr. de J.-D. Guelfi, Paris, Masson, 1996.
    DSM-5 : http://www.dsm5.org/proposedrevisio...
    Cottraux J et Blackburn IM : Psychothérapie cognitive des troubles de la personnalité, Masson, Paris, 2006.
    Cottraux J, La répétition des scénarios de vie, Odile Jacob, Paris, 2001.
    Huang Y, Kotov R, de Girolamo G, Preti, Angermeyer A M,, Benjet C, Demyttenaere K, de Graaf R, Gureje O, R Nasser Karam A, Lee S, Lépine JP, Matschinger H, Posada-Villa J, Suliman S, Vilagut G, Kessler RC : « DSM-IV personality disorders in the WHO World Mental Health Surveys » ; The British Journal of Psychiatry, 2009, 195, 46-53.
    Regier DA, Narrow WE, Kuhl EA, Kupfer D : The conceptual evolution of DSM-5, American Psychiatric Association, Washington DC, 2011.
    Skodol AE, Bender DS :The Future of Personality Disorders in DSM-V ? American Journal of Psychiatry 2009 ;166 :388-391.

     

    Mis en ligne le 8 août 2013
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  • Comment différencier le stress, la dépression et l’anxiété?

    Le stress, la dépression et l’anxiété : en quoi nous affectent-ils ?

    D’après différentes études, ces trois troubles changent directement notre perception de la vie. Ils affectent notre cerveau et la façon dont nous avons des relations avec les autres. Ils modifient aussi la confiance en soi, l’enthousiasme et l’envie de faire une tâche ou un travail. Ils génèrent divers problèmes plus ou moins graves, et on peut dire qu’ils font même baisser nos défenses immunitaires.

    La dépression, l’anxiété et le stress attaquent la zone préfrontale du cerveau. C’est là que se développent les pensées les plus poussées : on imagine le futur, on évalue les stratégies possibles pour solutionner les problèmes et on prend des décisions. En plus, cette zone est intimement liée au système limbique. c’est à dire au cerveau émotionnel.

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    Le stress : ce qu’il faut savoir

    De nos jours, le stress est un mot récurrent que l’on entend dans toutes les bouches. Il peut arriver après n’importe quelle situation ou pensée. On se sent alors anxieux, furieux ou frustré. Les médecins disent qu’avoir un peu de stress est une bonne chose. Cependant, ça ne l’est plus dès que son taux monte trop. Trop de stress rend les gens plus fragiles. Ces derniers peuvent alors souffrir de tout type de maladies physiques ou psychologiques.

    Ainsi, le stress peut engendrer un faible taux de sucre dans le sang, une hyperactivité de la thyroïde, une crise cardiaque, une augmentation de la sécrétion de bile ou une augmentation du cholestérol dans les artères. Parmi les symptômes habituels, on peut retrouver une douleur abdominale ou des maux de tête, une difficulté à avaler ou digérer certains aliments, des nausées, une respiration agitée, de l’insomnie, un rythme cardiaque irrégulier, une transpiration excessive, des troubles du sommeil, de la fatigue, un manque de concentration, des problèmes dans le rendement sexuel et des cauchemars. Dans certains cas, le stress se manifeste sous la forme de phobies ou de troubles psychologiques.

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    Différentes recherches affirment qu’une carence en vitamine B12 peut provoquer du stress. Il en va de même pour la consommation de certaines substances telles que l’alcool, la nicotine ou les médicaments pour la thyroïde, qui engendreraient du stress.

    La dépression : ce qu’il faut savoir

    On peut décrire ce problème comme le fait d’être triste, malheureux, mélancolique ou complètement effondré. Parfois, il y a des raisons de l’être, d’autre fois non. La majorité des gens ressentent une dépression au moins une fois dans leur vie. La dépression clinique est un trouble qui se maintient dans le temps et qui modifie les états d’humeur. D’un coup, on ressent de la colère ou de la frustration pour quelque chose, et des envies de pleurer arrivent alors à n’importe quel moment.

    La dépression se classifie en terme de gravité : faible, modérée, ou sévère. Un médecin psychiatre peut la déterminer à l’aide d’une ou plusieurs séances. Il recommandera alors le traitement adéquat. Les symptômes les plus connus de la dépression sont : des difficultés pour dormir, un sommeil excessif, des changements dans l’appétit (anxiété pour manger de tout parfois, alors qu’on ne peut rien ingérer), une prise ou une perte de poids, un manque d’énergie, de la fatigue, de la haine pour soi-même, des sentiments d’être inutile, se croire coupable de tout, de l’agitation, de l’irritabilité, une grande inquiétude, des difficultés pour se concentrer, l’arrêt des activités habituelles, de l’inactivité, de l’abandon, du désespoir, des pensées sur la mort ou sur le suicide.

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    La faible estime de soi est l’un des symptômes les plus courants de la dépression. Un autre symptôme est le manque de plaisir dans les activités qui habituellement nous rendent heureux (comme passer la journée en famille, l’activité sexuelle), etc. Pour que la dépression soit considérer telle quelle, il faut présenter cinq symptômes ou plus pendant deux semaines consécutives. L’atypique est celle dont souffre un tiers des patients. Nous pouvons également trouver la dysthymie, un type de dépression légère qui dure environ deux ans.

    Différentes situations peuvent provoquer une dépression : l’accouchement (de nombreuses femmes souffrent de ce que l’on appelle la dépression post-partum), le cycle menstruel (une semaine avant les règles ; les symptômes disparaissent lorsqu’elles sont là) et les saisons (on la retrouve dans les mois froids d’hiver et d’automne, et elle s’en va quand arrive le printemps et l’été : elle vient du manque de lumière solaire).

    L’anxiété : ce qu’il faut savoir

    Il s’agit d’une réponse émotionnelle à un ou plusieurs stimulus. Ils peuvent tout aussi bien provenir du patient ou de l’extérieur. Cela veut dire qu’ils se présentent par les pensées, les sentiments ou les éléments de la vie en général. Ce trouble englobe les aspects corporels ; il y a une grande activation du système périphérique et moteur, ce qui implique un changement de comportement. L’anxiété est liée au sentiment de survie, à la peur, la colère, le bonheur et la tristesse.

    anxiété

    Cela a été prouvé. Pour préserver l’intégrité physique face à une attaque ou une menace, les gens mettent en marche des réponses rapides, adaptatives et efficaces. On estime que plus de 20% de la population souffrent d’un trouble de l’anxiété. De nombreuses personnes ne le savent même pas !

    L’explication médicale de ce problème est que l’organisme fait fonctionner son système adrénergique devant une situation d’alerte. C’est ce qui libère des signaux vers le système nerveux central. Les symptômes d’anxiété sont : l’hyperactivité, la tachycardie, l’essoufflement, une perte de contrôle et de raisonnement, des tremblements dans les membres, une transpiration excessive, des nausées, de l’insomnie, une faiblesse ou une rigidité musculaire, de l’agitation, des pensées négatives, de l’obsession ou des problèmes de communication avec les autres.

    D’autre part, l’anxiété peut provoquer une hypoglycémie ou une arythmie cardiaque. Elle peut aussi se transformer en panique. Le patient pense à sa propre mort, ou il croit que quelque chose de mauvais va arriver. La pression artérielle augmente et apparaissent des palpitations, des bouffées de chaleurs ou une pâleur sur le visage. On ressent une oppression sur la poitrine et une aérophagie, et l’on peut souffir d’une perte de poids ou d’une envie excessive de nourriture. Les yeux et la bouche se dessèchent. Pour terminer, il peut même y avoir une aménorrhée chez les femmes.

    Photographies reproduites avec l’aimable autorisation de Vic, Gisela Giardino, Joe Penna, Louis Robinson, Michael Dorokhov et Orin Zebest.

     

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  • Les TED et l'alimentation

    Les TED et l'alimentation

    Les parents savent bien que les enfants, en général, ont des gouts alimentaires plutôt restreints et qu’ils sont peu portés à vouloir essayer de nouveaux mets.

    Chez les autistes, cette caractéristique est problématique et crée de sérieux ennuis aux parents. « Dans l’ensemble de la population, les problèmes d’alimentation touchent 25 % des enfants en bas âge, mais le taux grimpe à 80 % chez les enfants qui souffrent de troubles envahissants du développement », explique Geneviève Nadon, ergothérapeute au centre de réadaptation La myriade, à Joliette, et qui intervient plus spécialement auprès de ces jeunes.

    Les troubles envahissants du développement, communément désignés par l’acronyme TED, incluent l’autisme, le syndrome d’Asperger, le syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l’enfance. On compte 60 personnes sur 10 000 atteintes de l’un de ces troubles qui frappent quatre fois plus de garçons que de filles. « Les enfants qui présentent un TED ont des gouts restreints, des comportements répétitifs et obsessifs et font preuve de peu d’imagination, souligne Geneviève Nadon. Cela se répercute sur leur alimentation. Certains d’entre eux peuvent même limiter leur nourriture à moins de 10 aliments. » La sélection peut aller jusqu’à refuser un produit alimentaire, du yogourt par exemple, d’une nouvelle marque de commerce. Si les parents tentent d’introduire de la nouveauté, une crise alimentaire peut être déclenchée. Dans les cas extrêmes, l’enfant pourrait refuser une assiette dans laquelle aurait été mis un aliment qu’il n’aime pas. « Certains enfants vont lancer l’assiette s’ils n’aiment pas les pois et qu’il s’en trouve à côté des pommes de terre », signale Mme Nadon. Il arrive également que des enfants se limitent à un aliment pendant des semaines et le rejettent subitement par la suite.

    « Certaines études recommandent un régime sans gluten ni caséine – une protéine du lait –, des éléments que les enfants aux prises avec un TED tolèreraient moins bien. Mais cette approche ne fait pas l’unanimité, affirme Mme Nadon. Les autres suggestions visent à modifier le comportement par des mesures plutôt intrusives. » Ces enfants réagiraient parfois de façon exagérée aux informations sensorielles, tant en ce qui concerne le bruit et l’odeur que le gout ou même la texture de l’aliment; le blocage alimentaire pourrait découler de ce type de réactions exacerbées. Les données recueillies pour l’instant auprès d’une trentaine d’enfants (sur un objectif de 200) montrent que la sélection alimentaire constitue un problème dans 65 % des cas de TED et que ce problème est modéré ou grave dans presque 50 % des cas; 65 % des enfants goutent rarement ou ne goutent jamais à de nouveaux aliments et 80 % finissent par refuser un aliment qu’ils acceptaient auparavant.


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  • Les difficultés alimentaires

     

    Beaucoup de personnes TED ont des difficultés alimentaires. Il y a ceux qui ne mangent pas assez, ceux qui mangent trop, ceux qui sont très sélectifs, ceux qui ne le sont pas assez. Plusieurs raisons à cela :
    - des raisons sensorielles,
    - des problèmes de praxies,
    - la peur de goûter ce qui est nouveau,
    - la rigidité,
    - et sans doute d'autres...

    Le sensoriel
    - Certains ne ressentent pas la satiété (hyposensibilité) et vont donc remplir leur estomac au maximum, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de place du tout. Pour éviter cela, on peut proposer un menu très précis avec des quantités à respecter (nombre de cuillères, nombre de morceaux, etc.). Et pour finir de remplir l'estomac, on peut compléter avec de l'eau.
    - D'autres ont des problèmes d'hypersensibilité au niveau du goût ou/et de l'odorat (voir les pages sur les difficultés sensorielles). Ceux-là vont être très sélectifs et préférer les aliments plutôt fades. Les personnes hyposensibles, au contraire, vont manger toutes sortes d'aliments, et même parfois ce qui ne se mange pas (attention aux produits dangereux).
    - L'hyposensibilité de la sphère buccale va avoir aussi une influence sur la taille des bouchées. C'est pourquoi certains vont se remplir la bouche au maximum et à toute vitesse avant d'avaler puisqu'ils ne sentent pas bien à quel point elle est remplie. On peut stimuler doucement cette zone à l'aide de brosses souples ou même une brosse à dents électrique. Au moment du lavage de dents, on peut utiliser la brosse également sur la langue et à l'intérieur des joues. Une autre stimulation peut se faire avec le jet de la douche : il suffit d'ouvrir la bouche et d'y diriger le jet (l'eau n'est pas avalée, elle ressort toute seule puisque la bouche reste ouverte). Je connais plusieurs enfants TED, dont mon fils, qui ont trouvé tout seuls cette manière de faire.

    Les praxies
    Certains ont des difficultés à mâcher correctement et suffisamment. Comme c'est long et fatiguant, ils vont quasiment avaler leurs aliments. Une rééducation des muscles de la sphère buccale peut se faire en orthophonie. Sinon, on peut trouver des exercices et des jeux pour faire travailler cette partie du visage.
    Par ex., comme ici : http://www.oppa-montessori.net/nos_rubriques/livres_pour_enfants/livres_pour_enfants.php ou ici : http://www.hoptoys.fr/AMUZ_BOUCHE-p-2475-c-296_297.html
    On peut aussi compter le nombre de fois où l'on mâche à chaque bouchée. C'est assez fastidieux, mais ça vaut la peine de le faire, même si c'est seulement de temps en temps.

    La peur de goûter
    Les personnes TED n'aiment pas les changements, alors ajouter un nouvel aliment peut déjà être en soi un problème. Ensuite, cet aliment risque de donner de nouvelles sensations au niveau du goût, de la texture, et même de la couleur, ce qui peut entraîner des nausées et même des vomissements. Goûter est donc souvent à haut risque !

    La rigidité
    Certains préfèrent manger le même aliment au même repas. Ainsi, les pommes de terre servies le soir ne peuvent pas forcément être mangées le midi. Attention donc à ne pas laisser s'installer cette rigidité en pensant, si c'est possible, à varier le moment où sont servis les aliments, même s'il y en a peu. Ainsi, si l'accompagnement de la viande se limite à pommes de terre, riz, pâtes, penser à alterner de manière à ce qu'ils soit servis à différents repas. Et puis, varier également les formes ou les couleurs, et même les marques, si ce n'est pas déjà trop tard... Car une fois la rigidité installée, il est encore plus difficile d'introduire de nouveaux aliments.

    Quelques stratégies

    Parfois, la seule présence sur la table d'un aliment nouveau ou que la personne autiste n'aime pas va l'empêcher de manger. Sa vue ou son odeur peuvent suffire à lui provoquer des nausées. Intégrer de nouveaux aliments aux repas va donc être très difficile.

    Il existe quelques stratégies, qui demandent beaucoup de patience car il va falloir procéder par micro-étapes, comme pour beaucoup d'apprentissages.

    Par ex., pour l'habituer à la présence d'un aliment sur la table, on va poser celui-ci à une distance suffisante pour qu'il soit supporté. Puis on va progressivement réduire cette distance, jusqu'à le poser sur le bord de son assiette. Quand ça sera acquis, on pourra envisager de seulement poser un petit morceau sur la langue qui sera recraché ensuite. L'étape suivante sera de le poser et de mordre dedans sans l'avaler, puis de mâcher plusieurs fois toujours sans avaler, puis étape ultime : le manger pour de bon ! Bien sûr, à chaque fois, ne pas oublier les félicitations ou même une récompense car l'effort est vraiment très important.

    Personnellement, nous n'en sommes pas là et il nous a fallu plusieurs années pour arriver à "mordre 1 fois sans avaler".

    Attention donc à ne pas être trop exigeants dans cet apprentissage pour ne pas mettre trop de pression. Les repas doivent rester agréables. Il est possible de ne mettre en place cette stratégie que de temps en temps, pas à tous les repas. A chacun de doser en fonction des résultats et de l'effort que ça représente pour la personne.

    Il ne faut pas non plus s'attendre à un résultat optimal, il ne faut parfois compter que sur une petite amélioration.


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  • GESTION DES EFFETS SECONDAIRES
     
    Problèmes de sommeil reliés au TDAH
     
    Récemment il y a un intérêt croissant autour du thème du TDAH et une association possible avec un délai de la croissance
    ou une piètre nutrition
     
    . Plusieurs parents s’inquiètent que leurs enfants atteints de TDAH soient minces ou petits
    et, comme groupe, les enfants atteints de TDAH semblent plus petits que leurs pairs
    , mais ceci demeure un point de controverse. Les enfants qui reçoivent des médicaments stimulants de façon continue démontrent un ralentissement de la croissance par rapport aux enfants qui ne reçoivent aucun médicament pour une période allant jusqu’à 3 ans, mais il n’est pas évident qu’ils deviendront moins grands à l’âge adulte comparativement aux autres enfants (population générale)
     
    Plusieurs études de la nutrition des enfants TDAH indiquent une déficience possible de zinc
    et de ferritine  sériques, ainsi que d’acides gras oméga 3, mais les implications cliniques de ceci ne sont pas claires. Les parents
    qui s’inquiètent que leur enfant mange peu, mange trop de «malbouffe», ou refuse de manger un certain groupe
    d’aliments pourrait s’améliorer si le médecin prenait le temps d’évaluer l’alimentation et qu’on leur donnait des
    stratégies pour encourager la saine alimentation.
    Les enfants avec TDAH peuvent avoir de la difficulté à rester assis à table longtemps et aussi nécessiter des collations
    quand l’effet de la médication diminue. Ceux-ci vont donc bénéficier d’avoir accès à des collations santé. Des études
    cliniques randomisées fiables, avec groupe contrôle démontrant l’impact d’améliorer la qualité de l’alimentation ne sont
    pas disponibles. Quelques recherches suggèrent des bénéfices à la supplémentation en acides gras de type oméga 3 mais
    la méthodologie laisse à désirer
     
    . La logique suggère que, même si une meilleure hygiène du sommeil et une saine
    alimentation ne guériront pas le TDAH, un sommeil et une alimentation adéquats vont contribuer à avoir une meilleure
    santé en général et par conséquent avoir un effet indirect sur le comportement et l’attention
     
    . Des informations supplémentaires sont disponibles dans la section des interventions psychosociales (chapitre 6).
    Stratégies pour améliorer l'apport calorique
    1.
    Offrir aux parents un tableau poids/taille pour qu’ils puissent surveiller tout changement. Rassurer les parents que
    l’enfant pourrait perdre du poids en début de traitement, mais que cela se stabilisera. La taille en percentiles de l'enfant
    ne devrait pas changer, mais il est nécessaire de la surveiller. Cette information aidera à réduire l’anxiété des parents.
    2.
    Des stratégies utilisant des suppléments alimentaires sont souvent prescrites, telles que: consommer des breuvages
    de protéines, ou des breuvages hauts en calories (ex: Boost®, Déjeuner en tout temps!®, Ensure®). Puisque la bouche
    sèche peut être un effet secondaire du médicament, le patient peut avoir une soif significative. Permettez lui de
    consommer des liquides régulièrement au courant de la journée, et un breuvage haut en calories/protéines est souvent
    suffisant pour maintenir ses besoins caloriques. En soirée lorsqu’il peut y avoir un rebond d’appétit, le souper peut
    être séparé en deux ou trois séances pour prévenir les maux d’estomac et la surconsommation, selon le besoin.
    3.
    Laissez l’enfant manger ce qu’il veut pour déjeuner (ex: un sandwich au beurre d’arachides/confitures). Impliquez
    l’enfant dans la préparation des repas et dans les choix à l’épicerie pour ses aliments préférés.
    4.
    Utilisez du lait non écrémé. Préparez des collations nutritives pour rassasier l’enfant.
    5.
    Si est famille de petite taille, et que l’enfant a des difficultés d’alimentation en lien avec la médication, le comité
    LDC-TDAH recommande de considérer des poses dans l’administration des médicaments.
    6.
    Les enfants devraient être encouragés à manger lorsqu’ils ont faim, surtout le matin et le soir.
    Le comité LDC-TDAH recommande que les patients TDAH prennent plusieurs repas par jour (repas+collations), plutôt
    que le régime de 3 repas quotidiens habituels. Plus de recherches sont par contre nécessaires.
    Maux de tête
    Les maux de tête sont un effet secondaire se produisant chez plus de 3% des patients utilisant des médicaments pour
    le TDAH. Les maux de tête peuvent être accompagnés par des nausées ou de l’irritation gastrique. Le mal de tête se
    manifeste d’habitude au cours des deux à trois heures après la prise du médicament et il est caractérisé par une douleur
    constante (plutôt qu’un mal de tête vasculaire qui cause des douleurs irrégulières). Les maux de tête vasculaires peuvent
    aussi être décrits, mais c’est plutôt le signe d’une exacerbation d’un trouble migraineux prémorbide.
    Les stratégies pour diminuer les maux de têtes
    Les traitements symptomatiques incluent les analgésiques légers tel l’acétaminophène ou le ASA. Les céphalées
    disparaissent généralement en une à trois semaines après que le médicament TDAH soit utilisé à dose constante.

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