• Scolarisation et besoins d’apprentissages d’élèves autistes

     

    Par Valérie Barry

     

    Pour que la scolarisation d’un élève en situation de handicap relève pleinement de « l’égalité des droits et des chances, de la participation et de la citoyenneté » [2], il est fondamental que l’accueil scolaire se traduise par un double processus de socialisation et d’apprentissage. Mais comment faire quand l’élève est autiste, et manifeste précisément des troubles dans les domaines relationnel et intellectuel ?

     


     

    La loi du 11 février 2005 a établi le droit à la scolarisation des enfants handicapés, et en particulier de ceux qui présentent des troubles autistiques. Or la Classification Internationale des Maladies définit l’autisme comme un trouble envahissant du développement, caractérisé par la perturbation des interactions sociales, de la communication verbale ou non verbale, du comportement (lequel est restreint, stéréotypé, répétitif). Face à l’expression de distorsions dans la posture d’élève et les stratégies d’apprentissage, un enseignant (ou un auxiliaire de vie scolaire) peut se sentir découragé, impuissant à transformer des situations de crise en moments d’apprentissage. L’enjeu est alors d’interpréter l’organisation psychologique atypique de l’élève comme une dynamique adaptative, face à un monde qui lui est difficilement compréhensible, et de tenter de traduire en besoins d’apprentissages les manifestations observées.

    Des besoins d’apprentissages relationnels

    L’élève autiste noue difficilement des relations sociales adaptées [3]. Il est possible qu’il ne témoigne pas d’affection pour autrui, qu’il manifeste un intérêt plus grand pour des objets que pour des personnes, qu’il préfère l’isolement aux relations interpersonnelles, qu’il évite le regard de ses interlocuteurs, qu’il utilise l’adulte à des fins déterminées (en prenant sa main pour obtenir quelque chose, par exemple). Ce comportement est en particulier corrélé à un déficit de la théorie de l’esprit, c’est-à-dire de la capacité à interpréter des sentiments, des croyances, des idées, des désirs (les siens, ceux d’autrui) [4]. Ce déficit rend autrui « indécodable » et imprévisible. Il peut expliquer la nécessité, pour la personne autiste, d’adopter une posture de retrait, ainsi que sa difficulté à manifester de l’empathie et à saisir les indices fournis par la communication non verbale.
    Ainsi, il est fondamental de rendre l’humain « lisible » à l’élève autiste, en verbalisant souvent les intentions et émotions sous-jacentes aux actions réalisées dans la classe (il est possible de le faire à la fin d’une activité, lors du bilan collectif de celle-ci, ou au cours d’interactions duelles avec l’élève, pendant la tâche). Il s’agit d’amener le sujet à comprendre, par une interprétation de ses pensées et de celles d’autrui, que l’esprit est mu par celles-ci. On peut qualifier au quotidien ce que l’apprenant semble ressentir au plan émotionnel à un moment d’apprentissage précis (joie, peur, tristesse, colère), ainsi que la raison de cette émotion. On souligne alors, par des indications sur son propre visage, quelles modifications faciales accompagnent le ressenti (sourire, sourcils froncés, etc.), afin que l’élève « observe » ses émotions en miroir. Il est possible de partager ce type de démarche avec les parents. On peut également insister sur les intentions implicites révélées par les actions du protagoniste d’un récit. Quels que soient les choix de travail, ils sont liés par une volonté quotidienne d’amener l’élève autiste à pénétrer son monde subjectif (de sujet apprenant) et celui d’autrui, afin de se sécuriser en situation groupale et de développer ses possibilités interprétatives.

    Des besoins d’apprentissages instrumentaux

    On constate dans l’autisme une altération de la perception : le sujet ne peut s’abstraire de sensations auditives, visuelles, tactiles, gustatives, olfactives exacerbées, qui sont d’autant plus envahissantes qu’elles lui sont nouvelles. On observe ici de nouveau une difficulté d’interprétation du monde extérieur. Autrement dit, un bruit à peine audible, mais inconnu, risque de faire fortement réagir l’élève. Il est possible qu’une odeur inconnue l’inquiète, qu’un aliment d’une couleur particulière le rebute, qu’une lumière l’obsède [5]. Une texture nouvelle, néanmoins très douce, peut provoquer un sentiment de panique.
    De ce fait, il est important de ne pas considérer l’hypersensorialité de l’élève au regard de la norme, mais d’éclairer ses réactions à la lueur des relations qu’il entretient avec son environnement, en s’interrogeant notamment sur le niveau de familiarité de certains stimulus. L’enseignant peut alors interpréter un comportement réactif en fonction du caractère potentiellement intrusif et déstabilisant d’une perception nouvelle. Là encore, c’est par la mise en mots que l’on aide l’élève à transformer un envahissement sensoriel, qu’il n’est pas en mesure d’interpréter, en représentation mentale. À ce sujet, on peut prendre le temps, notamment en début d’année scolaire, de faire plusieurs fois avec lui le tour de la classe, pour en « écouter les bruits » : une chaise qu’on déplace, un tiroir qu’on tire, une armoire qu’on ouvre, une craie qui parcourt le tableau... On éduque alors sa perception, en lui faisant ressentir quelles parties du corps en sont les instruments. Dès lors qu’un bruit inconnu se fait entendre dans la classe, on veille à en expliquer la provenance. Cela peut même se généraliser en une sorte de jeu « sensoriel » dans le groupe (et à la maison, si c’est possible) : « D’où vient cette lumière qui traverse la fenêtre ? Quelle est l’odeur qui nous parvient de la cantine ? » Etc. Si l’élève n’est pas en mesure d’y participer, cela ne l’empêche pas d’entendre les questions et les réponses qui sont formulées au sujet de son environnement sensoriel. Ainsi, quand l’enseignant se décentre de son propre fonctionnement perceptif et tente d’être en empathie avec celui de l’élève autiste, il peut contribuer à ce que ce dernier accepte son environnement scolaire et investisse au plan intellectuel les informations sensitives qui lui parviennent.

    Des besoins d’apprentissages cognitifs

    Le trouble autistique précoce est caractérisé par des déficits importants dans l’acquisition du langage, qui n’a pas nécessairement de fonction communicative. Les difficultés lexicales alimentent en particulier un déficit d’abstraction, lequel engendre de nouvelles difficultés lexicales. Il convient donc de ne pas minimiser la communication orale au profit de substituts imagés, mais d’accompagner si nécessaire les messages verbaux (consignes, indications, etc.) par des gestes, des photos ou dessins présentés de façon ordonnée, et mettant en scène ces messages. De même, il est important de ne pas appauvrir les formulations enseignantes, mais de veiller à une généralisation progressive de l’usage des mots. Par exemple, si l’élève entend simultanément les termes « pardessus », « blouson », « anorak » pour désigner le même vêtement qu’il doit revêtir, cela peut être déstabilisateur. L’enseignant privilégie un terme en particulier, en montrant à l’élève plusieurs signifiants de ce terme (ici : plusieurs types de pardessus), afin de l’aider à conjuguer différentes représentations d’objets à un même mot (ce qui est le principe même de l’abstraction). Par suite, dès que l’élève semble comprendre les messages incluant ce terme, on lui associe des termes synonymes ou proches, toujours en mettant en relation, dans la mesure du possible, les concepts abordés et plusieurs de leurs représentants concrets. Par exemple, pour illustrer le mot « rectangle », on peut désigner des éléments du sol, des murs, du plafond, des fenêtres de la classe ; on peut tracer un rectangle au tableau (à base horizontale, à base oblique), désigner les six faces d’un pavé droit, former approximativement un rectangle avec ses doigts ou un élastique, etc. Là encore, les activités peuvent se poursuivre dans le milieu familial. Cette démarche peut être profitable à tout élève du groupe, dans la mesure où chaque concept se généralise et élargit son champ d’application à partir d’une multitude de particularisations. Il s’agit de prendre en compte au quotidien les besoins d’abstraction sous-jacents aux besoins langagiers, et réciproquement. 

    Des besoins d’apprentissages culturels

    Comme tout autre élève, l’apprenant autiste a besoin de s’emparer de la culture scolaire pour construire son avenir. Mais le tableau composé par ses supposées « bizarreries » peut avoir pour effet d’« “autistiser” autrui » [6], c’est-à-dire de détruire progressivement le lien social et intellectuel qui fonde la relation enseignant/élève. À terme se pose le risque d’un élève qui s’affaire à des tâches occupationnelles, isolé (et toléré) dans la classe, tandis que le reste du groupe investit de véritables apprentissages. Pour éviter cela, il est fondamental que l’adulte se situe dans le « penser élève », c’est-à-dire envisage à tout moment l’enfant handicapé comme un apprenant, et s’empare de toute situation pour enseigner. Considérons par exemple un élève autiste en situation de retrait, qui refuse d’interagir avec autrui, qui ne s’intéresse à aucune des activités prévues par l’enseignant, et qui ne cesse de manipuler frénétiquement des objets, dans le seul but d’exercer sa sensorialité sur leur surface et leurs contours. « Penser élève », c’est par exemple traduire en termes scientifiques l’acte stéréotypé observé : « là, tu es en train de manipuler un cube. C’est un objet géométrique. Ce que tu frottes avec ton doigt s’appelle une arête du cube. Il y en a douze en tout. On peut le vérifier ensemble si tu veux, ou je peux le vérifier devant toi… », etc. Il s’agit pour l’enseignant d’utiliser le langage pour « injecter » du sens à une situation d’évitement de pensée : en nourrissant patiemment et sans relâche l’intellect de l’élève par la mise en mots de ses propres actions, on l’aide progressivement à s’appuyer sur le domaine de la perception pour investir celui de la représentation mentale, et à s’intéresser à terme aux objets de la culture scolaire.

    Enfin, pour engager dans les activités précédemment proposées un élève qui peut être envahi par des peurs sans nom, il est important de s’assurer au quotidien qu’il connait les réponses aux questions suivantes : où suis-je ? Pourquoi suis-je là ? Qui sont ces adultes ? Qui sont ces enfants ? Que vais-je faire ? Pourquoi vais-je le faire ? Comment s’appelle ce qu’on me demande d’utiliser ? Qu’est-ce que je ressens ? Que ressentent les autres ? Combien de temps vais-je rester ici ? Quand vais-je quitter cet endroit ? Quand vais-je y revenir ?...

    Valérie Barry, formatrice pour l’ASH à l’IUFM de l’Université Paris XII.

     


    [1Loi n° 2005-102 du 11 février 2005

    [2Loi n° 2005-102 du 11 février 2005

    [3Sciences humaines, Dossier : « Autisme : les apports de la neuropsychologie », hors série n° 45, juin-juillet-aout 2004. Voir la présentation de l’article sur le site de Sciences humaines

    [4] Rita Jordan, Stuart Powell, Les enfants autistes. Les comprendre, les intégrer à l’école, Paris : Masson, 1997. Commander cet ouvrage avec Amazon

    [5Christine Philip (Ed.) Educautisme. Les connaissances actuelles sur l’autisme et leurs implications éducatives et pédagogiques, Suresnes : Éditions du CNEFEI, 1995. Commander cet ouvrage avec Amazon

    [6Bernard Golse, Pierre Delion (Dir.) « Autisme, état des lieux et horizons. Première partie », Le Carnet Psy, n° 75, septembre-octobre 2002. Commander cet ouvrage avec Amazon


    42 commentaires
  •  

    TDAH

     

     

     

    Auteur: Benoît Hammarrenger, Ph.D.

     

    Le Trouble de déficit de l’attention avec/sans hyperactivité (TDAH) est le diagnostic à la mode des années 2000. On en entend parler un peu partout : à l’école lors des réunions avec l’enseignante,  entre parents à l’aréna ou autour d’un souper, à la radio, à la télé, dans les journaux, etc. On entend ou on lit des reportages catastrophes sur la médication et souvent l’un et l’autre aura son opinion très tranchée quant à ce diagnostic, mais surtout quant à son traitement principal : la médication. Dans cet article, nous essaierons d’établir l’état des connaissances objectives et scientifiques sur le sujet, afin de vous aider à prendre des décisions éclairées pour le diagnostic et le traitement du TDAH.

     

    Deux tableaux pourtant bien différents

    En effet, c’est la première chose que l’on remarque et qui surprend quand on entend le nom de ce diagnostic. Quand on pense au déficit d’attention, on pense à l’enfant lunatique et rêveur, un peu lent à se mettre en action, qui perd le fil de son travail parce qu’il part dans ses rêveries. un enfant que l’on perçoit souvent comme plus renfermé et introverti, rarement perturbateur en classe. Inversement, l’enfant hyperactif est celui qui ressort tout de suite du groupe par son agitation et son impulsivité. Il est plus souvent décrit comme celui qui dérange le groupe, qui prend de la place et qui agit de manière irréfléchie.

    Voyons tout d’abord les critères reconnus pour ces deux entités diagnostiques:

    —         Inattention (DSM-5, 2013)

    • Ne parvient pas à porter attention aux détails, fait des fautes d’étourderie;
    • A du mal a soutenir son attention au travail ou dans les jeux;
    • Semble souvent ne pas écouter quand on lui parle;
    • Ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas à mener à terme ce qu’il fait;
    • A du mal à s’organiser;
    • Évite ou a en aversion les tâches qui demandent un effort mental soutenu;
    • Perd ses objets;
    • Se laisse facilement distraire par des stimuli externes;
    • A des oublis fréquents.

    —         Hyperactivité/impulsivité (DSM-5, 2013)

    • Remue les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siège;
    • Se lève dans des situations où il doit rester assis;
    • Court ou grimpe partout;
    • A du mal à se tenir tranquille dans les jeux ou loisirs;
    • Agit comme s’il était “monté sur ressorts”;
    • Parle trop;
    • Laisse échapper une réponse à une question qui n’est pas encore entièrement posée;
    • A du mal à attendre son tour;
    • Interrompt souvent les autres ou impose sa présence. 

     

    Alors puisque ces deux versants du TDAH semblent si différents, pourquoi les inclut-on dans un seul et même trouble? Et pourquoi leur attribue-t-on généralement le même traitement pharmacologique, c’est-à-dire la même médication que l’enfant soit inattention ou hyperactif? En fait la réponse à cette question se trouve dans la neurologie. Ce sont les mêmes portions du cerveau, celles de l’aire préfrontale, qui s’occupent à la fois de stimuler l’attention et la vigilance de l’enfant, et à la fois de lui permettre de s’auto-contrôler et de gérer son impulsivité. Or l’inattention et l’hyperactivité réfèrent à une immaturité ou à un dysfonctionnement des mêmes régions du cerveau, ce qui en fait une seule et même entité diagnostique.

    La meilleure façon d’expliquer simplement le rôle de l’aire préfrontale serait de la comparer à un filtre. Un filtre qui permet à l’enfant de déterminer ce à quoi il porte attention, tout en retenant dans le filtre les distractions non pertinentes autour de lui, auxquelles il ne doit pas porter attention. Ce filtre permet également à l’enfant de retenir en dedans ses comportements qui ne sont pas appropriés au contexte, ce qui est à la base de l’auto-contrôle. Le filtre permet de retenir une envie de se lever en pleine classe, une envie de répondre sans lever la main, ou de retenir une explosion de colère pour ne laisser transparaître qu’un mécontentement par exemple. C’est donc ce filtre qui fait défaut chez l’enfant inattentif qui ne parvient pas à s’empêcher de porter attention aux bruits autour de lui, ou même à ses propres pensées, et qui fait également défaut chez l’enfant hyperactif qui ne parvient pas à contrôler ses envies, ses réactions et émotions.

     

    “C’est juste au Québec. Ici on en diagnostique de plus en plus”

    C’est une inquiétude, voire une préoccupation fréquente des parents. Cette impression qu’au Québec, on a le “diagnostic facile” pour le TDAH, alors qu’il ne s’agirait que d’enfants normaux, qui seraient passés parfaitement inaperçus il y a une vingtaine d’années. 

    Première chose, l’état des connaissances actuelles nous démontre assez clairement un taux de prévalence uniforme de TDAH à travers le monde (au moins à travers le monde occidental), oscillant entre 5% et 7% des enfants (Polancyk et al., Am J Psychiatry 2007). Il y a toutes les raisons de croire que ce taux fut le même à travers les époques et à travers les nations. La meilleure explication de l’origine du TDAH serait génétique, laissant croire qu’une tare génétique affecterait de manière uniforme tous les humains, où qu’ils soient, et que cette tare génétique programmerait le développement du cerveau de manière à ce qu’il y ait un sous-développement des aires péfrontales du cerveau. Le TDAH serait expliqué à 75% par transmission génétique (Faraone & Mick, 2010)

    Ceci dit, d’autres facteurs peuvent contribuer à la manifestation d’un TDAH, tels que la prématurité, ou la consommation de substances (drogues, tabac, alcool) pendant la grossesse. De plus, il existe bel et bien des hypothèses selon lesquelles l’activité humaine, par la pollution de l’air et de l’eau, et par la contamination des aliments aux pesticides, aurait contribué à une augmentation des cas de TDAH au cours des dernières années. Le cerveau serait particulièrement vulnérable chez le fœtus en développement, lorsque la mère serait exposée à ces contaminants. Chose certaine cependant, ce n’est pas juste au Québec que ça se passe.

    Il faut également tenir compte du fait que la scolarisation est de plus en plus valorisée et nécessaire de nos jours, ce qui expose davantage ceux pour qui l’attention est difficile à soutenir en classe. Également, plus de professionnels sont formés et disposent de plus de données scientifiques pour se prononcer sur ce diagnostic. Par contre, y a-t-il également de faux diagnostics de TDAH ? La réponse est oui, et il en sera question plus bas dans cet article.

     

    Un TDAH c’est pour la vie?

    Il n’y a qu’une douzaine d’années à peine, on aurait répondu oui à cette question. Aujourd’hui, des études récentes et solides laissent entrevoir de bien meilleures nouvelles quant au pronostic de ce syndrome. Il semble maintenant que plus ou moins 50% des jeunes atteints du TDA/H, en seront “guérit”  une fois devenus adultes (Polanczyk et al., Am J Psychiatry 2007). Attention, on ne parle pas ici simplement d’adultes qui s’adaptent à leur trouble, mais d’adultes qui semblent neurologiquement rétablis de leur TDAH, de telle façon que les scans et imageries ne perçoivent plus de différence entre eux et les adultes n’ayant jamais présenté de TDAH, au niveau de l’anatomie et du fonctionnement des aires frontales, soit les parties du cerveau impliquées dans le TDAH (Shaw et al., 2012).

    Il reste cependant 50% des enfants atteints du TDAH, chez qui la problématique persiste à l’âge adulte. Les symptômes ont tendance à changer cependant chez l’adulte atteint de TDAH. L’hyperactivité motrice peut s’apaiser, et le besoin de bouger est souvent canalisé dans les sports ou au sein d’un travail actif, ou de projets stimulants qui se succèdent (avec une tendance à débuter un nouveau projet sans avoir mené à terme le précédent). On parle chez l’adulte d’un trouble plus exécutif qu’attentionnel, affectant principalement l’organisation, la planification, et la capacité à mener à terme ce qui est entamé.  Le neuropsychologue Russell Barkley, spécialiste du TDAH, a établi pour sa part une liste de 9 symptômes qui caractérisent l’adulte chez qui le trouble persiste :

    • Distrait par des stimuli extérieurs;
    • Prend des décisions impulsives;
    • A de la difficulté à cesser une activité ou un comportement, même lorsqu’il/elle le devrait;
    • Débute un projet ou une tâche sans lire ou écouter les instructions correctement;
    • Ne tient pas ses promesses ou ses engagements;
    • A de la difficulté à faire les choses dans le bon ordre, la bonne séquence;
    • Sujet à faire de la vitesse excessive en conduite automobile, ou à commettre des erreurs d’inattention en conduite automobile;
    • Difficulté à soutenir son attention sur une tâche ou une activité de loisir;
    • Difficulté à organiser et planifier ses tâches et ses activités.

     

    Et si on pouvait “voir” le TDAH dans le cerveau, y croiriez-vous?

    Il y a quelque chose d’abstrait dans le TDAH, quelque chose qu’on ne peut pas réellement voir et qui nous fait douter de l’existence même de ce trouble. “C’est une invention de notre société parce que les parents n’ont plus le temps de s’occuper de leurs enfants” dira-t-on.  Il y a aussi quelque chose de normal et même d’absolument souhaitable à voir un enfant bouger, s’exciter, rire, crier, et penser davantage à jouer qu’à travailler. À partir de quand est-ce que ce n’est plus normal? “Laissez-le donc être un enfant” entendra-t-on également. Alors comment croire au diagnostic de quelque chose qu’on ne peut pas voir et qui paraît par ailleurs normal et souhaitable chez un enfant?

    Et si on pouvait le voir le TDAH dans le cerveau y croiriez-vous? Vous ne remettriez pas en doute un diagnostic d’os fracturé si vous voyez la radiographie. Vous ne remettriez pas en doute un diagnostic de cancer si on vous montrait la masse au scan. Souvent, nous sommes ainsi faits que “voir c’est croire”, alors puisqu’il en est ainsi, laissons-nous convaincre par l’animation suivante:

     

    Dans cette étude, le Dr Philip Shaw et son équipe (Shaw et al. PNAS, 2007) ont utilisé une méthode d’imagerie (scan) pour mesurer l’épaisseur du cortex à différents endroits (sur 40 000 points) et à différents âges. Ils ont établi une épaisseur corticale moyenne à chaque âge entre 5 et 13 ans, en comparant les enfants diagnostiqués du TDAH, à des enfants contrôles, donc sans TDAH. Sur l’animation ci-haut, plus une zone est foncée, plus les connexions neuronales y sont développées (et donc plus le cortex est épais). Le résultat ainsi obtenu frappe par sa saillance, et l’animation ainsi produite parle d’elle-même. On y voit se dérouler la maturation accélérée des aires frontales entre les âges de 5 et 10 ans chez le groupe d’enfants contrôles, alors qu’un retard de maturation de ces mêmes aires est manifeste et indiscutable chez le groupe d’enfants atteints du TDAH.

    Plusieurs études ont démontré par le passé un volume et une aire corticale diminuée dans la partie frontale des enfants présentant un TDAH, ainsi qu’une consommation d’oxygène et de glucose diminuée dans ces mêmes aires, laissant croire à une sous-activation de celles-ci. Depuis l’étude de Shaw et al. en 2007, plus aucun doute ne subsiste : Le TDAH est un trouble neurologique, dont les symptômes sont hors du contrôle et de la bonne volonté de l’enfant. Il lui sera donc nécessairement plus difficile de porter attention et de faire preuve d’auto-contrôle.

     

    Attention aux FAUX TDAH : Le neuropsychologue pour s’assurer d’un bon diagnostic

    Malheureusement le TDAH n’est pas toujours bien diagnostiqué. Trop souvent on se fie à des impressions et quelques symptômes du quotidien, sans investiguer si ces symptômes ne seraient pas plutôt attribuables à autre chose qu’un TDAH. Par exemple, aux États-Unis, une étude-choc récente a démontré que près d’un million d’enfants américains vivraient avec un faux diagnostic de TDAH et seraient injustement médicamentés alors qu’en fait il ne s’agirait que d’immaturité (Elder et al., 2010; Evans et al., 2010). Cette étude a démontré que le TDAH est davantage diagnostiqué chez les enfants les plus jeunes de leur classe (par exemple les enfants nés aux mois d’août et septembre au Québec sont constamment les plus jeunes de leur classe puisque ceux qui ont 5 ans avant le 30 septembre entrent à l’école un an plus tôt que ceux qui ont 5 ans en octobre). Ces enfants ont simplement un retard de quelques mois en âge sur leurs pairs, ce qui en bas âge explique leurs comportements plus agités et leur durée d’attention plus courte. D’autres problématiques peuvent mener à un faux diagnostic de TDAH comme l’anxiété (l’enfant porte attention aux pensées anxieuses qu’il entretient et non au professeur qui parle), les troubles de langage (affectant souvent l’aspect réceptif, donc la compréhension. L’enfant qui ne comprend pas les explications ne peut les exécuter et donne l’impression d’avoir été inattentif) et parfois même la douance (l’enfant doué s’ennuie en classe et commence à déranger parce qu’il s’ennuie en classe et cherche à se stimuler autrement).

     

    Le neuropsychologue est outillé pour faire le diagnostic du TDAH et par ses tests, il est le professionnel le mieux outillé pour faire le lien entre les symptômes de l’enfant et les fonctions du cerveau, afin d’assurer un diagnostic précis. Voici quelques règles de base afin de s’assurer d’un bon diagnostic du TDAH :

    1. Une anamnèse avec les parents : Les parents doivent être rencontrés et une histoire complète du développement de l’enfant doit être construite avec le professionnel qui fait l’évaluation. Cette histoire de développement doit aussi être faite lors d’une évaluation chez un adulte.
    2. Des questionnaires aux parents et enseignants : Les questionnaires de symptômes sont fréquemment utilisés et permettent au professionnel qui fait l’évaluation de savoir quels sont les manifestations dans le vie de tous les jours. Attention, ces questionnaires sont essentiels, mais un diagnostic de TDAH ne devrait JAMAIS être basé uniquement sur les résultats à ces questionnaires.
    3. Des tests d’attention à l’enfant : Si l’on veut bien évaluer l’attention et formuler des recommandations appropriées, il va de soi que des tests d’attention soient administrés à l’enfant.
    4. Des tests mesurant les autres capacités cognitives de l’enfant : C’est ce que l’on appelle faire un diagnostic différentiel. Afin de voir si les difficultés d’attention ne seraient pas mieux expliquées par un trouble de langage, ou un trouble d’apprentissage par exemple. Les tests en neuropsychologie permettent de faire ce diagnostic différentiel en dressant un profil cognitif complet de l’enfant, et pas seulement un profil attentionnel.
    5. Une investigation psycho-affective de l’enfant : L’enfant aux prises avec une perturbation affective comme de l’anxiété ou de la tristesse se montrera aussi inattentif en classe. Encore une fois il ne s’agit pas d’un TDAH, puisque le fait de traiter la tristesse ou l’anxiété permettra de régler les difficultés d’attention. Inversement, chez ces enfants, si on traite le TDAH par médication, on risque d’augmenter l’anxiété ou la tristesse comme effet secondaire… Il est donc important que votre professionnel soit aussi en mesure d’investiguer les aspects affectifs et émotifs chez l’enfant.

     

    L’enfant TDAH : comme une Ferrari sans carburant

    Une belle métaphore existe dans la littérature Québécoise pour illustrer le TDAH. Elle a été formulée par la psychiatre Annick Vincent, dans son livre “Mon cerveau a besoin de lunettes”. Elle y compare donc le cerveau de l’enfant inattentif à l’œil de la personne myope. L’œil de la personne myope possède ce qu’il faut pour voir, mais il lui faut un outil pour l’aider à fonctionner de manière optimale : les lunettes. De la même manière, le cerveau de l’enfant inattentif possède ce qu’il faut pour réussir, mais il lui faut un outil pour l’aider à fonctionner de manière optimale : la médication.

     J’aime expliquer aux enfants (et même aux parents) le déficit d’attention à l’aide d’une autre métaphore, qui a tendance à plaire beaucoup aux petits garçons: celle de la Ferrari. La Ferrari est une voiture de course possédant un moteur ultra-puissant pour la propulser. La Ferrari est capable de performances que les autres voitures n’atteindront jamais. En plus, la Ferrari est belle et fait tourner des têtes sur son passage. Mais la Ferrari, elle ne fait rien de tout ça sans carburant… De la même façon cher enfant, tu possèdes un cerveau ultra-puissant pour réfléchir et apprendre. Ton cerveau est capable de performances exceptionnelles, j’en suis certain. Tu possèdes tout ce qu’il faut pour impressionner et faire tourner les têtes autour de toi. Mais sans attention, ton cerveau ne peut rien faire de tout ça…

    J’aime cette métaphore parce qu’elle présente l’attention de manière dynamique, quelque chose que le cerveau consomme lorsqu’il travaille (comme la voiture qui consomme du carburant lorsqu’elle roule) et qui peut s’épuiser à un moment donné. Vue sous cette angle, l’attention devient également quelque chose qui peut être rechargée, comme lorsque l’on amène la voiture aux puits de ravitaillement. Les deux principales façons de “passer à la pompe” pour recharger l’attention étant : le sommeil et l’activité physique. La médication représente une façon d’augmenter la quantité de carburant dans le réservoir au cours de la journée, mais également de mieux utiliser le carburant disponible.

     

    Travaillez AVEC le besoin de bouger, et non CONTRE celui-ci

    Pour l’enfant atteint du TDAH, bouger est un besoin. Il cherche à attraper tout ce qui est à portée de main pour le manipuler (voire le désintégrer), il gigote sur sa chaise, se tourne et se retourne, sautille sur place, cherche à se lever, etc. Lorsque l’on s’arrête à comprendre le fonctionnement du cerveau, on arrive à une découverte fascinante : neurologiquement, bouger stimule l’attention!

    En effet, un lien anatomique existe entre attention / auto-contrôle et motricité puisque la partie frontale du cerveau prend en charge ses deux groupes de fonctions. Ainsi, en raison de la proximité anatomique, de nombreuses connections neuronales existent entre la section “attentionnelle” et la section “motrice” du cerveau. Puisque les neurones de ces deux aires cérébrales sont connectés, lorsqu’une section est activée, l’autre risque de l’être également. Ainsi, les neurones des aires motrices qui envoient un influx nerveux aux muscles pour les activer, projettent également des signaux électriques qui vont activer l’aire attentionnelle du cerveau. Comprenant cela, l’agitation d’un enfant en classe nous apparaît soudainement sous un tout nouveau jour : l’enfant qui s’agite en classe ne cherche pas à déranger et à être “tannant”, il cherche au contraire à être attentif! Le fait de bouger devient son meilleur recours pour éveiller la partie attentionnelle de son cerveau et pour rester à l’écoute de son enseignante! Inversement, si on demande à cet enfant agité de cesser de bouger et de s’asseoir correctement pour écouter, on risque alors d’éteindre la portion attentionnelle de son cerveau, qui dépendait de l’activation motrice pour rester activée.

    Ainsi, nous devrions réorienter notre approche de l’enfant TDAH afin de travailler AVEC son besoin de bouger, en canalisant celui-ci de manière acceptable, plutôt que CONTRE ce même besoin, en imposant à l’enfant une position d’écoute statique et passive.

    Voici donc quelques recommandations afin de stimuler l’attention de l’enfant par la stimulation motrice :

    • Faire du sport et de l’activité physique : L’activité physique a tellement de vertus qui sont autant de bonnes raisons de s’y adonner. Le sport favorise une meilleure santé, favorise les interactions sociales, augmente l’estime de soi et aide à la régulation des émotions. Mais en plus de cela, l’activité physique permet une oxygénation du cerveau qui éveille les fonctions attentionnelles pendant 20 à 30 minutes après l’exercice.
    • Les balle de tension (ou balle de stress) : Ce sont ces petites balles que l’on manipule dans la main et que l’on peut serrer. En plus d’occuper les mains chez l’enfant TDAH qui cherche à tout attraper autour de lui, ces contractions de la main et de l’avant-bras permettent une réactivation de l’attention et un maintien de l’état de vigilance dans le cerveau.
    • Les coussins gonflables : Ce type de coussin est gonflé et placé sur la chaise de l’enfant. Assis sur celui-ci. l’enfant a un peu l’impression d’être assis sur un gros ballon de style ballon de yoga. Il doit alors contracter les muscles de l’abdomen et du dos pour maintenir une bonne posture. Ces contractions permettent de nouveau une meilleure activation de l’attention.
    • L’élastique : Il s’agit d’élastiques à bande large, en caoutchouc, souvent utilisés en physiothérapie. On peut attacher cet élastique aux pattes avant de la chaise de l’enfant, ce qui fait que l’élastique passe devant ses jambes. L’enfant peut alors forcer vers l’avant avec ses jambes, contre la résistance que procure l’élastique. Ces contractions en position assise diminuent l’envie de l’enfant de se lever en classe et répondent à son besoin de bouger, tout en étant assis et à l’écoute. De nouveau, ces contractions favorisent l’attention et la vigilance chez l’enfant.

      

    Le Ritalin, parlons-en!

    Nous y voici, la question fatidique lorsque l’on parle du TDAH : Que penser de la médication? La réponse à cette question mérite des nuances qui sont trop souvent escamotées dans les médias. Première chose il est important de mentionner qu’il existe maintenant toute une gamme de médicaments pouvant traiter le TDAH. Le Ritalin, bien qu’encore fortement médiatisé, n’est dans les faits pratiquement plus prescrit. D’autres options existent et ont maintenant une durée d’action plus longue (permettant de couvrir toute la journée d’école) et une efficacité mieux répartie à travers le temps permettant un effet plus uniforme sur l’organisme. La médication représente donc un bon outil, lorsqu’on a le bon problème : un TDAH. Une part importante de la mauvaise presse attribuée à ces médicaments provient du fait qu’ils sont parfois prescrits sans une bonne évaluation au départ, ce qui entraîne la prise de médication chez des enfants qui n’ont pas réellement de TDAH. La médication ne traite alors rien du tout, et l’enfant ne fait qu’en subir les effets secondaires.

    Il faut également savoir que 70% des jeunes ayant un TDAH, répondent très bien à la médication. Cela signifie que leur attention est significativement améliorée, sans qu’ils ne ressentent d’effets secondaires importants. Ces enfants disent alors qu’ils se découvrent soudainement aussi intelligents que leurs camarades de classe alors qu’ils croyaient depuis toujours être incapables d’apprendre et de vivre des succès scolaires. Les parents quant à eux affirment souvent avoir maintenant accès à ce qu’est réellement leur enfant, à ses capacités réelles. Parfois même des parents diront qu’ils peuvent enfin discuter avec leur jeune et construire une relation avec celui-ci, sans qu’il ne soit en train de bouger de tous les côtés et de dire n’importe quelle “folie” qui lui passe par la tête. L’enfant semble devenir plus mature, prendre des décisions plus avisées (moins impulsives) et cela peut alors améliorer également ses relations sociales.

    Il reste tout de même un taux de 30% des enfants TDAH qui répondent moins bien à la médication. Ceux-ci ne présentent alors aucune amélioration significative de leur attention, ou alors ils rencontrent plus d’effets indésirables que d’effets positifs liés au traitement. Ce sont les enfants que l’on voit perdre leur vitalité et leur étincelle d’enfant pour devenir amortis et amorphes, ou encore les enfants qui perdent l’appétit au point de devenir chétifs et de ne plus progresser selon leur courbe de croissance. Lorsque ceci est le cas, il paraît impératif de repenser le traitement, et de rediscuter de la dose ou du choix de la médication avec un médecin. 

    Surtout, retenez qu’en tout temps la décision de médicamenter un enfant est une décision qui appartient exclusivement aux parents. Au Québec toute personne est en droit de refuser un traitement médical, et aucun moyen de pression ne peut être utilisé pour obliger un tel traitement. Il est donc non seulement immoral, mais également illégal qu’un intervenant du milieu scolaire par exemple “oblige” un parent à médicamenter son enfant, sous peine de lui retirer certains services d’aide comme des séances d’orthopédagogie par exemple.

    La médication représente parfois un outil nécessaire, dans les cas de TDAH modérés à sévères. En tant que parents, assurez-vous d’abord d’avoir un bon diagnostic, et ensuite de poser toutes vos questions à un professionnel afin de vous assurer de posséder les informations nécessaires à une prise de décision éclairée et objective.

     

    Ressources:

    Livres pour les parents :

    Livres pour l’enfant :

    Livre pour l’adulte TDAH :

    Sites internet :

     

    L’auteur

    Dr Benoît Hammarrenger, neuropsychologueBenoît Hammarrenger, Ph.D., est neuropsychologue, diplômé de l’Université de Montréal. En 2003, il fonde la Clinique d’Évaluation et Réadaptation Cognitive (CERC) à Laval. La vocation principale du CERC est d’aider les jeunes, enfants et adolescents, qui présentent des difficultés d’apprentissage, et/ou des difficultés de comportement. En 2012, Dr Hammarrenger fonde une seconde clinique à Montréal, et son équipe compte aujourd’hui une vingtaine de spécialistes. À travers ces années, il s’est principalement intéressé au diagnostic du trouble de déficit de l’attention / hyperactivité (TDAH), ainsi qu’à l’enseignement de méthodes parentales efficaces pour gérer les comportements d’opposition chez les enfants. Il offre régulièrement des conférences aux parents et aux enseignants sur le sujet. Pour plus d’informations, vous êtes invités à visiter le site internet du CERC.

     

     

    Nouvelles

    Le dépliant de l’AQNP est disponible

    Ce document présente, de façon succincte, des informations générales sur la neuropsychologie ainsi que les principaux motifs de consultation et les façons d’avoir accès aux services des neuropsychologues.  Téléchargez notre dépliant en format PDF. Les membres de l’AQNP... Voir toutes les nouvelles

     


    votre commentaire
  • Trouble d’opposition / provocation

     

    Auteur: Benoît Hammarrenger, Ph.D.

     

    Lutte de pouvoir, ou avoir raison à tout prix

    Le trouble d’opposition / provocation est caractérisé par une désobéissance quasi-généralisée. Face à une consigne qui lui déplaît, l’enfant peut alors montrer soit de l’opposition passive (semble acquiescer à la demande, mais omet volontairement d’y donner suite), soit de l’opposition active (l’enfant crie, frappe, lance les objets, ou confronte et défie par un “non” en regardant dans les yeux), soit de l’opposition dite passive-agressive (l’enfant semble se conformer à la demande de l’adulte, mais il blesse autrui ou brise “accidentellement” quelque chose en cours d’action).

    Face à ces enfants, les parents diront qu’ils se sentent constamment en situation de lutte de pouvoir. L’enfant refuse de se plier aux consignes, puis refuse de se plier aux conséquences et aux punitions imposées par les parents. Dans certains cas, les parents ont même l’impression que l’enfant a pris le dessus dans la maison et que dans le fond, c’est lui qui décide maintenant. Dans les cas plus graves, l’enfant, en plus de refuser de se plier à l’autorité, cherche à provoquer l’adulte. Ces enfants savent ce qui fait fâcher leurs parents, et ils l’exploitent! Ils savent aussi mettre le parent dans l’embarras en faisant des crises en public. C’est d’ailleurs souvent de cette façon, par les crises, qu’ils finissent par obtenir ce qu’ils veulent et qu’ils finissent par avoir régulièrement le dessus sur l’autorité parentale. Il s’agit alors d’un problème sérieux, face auquel il est impératif d’intervenir rapidement. Sans intervention, le trouble oppositionnel avec provocation peut évoluer en trouble des conduites, qui s’apparente davantage à de la délinquance (opposition aux règles de société, comportements qui violent les droits des autres, délits, agressivité physique, etc).

    Au diagnostic du trouble oppositionnel avec provocation, le DSM-5 parle d’humeur irritable/colérique, de comportements d’argumentation défiant l’autorité et/ou de comportements vindicatifs.

    L’opposition, ça sert à quelque chose!

    Il faut d’abord savoir que l’opposition est une phase normale, saine et même souhaitable dans le développement d’un enfant. Vers l’âge de deux ans, l’enfant comprend qu’il a un certain contrôle sur son environnement, mais surtout sur les gens autour de lui. Il comprend qu’il peut dire non à une demande qui lui est formulée, ce qu’il n’avait jamais réalisé auparavant. Il constate même parfois qu’il obtient plus d’attention lorsqu’il s’oppose à une demande que lorsqu’il s’y conforme! L’opposition de l’enfant a alors comme fonction première de lui permettre d’affirmer son individualité. L’enfant affronte ses parents pour la première fois en leur passant le message qu’il peut avoir des envies distinctes de ce qu’ils exigent de lui, et qu’en tant qu’individu, il peut faire valoir ses envies à lui. C’est la “phase du non” qui commence, ou ce que les parents appellent le “terrible two”.

    Cette phase doit cependant s’estomper et l’enfant doit revenir en harmonie avec ses parents. Cette harmonisation doit se faire par une approche des deux côtés. Les parents doivent reconnaître l’individualité de leur enfant en le laissant faire des choses par lui-même lorsqu’il le demande, en le laissant faire des choix et prendre des décisions, et en valorisant l’autonomie de l’enfant. L’enfant quant à lui doit réaliser que ses parents lui imposent un cadre qui doit être maintenu, et ce, pour sa propre sécurité. L’enfant doit alors avoir une grande confiance en ses parents, souvent même une confiance aveugle. Même s’il ne comprend pas pourquoi on lui impose un règlement, il doit avoir confiance que ses parents le lui imposent pour son bien. Lorsqu’il se fait discipliner, l’enfant doit avoir suffisamment confiance en ses parents pour croire qu’ils l’aiment toujours autant, et qu’ils se montrent sévères justement parce qu’ils se soucient de son bien-être.

    Dans l’enfance, un trouble d’opposition / provocation apparaît habituellement pour l’une des raisons suivantes:

    • L’enfant n’est pas reconnu par ses parents dans ses besoins, dans son individualité et dans sa recherche d’autonomie.
    • L’enfant et ses parents n’ont pas réussi à établir un lien de confiance mutuelle.
    • L’enfant a appris que l’opposition est payante (exemple: il reçoit davantage d’attention lorsqu’il s’oppose que lorsqu’il se conforme, ou encore il sait que s’il s’oppose il a des chances d’avoir gain de cause).
    • Il y aurait aussi une composante génétique qui prédisposerait certains enfants à adopter des comportements d’opposition.

    Notons qu’une seconde phase d’opposition normale et souhaitable apparaît à l’adolescence. L’opposition remplit de nouveau la même fonction, soit d’affirmer l’autonomie et l’individualité. L’adolescent commence à avoir des opinions distinctes de celles de ses parents, et ne veut pas toujours suivre le chemin qu’ils ont tracé pour lui. L’adolescent veut aussi se montrer capable de faire les choses par lui-même de façon autonome. Cette opposition est d’une importance capitale afin d’amener l’adolescent à devenir un adulte autonome.

    Le rôle essentiel du neuropsychologue

    Avant de diriger les interventions, il faut toujours s’assurer qu’on a le bon diagnostic, et il faut connaître les causes sous-jacentes à ce diagnostic. Le neuropsychologue, par ses outils d’évaluation, permet d’établir un profil complet de l’enfant pour le comprendre sous toutes ses facettes. Le neuropsychologue pourra ainsi déterminer si le trouble d’opposition s’inscrit dans un syndrome à origine neurologique comme le TDAH ou le syndrome de Gilles-de-la-Tourette par exemple. On comprendra facilement que l’intervention qui suivra ne sera pas la même si les comportements d’opposition sont attribuables à l’impulsivité de l’enfant hyperactif, à l’attirance de l’interdit de l’enfant Tourette, à un besoin émotif et affectif accru de l’enfant, ou à des failles dans le mode d’intervention parental. Un bon diagnostic en neuropsychologie permet donc de bien diriger les interventions.

    Le cycle de l’opposition

    Le neuropsychologue américain Russell Barkley a établi un modèle qui détaille remarquablement bien le cycle de l’opposition chez l’enfant. Nous avons repris ce modèle et l’avons adapté pour le présenter dans la figure à la page suivante. On y voit le rôle de l’argumentation dans l’opposition. Ainsi:

    1) Initialement les parents formulent une demande à l’enfant, ou lui refusent quelque chose qu’il désire. À cela l’enfant s’oppose et commence à argumenter. En réponse aux arguments de l’enfant, les parents expliquent, réexpliquent, reformulent et réexpliquent de nouveau leur décision. C’est le début de l’argumentation. Puis les parents entrent dans les arguments de l’enfant et souvent on dévie à ce moment dans une argumentation irrationnelle, parce que l’enfant utilise des arguments irrationnels. Par exemple:

    Enfant: “Tous mes amis ont ce jouet et pas moi”
    Parent: “Bien c’est ça, tu peux aller vivre chez un de tes amis si tu veux!”

    Dans cet exemple, l’argument de l’enfant est manifestement invraisemblable, mais les parents y répondent tout de même par un argument tout aussi invraisemblable puisque jamais ils ne laisseraient leur enfant aller vivre ailleurs! Cette argumentation ne mène donc à rien en terme de résolution de la situation.

    Barkley, 1981

    2) Après un certain nombre de répétitions de la consigne, avec argumentation, les parents passent à la deuxième étape: La menace. On menace alors l’enfant d’une punition ou de la perte d’un privilège. Habituellement l’argumentation continue, mais subit alors un changement de direction. L’enfant n’argumente plus sur la consigne de départ, mais argumente maintenant sur la menace de punition.

    3) Au cours de ce cycle, la tension monte de part et d’autre. Cela nous amène à la troisième étape où le parent prend une décision punitive envers l’enfant. Le parent étant en colère, il impose une grande punition à l’enfant, que souvent il n’arrivera pas à tenir une fois que la tension redescendra. Dans ce cas l’enfant apprend qu’en fait les punitions ne tiennent pas. Mais au moment de la punition en question, alors que la tension est forte, l’enfant risque d’exploser et de faire une crise (agression), ce qui envenime encore davantage la situation.

    Il y a deux choses à retenir dans le cas d’enfants qui présentent de l’opposition. La première est celle-ci (on verra la seconde plus loin) : L’argumentation est le carburant qui maintient en vie le cycle de l’opposition. Coupez l’argumentation, vous couperez l’opposition. Lorsque le cycle commence, dès votre demande initiale on comptera jusqu’à 3 pour que l’enfant se conforme. Si ce n’est pas fait à trois, on coupe les ponts. On isole l’enfant et on cesse complètement d’interagir avec lui pendant quelques minutes. Un enfant ne peut s’opposer seul sur une île déserte! L’opposition n’existe que s’il y a quelqu’un pour relancer l’enfant. En coupant l’interaction et l’argumentation, on coupe le carburant au moteur de l’opposition.

    Le rôle de la fratrie : Comme dans un bon vieux Western Hollywoodien

    Depuis que le cinéma existe, une trame de fond semble commune au succès de la production. Cette trame existe depuis les bons vieux Westerns Hollywoodiens, et se retrouve encore aujourd’hui dans les films de science fiction et les drames policiers. À tous ces films, il existe nécessairement deux personnages principaux: Le Héros-gentil, et le Super-vilain méchant. Ces deux personnages suscitent de fortes émotions chez le spectateur, et sont le plus souvent polarisés aux extrêmes dans leurs caractéristiques personnelles. Le héros est beau, fort, courageux, altruiste et gagnant à la fin du film. Le méchant est souvent moins beau, hypocrite, lâche, égocentrique et perdant à la fin du film. On aime le héros, on déteste le vilain. Mais le plus important, c’est que l’un n’existe pas sans l’autre. Le héros ne sert à rien s’il n’y a pas de vilain, et le vilain ne nous ferait pas tant réagir si nous n’avions pas d’abord prit la part du héros. Qui plus est, il ne peut y avoir deux héros, ni deux super-vilains. Lorsqu’un rôle est pris, le prochain acteur devra auditionner pour l’autre rôle.

    Mais quel lien avec le trouble de l’opposition chez l’enfant? Eh bien cette trame hollywoodienne à succès se reproduit aussi au sein de votre famille, dans la fratrie. Lorsqu’un enfant présente naturellement un comportement sage et obéissant, et que la réussite scolaire lui est aisée, cela le place naturellement dans la position du héros à la maison. On le félicite pour ses succès, on souligne ses bons comportements, on le serre dans nos bras en s’exclamant à quel point on est fier de lui et on le récompense par des privilèges. L’autre enfant de la fratrie qui présente une personnalité plus téméraire, qui oublie les consignes plus souvent et pour qui la réussite scolaire est moins automatique regarde le héros (son frère ou sa sœur) et constate qu’il ne pourra jamais atteindre ce standard. Il ne lui sert à rien d’auditionner pour le rôle de héros dans la famille, celui-ci étant déjà pris par un autre qu’il se sait bien incapable de déloger. Ainsi, pour avoir une place aussi importante dans sa famille, il ne lui reste plus qu’à se diriger vers le rôle de vilain. Celui qui devient tout le contraire de l’autre. Désobéissant, excité et désagréable. Si l’enfant constate qu’il ne peut obtenir l’amour de ses parents par la réussite, il obtiendra au moins leur attention par l’échec. Il est bien plus valorisant d’obtenir une réaction forte des parents parce qu’on a mal fait quelque chose, que d’obtenir une réaction tiède parce qu’on a bien fait, mais pas autant que le héros dans la famille. Dans un film, celui qui fait bien, mais pas autant que le héros, c’est un figurant, ou tout au mieux, un second rôle. Aucun enfant ne veut être un second rôle, le rôle du méchant devient donc l’alternative pour obtenir un rôle principal. Tout ceci se passe bien inconsciemment et même insidieusement et sur plusieurs mois ou années. Mais graduellement les rôles se campent, se polarisent et chaque enfant agit en concordance avec son personnage.

    Ainsi, en tant que parent, il est facile d’avoir en tête cette métaphore pour renverser la vapeur. Il s’agit de se demander, comment peut-on donner un premier rôle positif à l’enfant opposant? La réponse dépend de chaque enfant. Il faut voir dans quoi cet enfant est fort. On pourra par exemple exagérer nos félicitations et l’attention qu’on porte à l’enfant opposant dans le sport, s’il y excelle davantage que l’enfant-héros. On pourra porter nos félicitations et nos récompenses sur les efforts fournis dans les études plutôt que sur le résultat au bulletin. Parfois une consultation avec un spécialiste (psychologue ou neuropsychologue) peut permettre d’établir ce plan d’action permettant de revaloriser positivement l’enfant opposant, et ainsi le sortir de son rôle de vilain.

    Au fond, tout revient à un besoin d’être aimé !

    Nous disions plus haut qu’il y a deux choses à retenir dans les cas d’opposition. La seconde (et peut-être la plus importante) est la suivante: Aimez votre enfant, aimez-le encore, et consacrez-lui du temps de qualité. C’est le besoin le plus important pour un enfant. Une étude auprès de bébés singes a démontré qu’il leur était plus important d’être près de leur mère que de se nourrir. Face à un choix forcé, ceux-ci préféraient se priver de nourriture que de se priver de leur mère. Au fond nous ne sommes que des primates évolués et cela illustre à quel point chez nos enfants aussi, le besoin de l’amour parental est prédominant.

    Pour le lecteur qui n’a pas vécu avec un enfant opposant, aimer son enfant semble une évidence. Pour le parent qui vit au quotidien l’opposition et la provocation d’un enfant, l’amour qu’on pensait inconditionnel semble parfois ébranlé. Et débute ainsi un cycle où on cherche à éviter l’enfant parce qu’on anticipe un contact désagréable. Plus on cherche à l’éviter, plus l’enfant lui, aura besoin de se rassurer du fait que ses parents sont toujours là pour lui. Ainsi, il adoptera encore plus de comportements opposants et provocateurs afin de susciter une réaction et obtenir cette attention de ses parents. Un exemple typique pour les parents d’enfants opposant est le suivant: lorsqu’il joue seul, de manière calme et posée, on évitera à tout prix d’aller voir l’enfant pour ne pas briser ce beau moment de paix. On perçoit l’enfant comme une bombe sur le point d’exploser et on évite cette bombe, de peur de provoquer l’explosion. Ainsi l’enfant qui a à ce moment un comportement exemplaire, ne recevra aucune attention de la part de ses parents. Il aura tôt fait de réaliser que la meilleure façon d’obtenir cette attention sera d’exploser…

    Ainsi l’aspect le plus important sera d’établir un lien de confiance fort et inébranlable entre l’enfant et ses parents. Pour ce faire, il est incontournable de passer du temps positif et de qualité avec lui chaque jour pendant 20 à 30 minutes. L’enfant va souvent chercher de l’attention négative par son opposition, là où il n’arrive pas à obtenir de l’attention positive. Notons aussi qu’un enfant hésitera davantage à s’opposer s’il sent qu’il risque de briser un lien positif fort avec le parent et qu’il s’opposera davantage s’il sent qu’il n’a rien à perdre dans son lien avec le parent (ou même s’il sent qu’il y gagne de l’attention). L’enfant doit sentir un lien d’attachement fort, et ce avec ses deux parents. Il vaut la peine d’insister ici sur l’importance de l’investissement non seulement de la mère, mais aussi du père et souvent encore plus auprès de petits garçons qui le prennent comme modèle. Il est aussi recommandé de renverser l’interaction négative en utilisant le plus fréquemment possible des mots positifs envers l’enfant opposant. On le félicite pour ses réussites et ses efforts, et on lui répète qu’on l’aime et qu’on est fier de lui. Les contacts physiques comme les câlins et les baisers sont de puissantes méthodes pour solidifier le lien parent-enfant.

    Ressources

    Livres pour les parents

    Livres pour l’enfant

    Sites internet

    Comité Québécois pour les jeunes en difficulté de comportement

    L’auteur

    Dr Benoît Hammarrenger, neuropsychologueBenoît Hammarrenger, Ph.D., est neuropsychologue, diplômé de l’Université de Montréal. En 2003, il fonde la Clinique d’Évaluation et Réadaptation Cognitive (CERC) à Laval. La vocation principale du CERC est d’aider les jeunes, enfants et adolescents, qui présentent des difficultés d’apprentissage, et/ou des difficultés de comportement. En 2012, Dr Hammarrenger fonde une seconde clinique à Montréal, et son équipe compte aujourd’hui une vingtaine de spécialistes. À travers ces années, il s’est principalement intéressé au diagnostic du trouble de déficit de l’attention / hyperactivité (TDAH), ainsi qu’à l’enseignement de méthodes parentales efficaces pour gérer les comportements d’opposition chez les enfants. Pour plus d’informations, vous êtes invités à visiter le site internet du CERC : www.cerc-neuropsy.com


    1 commentaire
  • Douance

    Dépister, comprendre et accompagner

    Auteure : Carine Doucet M.A.

     

    Génie, prodige, surdoué, talentueux, plusieurs termes sont employés lorsque l’on aborde la question de l’intelligence exceptionnelle ou de la douance chez l’enfant. Bien évaluer l’enfant doué intellectuellement est essentiel afin de guider ses parents et ses enseignants dans son accompagnement.

    Cet article vise, dans un premier temps, à clarifier les concepts d’intelligence et de douance. Dans un deuxième temps, à montrer en quoi consiste l’évaluation neuropsychologique d’un enfant doué et, finalement, à illustrer comment les recommandations découlant de l’évaluation neuropsychologique peuvent jouer un rôle central dans l’actualisation du plein potentiel de l’enfant doué.

     

    1. L’intelligence : de quoi parle-t-on?

    Il n’y a pas de réponse simple et consensuelle à cette question. La définition de l’intelligence varie selon de nombreux facteurs, tels les croyances, la culture, etc. Mais tentons tout de même de définir ce concept aux multiples facettes : l’intelligence regrouperait les capacités d’apprendre, de comprendre et de s’adapter aux différentes situations vécues en utilisant un raisonnement juste et approprié. L’intelligence permettrait donc d’agir en respectant l’objectif souhaité, de penser rationnellement et d’avoir des interactions avec le milieu dans lequel on évolue.

    Pour ce faire, nous disposons naturellement de différentes aptitudes ou formes d’intelligence, qui seraient en interaction. Plusieurs modèles ont été proposés pour les expliquer. Parmi ceux-ci, nous vous présentons deux modèles reconnus et auxquels on fait souvent référence, soit les modèles de Gardner et de Sternberg. Voici un résumé de deux théories :

    1..1 Modèle de l’intelligence selon Gardner : 8 formes ou aptitudes

    Douance1

    2.2 Modèle de l’intelligence selon Sternberg : 3 principales formes d’intelligence

    Douance2

     

    2. Qu’est-ce que la douance? une réponse en plusieurs critères!

    Tout comme pour l’intelligence, il n’existe pas une seule façon de définir le concept de douance. Certains auteurs allèguent que le haut potentiel intellectuel est inné, donc présent génétiquement, et d’autres qu’il représente le résultat d’entraînement ou du développement d’habiletés. Il est probable qu’un certain potentiel intellectuel soit inné, mais qu’il puisse être modifié selon l’entraînement ou l’utilisation des capacités de l’enfant.

    Historiquement, l’évaluation du quotient intellectuel (QI), a joué un rôle important pour définir et évaluer l’enfant doué. Encore aujourd’hui, pour différentes raisons, l’évaluation intellectuelle demeure un indicateur important de la douance. Toutefois, considérant qu’il existe plusieurs formes et habiletés pour définir l’intelligence, pour être doué, il importe d’avoir différentes qualités intellectuelles.

    Dans les prochaines sections, nous vous présenterons deux modèles définissant la douance, soient celui de Renzulli et celui de Sternberg.

    2.1 Modèle de la douance selon Renzulli

    Pour Renzulli, il existerait deux types d’enfants doués. Le premier type comprendrait ceux qui ont un haut potentiel académique, enfants plus typiquement reconnus comme doués. Le deuxième type comprendrait les enfants ayant un haut potentiel créatif. Pour caractériser les comportements des enfants doués, il propose trois composantes d’habiletés, qui sont en interaction :

    1. Composante de l’aptitude intellectuelle élevé (intelligence) : raisonnement, pensée abstraite, mémoire et différents champs spécifiques (musical, corporel, etc.).
    2. Composante de la créativité : réalisation de productions originales, création de solutions novatrices pour résoudre des problèmes et s’adapter aux défis de la vie quotidienne.
    3. Composante de l’implication : intérêt, enthousiasme, motivation, confiance en soi et besoin d’accomplissement.

    Douance3

    2.2 Modèle de la douance selon Sternberg

    Pour définir ce qui rend un enfant doué, l’auteur Sternberg a décrit un modèle en cinq critères :

    1. L’excellence dans un domaine par rapport aux autres personnes qui forment un groupe de référence.
    2. La rareté du niveau atteint par rapport aux pairs.
    3. Le potentiel pour produire quelque chose à l’aide de cette habileté ou du regroupement d’habiletés qui soit utile.
    4. La possibilité de démontrer son-ses habileté (s) avec une évaluation valide et standardisée.
    5. La valeur relative de (s) l’habileté (s) pour la société dans laquelle la personne douée évolue.

     

    Douance4

     

     

    3. Le rôle du neuropsychologue pour l’évaluation de l’enfant doué

    Le neuropsychologue demeure un professionnel essentiel pour participer à l’identification de la douance d’un enfant. Son rôle consiste à vérifier l’existence possible d’une relation entre sa façon d’être et son fonctionnement cérébral. Son évaluation permettra donc d’établir un lien entre les comportements observables et le fonctionnement cognitif.

    Concrètement, le neuropsychologue procède à une évaluation permettant d’identifier le haut potentiel d’un enfant, et ce, en employant différentes sources d’informations. Il est entendu qu’une ou des épreuves standardisées doivent être administrées à l’enfant, mais le neuropsychologue effectuera aussi des entretiens auprès d’adultes connaissant bien l’enfant (ex. : parents, enseignant). Cela permettra un diagnostic psychologique nuancé et précis. Donc, avant de statuer sur la douance, le neuropsychologue doit considérer et évaluer plusieurs caractéristiques de l’enfant.

    L’évaluation neuropsychologique

    Le neuropsychologue débutera souvent avec une évaluation du quotient intellectuel (QI), car elle est nécessaire. La plupart du temps, le QI sera évalué à l’aide d’un test d’intelligence standardisé. Ce type de batterie se compose de plusieurs sous-tests, tâches qui solliciteront chacune un aspect différent du fonctionnement intellectuel de l’enfant. Le QI est obtenu en situant la performance de l’enfant évalué à celle des enfants du même groupe d’âge que lui. Les tâches sont habituellement regroupées en quatre échelles : compréhension langagière, raisonnement perceptif, mémoire de travail et vitesse de traitement de l’information. Une échelle globale, score général, peut être également calculée. Pour considérer qu’un enfant soit doué intellectuellement, il semble convenu qu’un quotient intellectuel de 130 à l’échelle globale est nécessaire. Les enfants dont le QI excéderait 130 représenteraient environ 2% de la population.

    En plus de l’évaluation intellectuelle, des entretiens auprès des parents et du professeur s’avèrent nécessaires. Différentes caractéristiques personnelles de l’enfant, relevant de plusieurs domaines tels la créativité, la motivation, la personnalité seront considérées. En plus de l’entretien clinique, des questionnaires standardisés d’évaluation peuvent être employées.

    Certaines épreuves cognitives visent à mesurer la créativité. Par exemple, on peut demander à l’enfant de générer un grand nombre de solutions possibles à un même problème. Ce type d’épreuve permet de s’assurer que l’enfant est capable d’originalité dans sa résolution de problème. On peut également demander à l’enfant de compléter une petite histoire lue ou de produire un dessin original à l’aide d’éléments plutôt abstraits, tel des formes géométriques.

    L’enfant doué peut faire face à différentes difficultés, de par sa différence. Entre autres, le rythme de leur développement mental, qui ne correspond pas à celui de ses pairs, peut entraîner un décalage entre l’enfant doué et le milieu social et scolaire dans lequel il évolue. Suite à son diagnostic, le neuropsychologue pourra expliquer les caractéristiques et les différences de l’enfant à ses parents et à son enseignant. Par exemple, il pourrait participer au plan d’intervention individualisé de cet enfant.

     

    4. Les principales caractéristiques de l’enfant doué et des pistes de solutions adaptatives.

    Tel que mentionné, pour être doué, il ne s’agit pas uniquement d’avoir un QI élevé. L’enfant doué traite les stimuli différemment, ressent les choses avec intensité et réfléchit selon un mode différent de la moyenne des gens. Considérant que ses façons d’être et de penser soient différentes de la majorité, l’enfant doué demeure à risque de développer des difficultés d’adaptation, un manque de motivation scolaire, des symptômes anxio-dépressif, un manque d’attention. Ainsi, en plus de poser le diagnostic psychologique, le neuropsychologue présentera un portrait précis du fonctionnement cognitif de l’enfant. Des recommandations d’aide figureront au rapport pour s’assurer de son adaptation personnelle et scolaire.

    En tenant compte de la définition de l’intelligence, comportant plusieurs formes ou aptitudes, une variabilité interindividuelle demeure présente. Il n’y a pas de portrait type de l’enfant doué. Bien qu’il soit souvent entendu que ces enfants curieux développent le langage rapidement, qu’ils ont une excellente mémoire et des connaissances très poussées dans un domaine particulier, chaque enfant doué est unique.

    Chez un groupe d’enfants doués, on retrouve des 1- aptitudes intellectuelles dominantes et 2- des modes de raisonnement différents.

    4.1 Modèle selon les aptitudes dominantes

    Il est généralement convenu de diviser les types d’aptitudes selon deux catégories, soit les aptitudes langagières et les aptitudes visuo-spatiales.

    D’une part, les aptitudes dominantes langagières permettent de comprendre les idées et de se figurer les explications d’un nouvel apprentissage en utilisant principalement le langage. L’enfant doué habile verbalement présente une excellente mémoire et une vive curiosité occasionnant de fréquents questionnements. Ses habiletés sociales et de communication sont bien développées. Toutefois, il demeure possible qu’il perçoive davantage les informations isolément, en séquences, en unités plutôt qu’en concepts généraux. Par exemple, un enfant du primaire doit étudier des notions d’univers social. Il apprend facilement les notions explicites les unes après les autres. Toutefois, lors de l’examen, les questions demandant une intégration personnelle ou une synthèse de la matière risquent de lui poser un défi. Pour pallier à cela, l’adulte peut rappeler le contexte fonctionnel de l’apprentissage. Expliquer le sens global de la notion aidera également à la mémorisation.

    D’autre part, les aptitudes dominantes visuo-spatiales permettent de se représenter une information visuelle et d’imaginer des relations spatiales entre des formes, des objets ou des dessins. L’enfant doué et habile sur le plan visuo-spatial traite davantage l’information en globalité, selon le sens général. Créatif et imaginatif, il peut cependant être moins confortable lors des communications interpersonnelles. Pour favoriser son épanouissement, l’adulte peut contextualiser l’humour, employer un langage explicite et l’aider à se faire un plan pour être concis lors de ces communications sociales. Par exemple, un enfant reçoit un devoir de résolution de problèmes en mathématique. Il doit appliquer une démarche rigoureuse, permettant à son enseignant de comprendre son raisonnement. Il demeure possible que cet enfant conceptualise rapidement la réponse mais qu’il éprouve des difficultés à expliquer sa démarche lui permettant de trouver la solution. L’adulte qui l’accompagne peut alors lui demander de réaliser un ou deux problèmes selon la méthode enseignée puis accepter qu’il en réalise certains de façon plus intuitive.

    4.2 Modèles selon les formes de raisonnement

    Pour contribuer à bien comprendre l’enfant doué, il importe de s’attarder à son mode de raisonnement, soit convergent ou divergeant.

    D’abord, le raisonnement convergent regroupe les processus de réflexion axés sur les connaissances en mémoire. L’enfant doué privilégiant cette façon de réfléchir et d’apprendre s’adapte facilement au cadre scolaire traditionnel. Ayant une excellente mémoire, il préfère les situations d’évaluation centrées sur la mémorisation plutôt que l’argumentation. Il peut alors être bénéfique d’intégrer des informations sous formes de schémas ou de concepts pour l’aider à contextualiser ses apprentissages.

    Ensuite, le raisonnement divergeant permet de générer rapidement une grande variété de raisonnements ou de solutions à un problème. Ingénieux et enthousiaste, l’enfant doué propose des solutions originales aux problèmes. Toutefois, il procède sans tenir compte de la méthode imposée et il peine à expliquer sa procédure de résolution. On peut alors proposer à l’enfant de découvrir les nouvelles notions pour ensuite les présenter à un compagnon de classe.

     

    Conclusion

    Pour conclure, il semble important de rappeler qu’un enfant doué, c’est un enfant avant tout… C’est un petit être qui cherche à comprendre le monde qui l’entoure et à prendre sa place avec une façon particulière de ressentir et de penser. L’évaluation et les recommandations du neuropsychologue dépasseront la mesure du QI, seront uniques et adaptées à la réalité de l’enfant qui se présente à nous.

     

     

    Ressources

    Livres

    Sites internet

     

    Auteure

    Carine DoucetCarine Doucet est neuropsychologue pédiatrique, spécialisée en évaluation diagnostique. En cabinet privé, elle reçoit une clientèle présentant diverses problématiques. Ses champs d’intérêts regroupent le haut potentiel, le trouble du spectre de l’autisme et le trouble déficitaire de l’attention. Pour mieux la connaître, vous pouvez consulter son site internet.


    votre commentaire
  • Le syndrome de dysfonction non-verbale (SDNV), récemment mis en évidence par les neuropsychologues, présente de multiples manifestations dans différentes sphères : cognitives, académiques et sociales. Dans la vie scolaire, ce trouble d’apprentissage touche de façon plus spécifique les mathématiques; cependant les enfants qui en sont atteints sont généralement plus marginalisés par leur mésadaptation socio-affective que par leurs difficultés scolaires. Comme son nom l’indique, ce syndrome affecte principalement les habiletés non-verbales de la personne telles que l’analyse et le raisonnement visuo-spatial (définition), l’attention et la mémoire non‑verbales, mais aussi l’expression et l’interprétation d’émotions.

    Les manifestations

    Le SDNV est un syndrome dont les caractéristiques sont de nature et d’intensité variable. La diversité de ses manifestations rend complexe leur énumération. Nous répertorions ici des manifestations fréquemment observées chez les enfants d’âge scolaire même si tous ces signes ne sont naturellement pas toujours identifiables simultanément chez tous les enfants atteints.

    * À l’histoire développementale, l’enfant a souvent appris à parler tardivement mais a rattrapé son retard rapidement. Le langage est par la suite dans la moyenne ou parfois au-dessus.

    Sphère cognitive :

    • La motricité fine peut se développer plus lentement que ses pairs;
    • L’attention et la mémoire visuelles sont habituellement moins efficaces que l’attention et la mémoire auditives ou verbales.

    Sphère académique :

    • Difficultés grapho-motrices. Au début du primaire, ceci se traduit par une difficulté au niveau de l’écriture (calligraphie); l’enfant écrit lentement, tient son crayon de façon bizarre, a de la difficulté à tracer les lettres (souvent plusieurs traits pour former une lettre). Ce retard se rattrape habituellement dans la deuxième partie du primaire après beaucoup de pratique;
    • L’enfant fait des fautes d’orthographe qui sont presque exclusivement de nature éidétique, c’est à dire qu’il se fie à la prononciation (le son) et non à l’orthographe réelle du mot (ex.: “oto” = “auto”);
    • Il a des difficultés en mathématiques, généralement plus au niveau procédural qu’en calcul mental;
    • Il se fie beaucoup au langage pour apprendre et obtenir des informations sur ce qui l’entoure plutôt que d’expérimenter par lui-même en touchant ou en regardant. Il pose donc beaucoup de questions.

    Sphère sociale :

    • Il parvient difficilement à faire semblant, à mimer sans parler. Il peut avoir des comportements non verbaux inappropriés ou absents (ex.: mauvaise posture, manque d’expression faciale et corporelle, intonation monocorde, etc.);
    • Il parle beaucoup et souvent de façon inappropriée au contexte.
    L'evaluation du CENOP

    Le diagnostic de SDNV nécessite une évaluation complète et judicieuse de chacune des sphères cognitives de l’enfant afin de valider ou non la présence de d’autres déficits associés et de confirmer la présence du syndrome. Pour ce faire, les neuropsychologues du Centre accordent une grande importance à l’entrevue menée avec les parents à l’intérieur de laquelle ils recueillent toutes les informations concernant l’histoire développementale et la problématique de l’enfant. Des questionnaires leurs sont souvent remis, ainsi qu’aux enseignants, afin d’identifier les difficultés comportementales et affectives autant dans le milieu scolaire que familial. Ces informations complètent l’évaluation cognitive réalisée avec l’enfant.

    La nature des difficultés soulevées par le SDNV expose souvent les enfants qui en sont atteints à des risques plus élevés de développer certains troubles intériorisés tels que le retrait social, l’anxiété et la dépression. En effet, les limitations dues à ce syndrome et les conséquences de ces dernières affectent considérablement le quotidien de l’enfant dans ses relations avec les pairs, dans sa capacité à s’adapter à de nouvelles situations et dans sa capacité à décoder et exprimer les émotions. L’importance de l’évaluation prend alors tout son sens puisqu’elle permet d’identifier la problématique et de mettre en place des mesures afin de faciliter l’intégration et le bien-être de ces jeunes plutôt que de les laisser dans l’incompréhension de leur état.

    Pour une évaluation de votre enfant

    Approche et traitements au CENOP

    Malgré le défi que la rééducation peut représenter pour les intervenants oeuvrant auprès de ces jeunes, elle demeure essentielle à l’évolution et à l’intégration de ces derniers dans leur milieu. En effet, les incapacités cognitives et sociales caractéristiques de ce syndrome complexifient les interventions, mais une rééducation adaptée aux besoins des enfants permet de leur fournir des outils nécessaires pour pallier leurs lacunes qui, au quotidien, les handicapent. L’évaluation qui aura permis de dresser le portrait du jeune permet alors d’orienter cette rééducation ainsi que les interventions à préconiser.

    Technique d’imagerie mentale et développement de la créativité chez l’enfant

    Le CENOP est l’un des premiers Centre à proposer un programme d’activités adaptées à la problématique du SDNV. Le programme qui prend la forme de 12 ateliers de groupe amène l’enfant à identifier ses forces et ses faiblesses et à comprendre ce qu’est le SDNV. Il vise ensuite le développement des compétences non-verbales, cognitives et sociales, à travers des activités ludiques et graduées ainsi que l’utilisation adéquate du langage par le jeune pour s’aider dans ses apprentissages.

    Suivi orthopédagogique

    Un suivi en orthopédagogie peut également être conseillé afin d’apporter l’aide nécessaire à l’enfant qui éprouve des difficultés d’apprentissage liées au syndrome de dysfonction non-verbale.

    Suivi psychologique ou psycho-éducatif

    Un suivi en psychologie peut également être conseillé afin d’aider le jeune à développer son estime de soi, favoriser l’apprentissage des règles sociales et la compréhension des messages non-verbaux. Un support en psychologie peut également apaiser le jeune qui souffre d’anxiété, d’isolement ou de retrait social et lui permettre de développer des stratégies afin de vivre de saines relations avec ses pairs et les membres de sa famille.

    En terminant...

    La nature et les causes du SDNV, souvent méconnues des parents et des intervenants, confrontent ces derniers à une incompréhension des problèmes de l’enfant. Un objectif à ne pas négliger en rééducation est celui d’informer les parents des impacts de ce trouble dans la vie de leurs enfants pour les aider à trouver des façons de favoriser le plein épanouissement de la famille.

    L’intervention de d’autres professionnels peut également être indiquée (ergothérapeutes, psycho-éducateurs, etc.), ce que l’évaluation neuropsychologique aura permis d’identifier.

    Ateliers

    Ateliers pour les enfants

    Ateliers pour les enfants

    TIM : Techniques d’imagerie mentale et développement de la créativité chez l’enfant

    Pour les enfants qui présentent des difficultés d’apprentissage, d’organisation et d’intégration visuo-spatiale. Il apprendra de nouvelles stratégies pour compenser ses difficultés et à les utiliser dans divers contextes (maison, école).

     


    votre commentaire