• Douance Dépister, comprendre et accompagner

    Douance

    Dépister, comprendre et accompagner

    Auteure : Carine Doucet M.A.

     

    Génie, prodige, surdoué, talentueux, plusieurs termes sont employés lorsque l’on aborde la question de l’intelligence exceptionnelle ou de la douance chez l’enfant. Bien évaluer l’enfant doué intellectuellement est essentiel afin de guider ses parents et ses enseignants dans son accompagnement.

    Cet article vise, dans un premier temps, à clarifier les concepts d’intelligence et de douance. Dans un deuxième temps, à montrer en quoi consiste l’évaluation neuropsychologique d’un enfant doué et, finalement, à illustrer comment les recommandations découlant de l’évaluation neuropsychologique peuvent jouer un rôle central dans l’actualisation du plein potentiel de l’enfant doué.

     

    1. L’intelligence : de quoi parle-t-on?

    Il n’y a pas de réponse simple et consensuelle à cette question. La définition de l’intelligence varie selon de nombreux facteurs, tels les croyances, la culture, etc. Mais tentons tout de même de définir ce concept aux multiples facettes : l’intelligence regrouperait les capacités d’apprendre, de comprendre et de s’adapter aux différentes situations vécues en utilisant un raisonnement juste et approprié. L’intelligence permettrait donc d’agir en respectant l’objectif souhaité, de penser rationnellement et d’avoir des interactions avec le milieu dans lequel on évolue.

    Pour ce faire, nous disposons naturellement de différentes aptitudes ou formes d’intelligence, qui seraient en interaction. Plusieurs modèles ont été proposés pour les expliquer. Parmi ceux-ci, nous vous présentons deux modèles reconnus et auxquels on fait souvent référence, soit les modèles de Gardner et de Sternberg. Voici un résumé de deux théories :

    1..1 Modèle de l’intelligence selon Gardner : 8 formes ou aptitudes

    Douance1

    2.2 Modèle de l’intelligence selon Sternberg : 3 principales formes d’intelligence

    Douance2

     

    2. Qu’est-ce que la douance? une réponse en plusieurs critères!

    Tout comme pour l’intelligence, il n’existe pas une seule façon de définir le concept de douance. Certains auteurs allèguent que le haut potentiel intellectuel est inné, donc présent génétiquement, et d’autres qu’il représente le résultat d’entraînement ou du développement d’habiletés. Il est probable qu’un certain potentiel intellectuel soit inné, mais qu’il puisse être modifié selon l’entraînement ou l’utilisation des capacités de l’enfant.

    Historiquement, l’évaluation du quotient intellectuel (QI), a joué un rôle important pour définir et évaluer l’enfant doué. Encore aujourd’hui, pour différentes raisons, l’évaluation intellectuelle demeure un indicateur important de la douance. Toutefois, considérant qu’il existe plusieurs formes et habiletés pour définir l’intelligence, pour être doué, il importe d’avoir différentes qualités intellectuelles.

    Dans les prochaines sections, nous vous présenterons deux modèles définissant la douance, soient celui de Renzulli et celui de Sternberg.

    2.1 Modèle de la douance selon Renzulli

    Pour Renzulli, il existerait deux types d’enfants doués. Le premier type comprendrait ceux qui ont un haut potentiel académique, enfants plus typiquement reconnus comme doués. Le deuxième type comprendrait les enfants ayant un haut potentiel créatif. Pour caractériser les comportements des enfants doués, il propose trois composantes d’habiletés, qui sont en interaction :

    1. Composante de l’aptitude intellectuelle élevé (intelligence) : raisonnement, pensée abstraite, mémoire et différents champs spécifiques (musical, corporel, etc.).
    2. Composante de la créativité : réalisation de productions originales, création de solutions novatrices pour résoudre des problèmes et s’adapter aux défis de la vie quotidienne.
    3. Composante de l’implication : intérêt, enthousiasme, motivation, confiance en soi et besoin d’accomplissement.

    Douance3

    2.2 Modèle de la douance selon Sternberg

    Pour définir ce qui rend un enfant doué, l’auteur Sternberg a décrit un modèle en cinq critères :

    1. L’excellence dans un domaine par rapport aux autres personnes qui forment un groupe de référence.
    2. La rareté du niveau atteint par rapport aux pairs.
    3. Le potentiel pour produire quelque chose à l’aide de cette habileté ou du regroupement d’habiletés qui soit utile.
    4. La possibilité de démontrer son-ses habileté (s) avec une évaluation valide et standardisée.
    5. La valeur relative de (s) l’habileté (s) pour la société dans laquelle la personne douée évolue.

     

    Douance4

     

     

    3. Le rôle du neuropsychologue pour l’évaluation de l’enfant doué

    Le neuropsychologue demeure un professionnel essentiel pour participer à l’identification de la douance d’un enfant. Son rôle consiste à vérifier l’existence possible d’une relation entre sa façon d’être et son fonctionnement cérébral. Son évaluation permettra donc d’établir un lien entre les comportements observables et le fonctionnement cognitif.

    Concrètement, le neuropsychologue procède à une évaluation permettant d’identifier le haut potentiel d’un enfant, et ce, en employant différentes sources d’informations. Il est entendu qu’une ou des épreuves standardisées doivent être administrées à l’enfant, mais le neuropsychologue effectuera aussi des entretiens auprès d’adultes connaissant bien l’enfant (ex. : parents, enseignant). Cela permettra un diagnostic psychologique nuancé et précis. Donc, avant de statuer sur la douance, le neuropsychologue doit considérer et évaluer plusieurs caractéristiques de l’enfant.

    L’évaluation neuropsychologique

    Le neuropsychologue débutera souvent avec une évaluation du quotient intellectuel (QI), car elle est nécessaire. La plupart du temps, le QI sera évalué à l’aide d’un test d’intelligence standardisé. Ce type de batterie se compose de plusieurs sous-tests, tâches qui solliciteront chacune un aspect différent du fonctionnement intellectuel de l’enfant. Le QI est obtenu en situant la performance de l’enfant évalué à celle des enfants du même groupe d’âge que lui. Les tâches sont habituellement regroupées en quatre échelles : compréhension langagière, raisonnement perceptif, mémoire de travail et vitesse de traitement de l’information. Une échelle globale, score général, peut être également calculée. Pour considérer qu’un enfant soit doué intellectuellement, il semble convenu qu’un quotient intellectuel de 130 à l’échelle globale est nécessaire. Les enfants dont le QI excéderait 130 représenteraient environ 2% de la population.

    En plus de l’évaluation intellectuelle, des entretiens auprès des parents et du professeur s’avèrent nécessaires. Différentes caractéristiques personnelles de l’enfant, relevant de plusieurs domaines tels la créativité, la motivation, la personnalité seront considérées. En plus de l’entretien clinique, des questionnaires standardisés d’évaluation peuvent être employées.

    Certaines épreuves cognitives visent à mesurer la créativité. Par exemple, on peut demander à l’enfant de générer un grand nombre de solutions possibles à un même problème. Ce type d’épreuve permet de s’assurer que l’enfant est capable d’originalité dans sa résolution de problème. On peut également demander à l’enfant de compléter une petite histoire lue ou de produire un dessin original à l’aide d’éléments plutôt abstraits, tel des formes géométriques.

    L’enfant doué peut faire face à différentes difficultés, de par sa différence. Entre autres, le rythme de leur développement mental, qui ne correspond pas à celui de ses pairs, peut entraîner un décalage entre l’enfant doué et le milieu social et scolaire dans lequel il évolue. Suite à son diagnostic, le neuropsychologue pourra expliquer les caractéristiques et les différences de l’enfant à ses parents et à son enseignant. Par exemple, il pourrait participer au plan d’intervention individualisé de cet enfant.

     

    4. Les principales caractéristiques de l’enfant doué et des pistes de solutions adaptatives.

    Tel que mentionné, pour être doué, il ne s’agit pas uniquement d’avoir un QI élevé. L’enfant doué traite les stimuli différemment, ressent les choses avec intensité et réfléchit selon un mode différent de la moyenne des gens. Considérant que ses façons d’être et de penser soient différentes de la majorité, l’enfant doué demeure à risque de développer des difficultés d’adaptation, un manque de motivation scolaire, des symptômes anxio-dépressif, un manque d’attention. Ainsi, en plus de poser le diagnostic psychologique, le neuropsychologue présentera un portrait précis du fonctionnement cognitif de l’enfant. Des recommandations d’aide figureront au rapport pour s’assurer de son adaptation personnelle et scolaire.

    En tenant compte de la définition de l’intelligence, comportant plusieurs formes ou aptitudes, une variabilité interindividuelle demeure présente. Il n’y a pas de portrait type de l’enfant doué. Bien qu’il soit souvent entendu que ces enfants curieux développent le langage rapidement, qu’ils ont une excellente mémoire et des connaissances très poussées dans un domaine particulier, chaque enfant doué est unique.

    Chez un groupe d’enfants doués, on retrouve des 1- aptitudes intellectuelles dominantes et 2- des modes de raisonnement différents.

    4.1 Modèle selon les aptitudes dominantes

    Il est généralement convenu de diviser les types d’aptitudes selon deux catégories, soit les aptitudes langagières et les aptitudes visuo-spatiales.

    D’une part, les aptitudes dominantes langagières permettent de comprendre les idées et de se figurer les explications d’un nouvel apprentissage en utilisant principalement le langage. L’enfant doué habile verbalement présente une excellente mémoire et une vive curiosité occasionnant de fréquents questionnements. Ses habiletés sociales et de communication sont bien développées. Toutefois, il demeure possible qu’il perçoive davantage les informations isolément, en séquences, en unités plutôt qu’en concepts généraux. Par exemple, un enfant du primaire doit étudier des notions d’univers social. Il apprend facilement les notions explicites les unes après les autres. Toutefois, lors de l’examen, les questions demandant une intégration personnelle ou une synthèse de la matière risquent de lui poser un défi. Pour pallier à cela, l’adulte peut rappeler le contexte fonctionnel de l’apprentissage. Expliquer le sens global de la notion aidera également à la mémorisation.

    D’autre part, les aptitudes dominantes visuo-spatiales permettent de se représenter une information visuelle et d’imaginer des relations spatiales entre des formes, des objets ou des dessins. L’enfant doué et habile sur le plan visuo-spatial traite davantage l’information en globalité, selon le sens général. Créatif et imaginatif, il peut cependant être moins confortable lors des communications interpersonnelles. Pour favoriser son épanouissement, l’adulte peut contextualiser l’humour, employer un langage explicite et l’aider à se faire un plan pour être concis lors de ces communications sociales. Par exemple, un enfant reçoit un devoir de résolution de problèmes en mathématique. Il doit appliquer une démarche rigoureuse, permettant à son enseignant de comprendre son raisonnement. Il demeure possible que cet enfant conceptualise rapidement la réponse mais qu’il éprouve des difficultés à expliquer sa démarche lui permettant de trouver la solution. L’adulte qui l’accompagne peut alors lui demander de réaliser un ou deux problèmes selon la méthode enseignée puis accepter qu’il en réalise certains de façon plus intuitive.

    4.2 Modèles selon les formes de raisonnement

    Pour contribuer à bien comprendre l’enfant doué, il importe de s’attarder à son mode de raisonnement, soit convergent ou divergeant.

    D’abord, le raisonnement convergent regroupe les processus de réflexion axés sur les connaissances en mémoire. L’enfant doué privilégiant cette façon de réfléchir et d’apprendre s’adapte facilement au cadre scolaire traditionnel. Ayant une excellente mémoire, il préfère les situations d’évaluation centrées sur la mémorisation plutôt que l’argumentation. Il peut alors être bénéfique d’intégrer des informations sous formes de schémas ou de concepts pour l’aider à contextualiser ses apprentissages.

    Ensuite, le raisonnement divergeant permet de générer rapidement une grande variété de raisonnements ou de solutions à un problème. Ingénieux et enthousiaste, l’enfant doué propose des solutions originales aux problèmes. Toutefois, il procède sans tenir compte de la méthode imposée et il peine à expliquer sa procédure de résolution. On peut alors proposer à l’enfant de découvrir les nouvelles notions pour ensuite les présenter à un compagnon de classe.

     

    Conclusion

    Pour conclure, il semble important de rappeler qu’un enfant doué, c’est un enfant avant tout… C’est un petit être qui cherche à comprendre le monde qui l’entoure et à prendre sa place avec une façon particulière de ressentir et de penser. L’évaluation et les recommandations du neuropsychologue dépasseront la mesure du QI, seront uniques et adaptées à la réalité de l’enfant qui se présente à nous.

     

     

    Ressources

    Livres

    Sites internet

     

    Auteure

    Carine DoucetCarine Doucet est neuropsychologue pédiatrique, spécialisée en évaluation diagnostique. En cabinet privé, elle reçoit une clientèle présentant diverses problématiques. Ses champs d’intérêts regroupent le haut potentiel, le trouble du spectre de l’autisme et le trouble déficitaire de l’attention. Pour mieux la connaître, vous pouvez consulter son site internet.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :