• 18 schémas cognitifs inadaptés qui contribuent aux troubles de la personnalité

     

     



    Voici les modèles cognitifs du développement des traits de personnalité inadaptés de Aaron Beck et Jeffrey E. Young qui constituent de grands classiques de la psychologie cognitive.

    STRATÉGIES SUR-UTILISÉES

    Pour Beck, les troubles de la personnalité résultent d'une sur-utilisation de stratégies ou de comportements adaptatifs pour la survie de l'espèce tels que la compétition, la dépendance, l'évitement, la résistance, la méfiance, la dramatisation, le contrôle, l'agression, l'isolement et la grandiosité.

     

    Alors que la personne qui n'a pas de trouble de la personnalité utilise certaines de ces stratégies dans des circonstances spécifiques, celle présentant un trouble de la personnalité les sur-utilise de façon rigide même lorsqu'elles sont clairement désavantageuses.

    Par exemple, alors qu'il est adapté d'être méfiant et sur ses gardes dans un coin très criminalisé d'une ville, la personne paranoïaque peut réagir de façon méfiante envers des gens même si les faits objectifs et sa propre expérience lui indiquent qu'ils sont probablement dignes de confiance. Cette rigidité dans les comportements est sous-tendue par une rigidité dans les façons de comprendre et de percevoir les situations.

    LES SCHÉMAS (CROYANCES)

    Le concept de schéma cognitif, principalement introduit par Beck, désigne les croyances (connaissances) de base qui constituent la compréhension qu'a une personne d'elle-même, du monde et des autres. Ces croyances s'élaborent à partir des expériences vécues au cours de la vie, celles de l'enfance étant particulièrement marquantes.

    La personne "en santé" a des croyances de base adaptées et relatives (je suis une personne raisonnablement compétente; le monde présente des dangers mais est relativement sécuritaire; les gens peuvent être bienveillants, neutres ou malveillants envers moi, etc.). Celle qui présente un trouble de la personnalité, au contraire, détient des croyances extrêmes, négatives, globales et rigides (je suis incompétent, mon univers est hors de mon contrôle, les gens sont indignes de confiance, etc.).

    À un moment particulier, selon le contexte et les événements, un schéma (ou un ensemble de schémas) peut être activé ou "dormant". Une fois activé, il constitue la base à partir de laquelle la personne interprète et réagit à la réalité. Chez une personne présentant un trouble de la personnalité, certains schémas sont activés, à tort, dans un très large éventail de situations. Une personne présentant un trouble de la personnalité évitante, par exemple, peut avoir un schéma de danger et de menace activé même lorsqu'elle se trouve avec des gens qui la supportent, ce qui influence l'interprétation des agissements de ces gens (ils ne me trouvent pas intéressant). Cette interprétation détermine ses réactions émotives (anxiété) et ses comportements (retrait). Une personne narcissique peut se conduire de façon compétitive alors qu'elle travaille dans un contexte égalitaire. La personne histrionique peut se conduire de façon théâtrale dans une entrevue pour un emploi.

    Chaque trouble de la personnalité repose sur un ensemble spécifique de croyances et de comportements. Par exemple, la personne dépendante croit qu'elle est incompétente et incapable de se débrouiller seule. Elle a alors tendance à surdévelopper des stratégies pour compter sur les autres et éviter les décisions et les défis importants. Elle ne développe pas suffisamment l'autonomie et la capacité de prendre des décisions. La personne évitante croit qu'elle n'est pas digne d'amour ou de considération et qu'elle est vulnérable. Elle a tendance à éviter l'intimité, les critiques et les émotions désagréables. Elle manque d'ouverture, d'affirmation et de tolérance émotionnelle. La personne obsessionnelle-compulsive croit que son monde peut se désorganiser et met donc beaucoup d'emphase sur les règles, la responsabilité et le contrôle. Elle manque de spontanéité, d'insouciance et de flexibilité. La personne borderline partage plusieurs croyances rigides et négatives avec d'autres troubles de personnalité (je suis inadéquat, je suis fautif, je suis vulnérable, je suis impuissant, je vais être abandonné), ce qui conduit à des comportements extrêmes.

    LES SCHÉMAS INADAPTÉS DE YOUNG

    Young identifie 18 schémas inadaptés, dits schémas précoces d'inadaptation, qui sont sous-jacents à des troubles de la personnalité. Une personne peut toutefois posséder certains de ces schémas à différents degrés (plus ou moins rigides et activés facilement) sans rencontrer tous les critères diagnostiques d'un trouble de la personnalité. Ces schémas se développent tôt dans l'enfance, selon l'expérience vécue, et continuent à s'élaborer tout au long de la vie en servant de base pour l'interprétation de la réalité. Ils sont pris pour acquis et considérés comme irréfutables par la personne, de telle sorte que certaines problématiques qui ont leur origine dans l'enfance peuvent se maintenir longtemps dans la vie adulte.

    Ces 18 schémas sont les suivants (tels que présentés par Cottraux et Blackburn):

    Schémas précoces de séparation et de rejet

    La certitude que ses besoins de sécurité, de stabilité, d'affection, d'empathie, de compréhension, d'approbation et de respect ne seront pas satisfaits. Cette certitude a une origine familiale typique : il s'agit de familles où règnent un climat de séparation, avec explosion, changement, rejet, punitions. Les parents sont stricts, froids ou bien maltraitent l'enfant.

    Abandon/instabilité
    Le manque de stabilité ou de fiabilité, perçu, de ceux qui offrent soutien et sens de l'appartenance à un groupe. Il s'accompagne du sentiment que les personnes "importantes" ne continueront pas à donner appui, force ou protection parce qu'elles sont émotionnellement instables et changeantes (explosions de colère), peu fiables, ou ne sont pas toujours présentes; parce qu'elles mourront bientôt ou parce qu'elles abandonneront la personne pour quelqu'un de "mieux " qu'elle.

    Méfiance/abus
    La personne s'attend à ce que les autres la fassent souffrir, la maltraitent, l'humilient, mentent, trichent et profitent d'elle. En général la souffrance infligée est perçue comme intentionnelle ou résultant de négligence extrême et injustifiable. Ceci peut aussi inclure le sentiment d'être constamment défavorisé par rapport aux autres ou de toujours " tirer la courte paille ".

    Manque affectif
    La personne a la certitude que les autres ne donneront pas le soutient affectif dont elle a besoin. On peut distinguer trois catégories principales :
    - Manque d'apports affectifs : absence d'attention, d'affection, de chaleur, ou d'une présence amicale.
    - Manque d'empathie : absence de quelqu'un de compréhensif qui vous écoute et de quelqu'un à qui parler de soi-même.
    - Manque de protection : absence de quelqu'un de fort qui guide et conseille.

    Imperfection/honte
    La personne se juge imparfaite, " mauvaise", inférieuer ou incapable; le révéler entraînerait la perte de l'affection des autres. Ceci peut inclure : l'hypersensibilité aux critiques, à l'abandon et au blâme. Il peut exister une gêne, avec des comparaisons avec les autres et un manque de confiance en soi. La personne peut ressentir la honte des imperfections perçues, celles-ci peuvent être internes (par exemple : égoïsme, colère, désirs sexuels inacceptables) ou externes (par exemple : défaut physique, gêne sociale).

    Isolement/aliénation
    Le sentiment d'être isolé, coupé du reste du monde, différent des autres et/ou de ne faire partie d'aucun groupe ou communauté.

     

    Schémas précoces de manque d'autonomie et performance

    Les exigences vis-à-vis de soi-même et du monde externe ne correspondent pas à la capacité (perçue) de survivre, d'agir indépendamment et d'arriver à une réussite suffisante. Ceci peut être lié à une origine familiale typique : famille " étouffante " où l'enfant est surprotégé, la confiance en soi est sapée et les relations en dehors de la famille ne sont pas encouragées : il en résulte un déficit d'apprentissage des compétences sociales.

    Dépendance/incompétence
    Croire à sa propre incapacité de faire face seul aux responsabilités journalières (par exemple, prendre soin de soi-même, résoudre les problèmes de tous les jours, faire preuve de bon sens, aborder de nouvelles tâches, prendre des décisions). Dit souvent, " je suis incapable de... "

    Peur des événements inévitables/incontrôlables
    Peur exagérée d'une catastrophe que l'on ne pourra pas éviter. Ces craintes se portent sur une ou plusieurs possibilités:
    - Santé : crise cardiaque, sida
    - Émotions : par exemple perdre la raison
    - Catastrophe naturelle ou phobie : ascenseurs, crime, avions, tremblement de terre.

    Surprotection/personnalité atrophiée
    Attachement émotionnel excessif à une ou plusieurs personnes, souvent les parents, au détriment d'une adaptation sociale normale. Très souvent, croyance qu'au moins l'un des individus ne peut pas survivre à l'autre, ou être heureux sans lui. Peut avoir le sentiment d'être étouffé par les autres, ou doute de lui-même, de sa propre identité. Sentiment d'être vide, sans but; ou, dans des cas extrêmes, questionne sa propre existence.

    Échec
    Croyance que l'on a échoué, que l'on échouera, que l'on est incapable de réussir aussi bien que les autres (études, carrière, sports, etc.). Souvent, la personne se juge stupide, inepte, sans talent, ignorante, inférieure aux autres, etc.

     

    Schémas précoces de manque de limites

    Il peut s'agir de manque de limites internes, de manque de responsabilité envers les autres, ou de l'incapacité à soutenir des buts à long terme. Ceci peut mener à des problèmes concernant les droits des autres, ou concernant ses propres objectifs. L'origine familiale typique est à rechercher du côté de parents faibles, trop indulgents, qui ne peuvent faire appliquer la discipline. L'enfant n'est pas encouragé à prendre des responsabilités, à tolérer un certain manque de confort, ou n'est pas suffisamment surveillé et guidé.

    Droits personnels/dominance
    Ceci correspond au besoin de faire, ou d'obtenir, exactement ce que l'on veut sans considérer ce qu'il en coûte aux autres; ou à une tendance excessive à affirmer sa force, son point de vue et à contrôler les autres à son propre avantage sans considérer leur désir d'autonomie. Le sujet est caractérisé par des exigences excessives et un manque général d'empathie.

    Manque de contrôle de soi/discipline personnelle
    Le problème central est l'incapacité ou le refus de contrôle de soi. La personne ne peut supporter d'être frustrée dans ses désirs et est incapable de modérer l'expression de ses émotions et impulsions. Sous une forme atténuée: elle essaie à tout prix d'éviter ce qui est pénible tels que les conflits, les confrontations, les responsabilités et l'effort, au détriment d'un sens de la satisfaction personnelle ou de son intégrité.

     

    Schémas précoces de dépendance aux autres

    Ils correspondent globalement à une importance excessive attachée aux besoins, désirs, réactions des autres, aux dépens de ses propres besoins afin d'obtenir leur affection ou leur approbation, par peur d'être abandonné ou pour éviter les représailles. Fréquemment, il existe une colère refoulée dont la personne n'est pas consciente. L'origine familiale de ce schéma doit être recherchée du côté d'une affection qui relève du conditionnel : pour se sentir aimé de ses parents, pour obtenir leur approbation, l'enfant réprime ses tendances naturelles. Les besoins des parents (affectifs, sociaux, leur style de vie) passent avant les besoins et réactions de l'enfant.

    Assujettissement
    Le comportement, l'expression des émotions, les décisions, sont totalement soumis aux autres parce ce qu'on se sent forcé d'agir ainsi, en général pour éviter colère, représailles ou abandon. Selon la personne, ses propres désirs, opinions et sentiments ne comptent pas pour les autres. En général, elle montre une docilité excessive mais réagit vivement si elle se sent prise au piège. Il existe presque toujours, une colère refoulée contre ceux à qui il se soumet, provoquant des troubles de personnalité (par exemple : comportement passif/agressif, explosion de colère, symptômes psychosomatiques, troubles affectifs, drogues).

    Abnégation
    Un souci exagéré de toujours considérer les autres avant soi-même; cette considération est volontaire. Les raisons sont en général : peur de faire de la peine aux autres; pour éviter de se sentir coupable d'égoïsme; ou pour maintenir un contact perçu comme nécessaire aux autres. Mène souvent à une hypersensibilité aux souffrances des autres. La personne peut éprouver le sentiment que ses propres besoins ne sont jamais satisfaits, d'où un ressentiment envers les autres.

    Besoin d'approbation
    Le problème central est un besoin excessif de l'attention, de l'estime et de l'approbation des autres; ou faire ce que les autres demandent, que cela corresponde ou non à ce que l'on veut de soi-même. L'estime de soi est formée à partir des réactions des autres et non à partir d'opinions et de valeurs personnelles. Parfois, une importance exagérée est accordée au style de vie, aux apparences, à l'argent, à la concurrence ou à la réussite - être le meilleur, le plus populaire - afin d'obtenir estime ou approbation. Fréquemment, les choix importants de la vie sont faits sans rapport avec le sujet; ou sont des choix qui n'apporteront pas de satisfaction; hypersensibilité au rejet; ou envie de ceux qui ont mieux réussi.

     

    Schémas précoces d'hypervigilance et inhibition

    Le problème principal est le contrôle exagéré des réactions, des sentiments et des choix pour éviter les erreurs ou pour maintenir des règles personnelles rigides dans sa conduite et dans sa performance, souvent aux dépens d'autres aspects de la vie: plaisirs, loisirs, amis; ou au détriment de sa santé. Origine familiale typique : sans joie; travail, devoir, perfectionnisme, obéissance, éviter les erreurs, sont des considérations beaucoup plus importantes que bonheur, joie, détente. Souvent, pessimisme et anxiété sont apparents : tout pourrait se désagréger si l'on ne se montre pas toujours vigilant.

    Peur d'événements évitables/négativité
    Est au premier plan la crainte exagérée que, dans des contextes divers (travail, situation pécuniaire, relations interpersonnelles), tout va tourner au pire; ou bien on retrouve une prise en considération fréquente et persistante de tous les aspects négatifs de la vie : souffrance, mort, conflit, culpabilité, ressentiment, problèmes non-résolus, erreurs possibles, etc., qui s'accompagne d'une minimisation ou d'un déni des aspects positifs et optimistes. Souvent, il existe une peur exagérée de commettre des erreurs et la crainte de leurs conséquences : ruine, humiliation, situation intolérable. Ces personnes sont fréquemment anxieuses, pessimistes, mécontentes et indécises.

    Surcontrôle
    Le contrôle excessif des réactions spontanées (actions, sentiments, paroles) est là généralement pour éviter les erreurs, la désapprobation d'autrui, les catastrophes, le chaos ou par peur de ne pouvoir maîtriser ses impulsions. On peut distinguer :
    - La répression de la colère et de l'agressivité.
    - Le besoin compulsif d'ordre et de précision.
    - La répression d'impulsions positives (joie, affection, excitation sexuelle, jeux).
    - L'adhérence excessive à la routine et au rituel.
    - La difficulté à reconnaître ses propres faiblesses, ou à exprimer facilement ses propres sentiments ou besoins. Souvent ces attitudes sont appliquées aux proches.

    Idéaux exigeants
    La conviction que l'on doit s'efforcer d'atteindre et de maintenir un niveau de perfection dans son comportement ou sa performance représente un idéal destiné à éviter les critiques. Ces exigences amènent à une tension constante; s'arrêter dans ses efforts ou se détendre devient impossible. Une critique constante de soi-même et des autres est effectuée. Par conséquent la personne souffre des déficits de plaisirs, détente, santé, estime de soi, satisfaction personnelle et relations interpersonnelles. On peut distinguer :
    - Le perfectionnisme, importance excessive attachée aux détails et sous-estimation de sa propre performance.
    - Des règles rigides; l'importance du devoir. Ces règles s'appliquent à de nombreux aspects de la vie : morale, culture, religion.
    - Préoccupation constante de temps et d'efficacité : toujours faire plus et mieux.

    Punition
    La tendance à se montrer intolérant, très critique, impatient et à " punir " les autres, et soi-même, s'ils n'atteignent pas le niveau de perfection que l'on exige. Ceci entraîne : la difficulté à pardonner les erreurs ou les imperfections - en soi ou chez les autres - l'incapacité de considérer les circonstances atténuantes; et un manque d'empathie, de flexibilité, ou l'incapacité d'admettre un autre point de vue.


    LA RIGIDITÉ DES SCHÉMAS

    La personne "en santé" ajuste ses schémas (ses croyances) à mesure qu'elle expérimente de nouvelles situations, ce qui lui permet de développer des comportements variés, adaptés aux différentes situations. Les schémas inadaptés présents dans les troubles de la personnalité ont cependant tendance à se maintenir. Young décrit trois types de processus ou de stratégies qui contribuent à ce maintien. Selon qu'une personne met davantage en oeuvre l'un ou l'autre de ces types de processus, elle vit différemment un schéma: elle capitule, fuit ou contre-attaque. La plupart des gens ont recours à un mélange de ces stratégies.

    Le maintien des schémas (capitulation):
    La personne pense, ressent et réagit selon son schéma. Elle juge incorrectement les gens et les circonstances de façon qui renforce les croyances reliées à son schéma. Elle crée des situations et choisit des relations qui entretiennent son schéma. Diverses distorsions cognitives maintiennent les jugements erronés. Par exemple, l'attention sélective consiste à ne voir que les faits qui confirment le schéma. Ainsi la personne histrionique peut ne pas remarquer qu'elle est souvent plus appréciée lorsqu'elle est plus discrète. Nous présentons dans le Dossier Dépression (section Processus cognitifs) les différents types de distorsions cognitives par lesquelles l'interprétation de la réalité peut être biaisée de façon à se conformer aux schémas. Il est fréquent de recréer et de rechercher les contextes familiers dans lesquels nous avons grandi. Par exemple, la personne qui a le schéma d'imperfection trouve naturel de tolérer des gens qui la critiquent, ce qui maintient son schéma. Elle se comporte de telle sorte qu'on continue à la critiquer et à la déprécier. De même, l'apparente froideur de la personne qui a un schéma d'exclusion influe sur l'accueil que lui font les gens. La personne qui a un schéma d'abandon (croyance qu'elle est toujours susceptible d'être abandonnée) trouve souvent naturel d'investir dans la relation avec un partenaire qui craint de s'engager.

    L'évitement des schémas (fuite):
    La personne évite de penser à des questions reliées au schéma et évite les situations qui peuvent activer le schéma et faire vivre des sentiments négatifs de tristesse, de honte, d'anxiété ou de colère. Elle est souvent inconsciente de l'existence de son schéma. Elle le nie. La personne avec un sentiment d'imperfection peut fuir l'intimité. La personne avec un schéma d'exclusion peut fuir les rassemblements, les réunions de travail, les congrès, les partys. La personne ayant le schéma d'échec peut fuir le travail, les études et les nouveaux projets. La personne avec un schéma de dépendance peut fuir les situations où elle doit faire preuve d'autonomie. Ces évitements empêchent de tester ses schémas et de les modifier graduellement.

    La compensation (contre-attaque):
    La personne pense et réagit de façon opposée à son schéma. Cependant ses comportements sont souvent trop extrêmes et contribuent à maintenir son schéma. Par exemple, la personne avec un schéma de carence affective peut tellement réclamer d'attention qu'elle éloigne les autres et se retrouve encore plus privée d'affection. Une personne peut développer un sentiment de supériorité qui est à l'opposé du sentiment d'imperfection vécu dans l'enfance. Elle peut consacrer beaucoup d'énergie à son prestige et à sa situation sociale et choisir ses relations de façon à se sentir supérieur. Cette contre-attaque empêche toutefois, entre autres, l'intimité.

    LA CONSCIENTISATION DES SCHÉMAS

    La personne pour qui un ou des schémas représentent un problème n'en a souvent pas conscience. Soit parce que les croyances associées à ces schémas lui semblent tellement naturelles et évidentes qu'elles ne sont pas remarquées, soit parce qu'elle évite ou contre-attaque (voir La rigidité des schémas). Toutefois, ces schémas déterminent l'interprétation des situations que la personne vit, c'est-à-dire ce qu'elle se dit au sujet de ces situations. Ces interprétations, appelées pensées automatiques, sont des pensées observables plus facilement accessibles à la conscience que les schémas. Par exemples: qu'est-ce que les gens vont dire?; il faut que tout soit fait à temps; comment osent-ils me traiter ainsi?; il se désintéresse de moi; je ne suis pas capable de rester seule, etc.. Les pensées automatiques manquent souvent d'objectivité et présentent des biais cognitifs. Elles sont logiques par rapport aux croyances sous-jacentes mais elles sont souvent inexactes dans la situation vécue. Elles présentent, ce qui a été appelé des distorsions cognitives.

    Ces interprétations de la réalité déterminent les émotions et les comportements. Par exemple, la personne obsessionnelle-compulsive peut être anxieuse dans une situation où elle craint de ne pas performer assez bien. Ce qui peut l'amener à prendre trop de temps et d'énergie, à dépasser ses limites et à négliger d'autres besoins pour que tout soit parfait dans les moindres détails, etc.. La personne narcissique peut devenir agressive si elle n'obtient pas un traitement de faveur. C'est l'observation des pensées automatiques, des réactions émotives et des comportements qui peuvent mettre la puce à l'oreille concernant les croyances qui les sous-tendent.

    TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ ET SANTÉ MENTALE

    Lorsqu'activés, les schémas inadaptés provoquent des émotions intenses qui mènent fréquemment, directement ou indirectement, à divers problèmes psychologiques souvent associés aux troubles de la personnalité, tels la dépression, l'anxiété, la panique, la solitude, les relations destructrices, l'abus d'alcool, de drogues, de nourriture et des désordres psychosomatiques. Le plus souvent c'est au sujet de l'un de ces problèmes que la personne souffrant d'un trouble de la personnalité consulte un psychologue ou un médecin.


    Psychomédia avec sources:
    - Beck, J.S., Cognitive Therapy of personnality Disorders in P. M. Salkovskis, Frontiers of Cognitive Therapy, Guilford Press, 1996
    - Cottraux, J. et Blackburn, I.M.. Thérapies cognitives des troubles de la personnalité. Masson, 1995.
    - Young, J.E. et Klosko, J.S., Je réinvente ma vie, Les Éditions de l'Homme, 1995.
    Tous droits réservés


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  • Trouble de l'opposition: les solutions

     

    Trouble de l'opposition: les solutionsDre Nadia Gagnier, collaboration spéciale
    Le Soleil

    La semaine dernière, ma chronique portait sur le trouble de l'opposition. Certaines personnes m'ont écrit en disant que le sujet était intéressant, mais qu'ils étaient restés sur leur faim, puisque je conseillais aux parents dont l'enfant semble souffrir de ce trouble de consulter, plutôt que de donner des solutions concrètes.

    J'aimerais remercier les gens qui m'ont fait ce commentaire, et les rassurer en précisant que bien souvent, le simple fait de pouvoir bien identifier une problématique chez son enfant, d'en reconnaître les symptômes et de savoir qu'il faut consulter peut déjà soulager et guider beaucoup de parents.

    Cette critique constructive m'a tout de même permis de réfléchir au fait que bien que tous les enfants ne souffrent pas du trouble de l'opposition, les solutions qui s'appliquent habituellement à ce trouble peuvent tout de même servir à tous les parents. J'ai donc décidé d'approfondir cette chronique en y développant une suite...

    Mais avant de proposer les solutions, permettez-moi de résumer le contenu de la chronique de la semaine dernière, pour ceux qui ne l'auraient pas lue... Plusieurs parents sont surpris lorsque leur enfant défie leur autorité, parce qu'ils s'attendent à ce qu'il respecte les consignes de façon automatique ! En fait, il peut être normal qu'un enfant fasse l'essai une ou deux fois de défier l'autorité, mais lorsque cette attitude devient quotidienne et qu'elle affecte son fonctionnement général, cela peut signifier qu'il a développé un trouble de l'opposition.

    Les symptômes

    - Perd le contrôle de sa colère

    - S'obstine et argumente avec les adultes

    - Défie les consignes et les règlements

    - Ennuie délibérément les autres

    - Blâme les autres pour ses erreurs ou ses mauvais comportements

    - Est facilement dérangé par les autres

    - Est souvent irrité

    - Est souvent rancunier

    Lorsqu'un enfant développe ce trouble, il en résulte souvent une relation très négative avec ses parents. En fait, on voit souvent apparaître un cercle vicieux où parce que l'enfant s'oppose, le parent devient plus stressé, émotif et colérique. Ces émotions peuvent amener le parent à devenir moins constant dans ses interventions. Ainsi, son autorité perd de la crédibilité aux yeux de l'enfant, qui s'oppose alors de plus belle.

    La principale solution à ce problème est de faire en sorte que l'enfant regagne sa confiance et son respect envers l'autorité. Pour ce faire, les parents doivent tenter de rétablir une relation positive avec leur enfant et développer un style d'éducation positif. Par exemple, ils peuvent prévoir de faire régulièrement des activités agréables et d'avoir des moments de rapprochement avec l'enfant. Les parents doivent également intégrer le renforcement positif dans leur style d'éducation, au lieu de seulement anticiper les «mauvais coups» et de se préparer à punir l'enfant. Même lorsque les parents ne voient que du négatif chez l'enfant, ils doivent faire l'impossible pour tenter de le surprendre en flagrant délit de bon comportement !

    Il est important que les parents sachent comment donner une consigne de manière efficace. Premièrement, avant de donner la consigne, il faut être certain de vouloir la faire respecter jusqu'au bout. Ensuite, les parents doivent adopter un ton clair, positif et directif ; en évitant de formuler les consignes sous forme de questions (ex. : est-ce que tu voudrais...). Il est important de donner une seule consigne à la fois, en s'assurant d'avoir un bon contact visuel avec l'enfant. Il peut être utile d'éliminer les distractions avant de donner une consigne (ex. : demander à l'enfant d'éteindre la télé ou son jeu vidéo). Les parents peuvent même demander à l'enfant de répéter la consigne pour s'assurer qu'il a bien compris. Ainsi, on évite de se mettre en colère contre l'enfant qui n'écoute pas parce qu'il n'était pas attentif ou parce qu'il n'avait pas compris.

    Les parents dont l'enfant souffre d'un trouble de l'opposition sévère et qui prennent la décision de consulter un psychologue (service de référence de l'Ordre des psychologues du Québec : 1-800-561-1223) pourront être soutenus dans l'application de ces interventions. De plus, le psychologue pourra les aider à développer des stratégies visant à éviter de donner de trop nombreux avertissements avant une conséquence. Il aidera les parents à établir leurs attentes envers leur enfant, à prévoir des conséquences raisonnables pour le non-respect des consignes et des renforcements positifs efficaces pour les bons comportements. Des psychologues encourageront les parents à établir un système de jetons, selon laquelle la conduite de l'enfant fera en sorte qu'il gagnera ou perdra des jetons.


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