• Douance

    Dépister, comprendre et accompagner

    Auteure : Carine Doucet M.A.

     

    Génie, prodige, surdoué, talentueux, plusieurs termes sont employés lorsque l’on aborde la question de l’intelligence exceptionnelle ou de la douance chez l’enfant. Bien évaluer l’enfant doué intellectuellement est essentiel afin de guider ses parents et ses enseignants dans son accompagnement.

    Cet article vise, dans un premier temps, à clarifier les concepts d’intelligence et de douance. Dans un deuxième temps, à montrer en quoi consiste l’évaluation neuropsychologique d’un enfant doué et, finalement, à illustrer comment les recommandations découlant de l’évaluation neuropsychologique peuvent jouer un rôle central dans l’actualisation du plein potentiel de l’enfant doué.

     

    1. L’intelligence : de quoi parle-t-on?

    Il n’y a pas de réponse simple et consensuelle à cette question. La définition de l’intelligence varie selon de nombreux facteurs, tels les croyances, la culture, etc. Mais tentons tout de même de définir ce concept aux multiples facettes : l’intelligence regrouperait les capacités d’apprendre, de comprendre et de s’adapter aux différentes situations vécues en utilisant un raisonnement juste et approprié. L’intelligence permettrait donc d’agir en respectant l’objectif souhaité, de penser rationnellement et d’avoir des interactions avec le milieu dans lequel on évolue.

    Pour ce faire, nous disposons naturellement de différentes aptitudes ou formes d’intelligence, qui seraient en interaction. Plusieurs modèles ont été proposés pour les expliquer. Parmi ceux-ci, nous vous présentons deux modèles reconnus et auxquels on fait souvent référence, soit les modèles de Gardner et de Sternberg. Voici un résumé de deux théories :

    1..1 Modèle de l’intelligence selon Gardner : 8 formes ou aptitudes

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    2.2 Modèle de l’intelligence selon Sternberg : 3 principales formes d’intelligence

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    2. Qu’est-ce que la douance? une réponse en plusieurs critères!

    Tout comme pour l’intelligence, il n’existe pas une seule façon de définir le concept de douance. Certains auteurs allèguent que le haut potentiel intellectuel est inné, donc présent génétiquement, et d’autres qu’il représente le résultat d’entraînement ou du développement d’habiletés. Il est probable qu’un certain potentiel intellectuel soit inné, mais qu’il puisse être modifié selon l’entraînement ou l’utilisation des capacités de l’enfant.

    Historiquement, l’évaluation du quotient intellectuel (QI), a joué un rôle important pour définir et évaluer l’enfant doué. Encore aujourd’hui, pour différentes raisons, l’évaluation intellectuelle demeure un indicateur important de la douance. Toutefois, considérant qu’il existe plusieurs formes et habiletés pour définir l’intelligence, pour être doué, il importe d’avoir différentes qualités intellectuelles.

    Dans les prochaines sections, nous vous présenterons deux modèles définissant la douance, soient celui de Renzulli et celui de Sternberg.

    2.1 Modèle de la douance selon Renzulli

    Pour Renzulli, il existerait deux types d’enfants doués. Le premier type comprendrait ceux qui ont un haut potentiel académique, enfants plus typiquement reconnus comme doués. Le deuxième type comprendrait les enfants ayant un haut potentiel créatif. Pour caractériser les comportements des enfants doués, il propose trois composantes d’habiletés, qui sont en interaction :

    1. Composante de l’aptitude intellectuelle élevé (intelligence) : raisonnement, pensée abstraite, mémoire et différents champs spécifiques (musical, corporel, etc.).
    2. Composante de la créativité : réalisation de productions originales, création de solutions novatrices pour résoudre des problèmes et s’adapter aux défis de la vie quotidienne.
    3. Composante de l’implication : intérêt, enthousiasme, motivation, confiance en soi et besoin d’accomplissement.

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    2.2 Modèle de la douance selon Sternberg

    Pour définir ce qui rend un enfant doué, l’auteur Sternberg a décrit un modèle en cinq critères :

    1. L’excellence dans un domaine par rapport aux autres personnes qui forment un groupe de référence.
    2. La rareté du niveau atteint par rapport aux pairs.
    3. Le potentiel pour produire quelque chose à l’aide de cette habileté ou du regroupement d’habiletés qui soit utile.
    4. La possibilité de démontrer son-ses habileté (s) avec une évaluation valide et standardisée.
    5. La valeur relative de (s) l’habileté (s) pour la société dans laquelle la personne douée évolue.

     

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    3. Le rôle du neuropsychologue pour l’évaluation de l’enfant doué

    Le neuropsychologue demeure un professionnel essentiel pour participer à l’identification de la douance d’un enfant. Son rôle consiste à vérifier l’existence possible d’une relation entre sa façon d’être et son fonctionnement cérébral. Son évaluation permettra donc d’établir un lien entre les comportements observables et le fonctionnement cognitif.

    Concrètement, le neuropsychologue procède à une évaluation permettant d’identifier le haut potentiel d’un enfant, et ce, en employant différentes sources d’informations. Il est entendu qu’une ou des épreuves standardisées doivent être administrées à l’enfant, mais le neuropsychologue effectuera aussi des entretiens auprès d’adultes connaissant bien l’enfant (ex. : parents, enseignant). Cela permettra un diagnostic psychologique nuancé et précis. Donc, avant de statuer sur la douance, le neuropsychologue doit considérer et évaluer plusieurs caractéristiques de l’enfant.

    L’évaluation neuropsychologique

    Le neuropsychologue débutera souvent avec une évaluation du quotient intellectuel (QI), car elle est nécessaire. La plupart du temps, le QI sera évalué à l’aide d’un test d’intelligence standardisé. Ce type de batterie se compose de plusieurs sous-tests, tâches qui solliciteront chacune un aspect différent du fonctionnement intellectuel de l’enfant. Le QI est obtenu en situant la performance de l’enfant évalué à celle des enfants du même groupe d’âge que lui. Les tâches sont habituellement regroupées en quatre échelles : compréhension langagière, raisonnement perceptif, mémoire de travail et vitesse de traitement de l’information. Une échelle globale, score général, peut être également calculée. Pour considérer qu’un enfant soit doué intellectuellement, il semble convenu qu’un quotient intellectuel de 130 à l’échelle globale est nécessaire. Les enfants dont le QI excéderait 130 représenteraient environ 2% de la population.

    En plus de l’évaluation intellectuelle, des entretiens auprès des parents et du professeur s’avèrent nécessaires. Différentes caractéristiques personnelles de l’enfant, relevant de plusieurs domaines tels la créativité, la motivation, la personnalité seront considérées. En plus de l’entretien clinique, des questionnaires standardisés d’évaluation peuvent être employées.

    Certaines épreuves cognitives visent à mesurer la créativité. Par exemple, on peut demander à l’enfant de générer un grand nombre de solutions possibles à un même problème. Ce type d’épreuve permet de s’assurer que l’enfant est capable d’originalité dans sa résolution de problème. On peut également demander à l’enfant de compléter une petite histoire lue ou de produire un dessin original à l’aide d’éléments plutôt abstraits, tel des formes géométriques.

    L’enfant doué peut faire face à différentes difficultés, de par sa différence. Entre autres, le rythme de leur développement mental, qui ne correspond pas à celui de ses pairs, peut entraîner un décalage entre l’enfant doué et le milieu social et scolaire dans lequel il évolue. Suite à son diagnostic, le neuropsychologue pourra expliquer les caractéristiques et les différences de l’enfant à ses parents et à son enseignant. Par exemple, il pourrait participer au plan d’intervention individualisé de cet enfant.

     

    4. Les principales caractéristiques de l’enfant doué et des pistes de solutions adaptatives.

    Tel que mentionné, pour être doué, il ne s’agit pas uniquement d’avoir un QI élevé. L’enfant doué traite les stimuli différemment, ressent les choses avec intensité et réfléchit selon un mode différent de la moyenne des gens. Considérant que ses façons d’être et de penser soient différentes de la majorité, l’enfant doué demeure à risque de développer des difficultés d’adaptation, un manque de motivation scolaire, des symptômes anxio-dépressif, un manque d’attention. Ainsi, en plus de poser le diagnostic psychologique, le neuropsychologue présentera un portrait précis du fonctionnement cognitif de l’enfant. Des recommandations d’aide figureront au rapport pour s’assurer de son adaptation personnelle et scolaire.

    En tenant compte de la définition de l’intelligence, comportant plusieurs formes ou aptitudes, une variabilité interindividuelle demeure présente. Il n’y a pas de portrait type de l’enfant doué. Bien qu’il soit souvent entendu que ces enfants curieux développent le langage rapidement, qu’ils ont une excellente mémoire et des connaissances très poussées dans un domaine particulier, chaque enfant doué est unique.

    Chez un groupe d’enfants doués, on retrouve des 1- aptitudes intellectuelles dominantes et 2- des modes de raisonnement différents.

    4.1 Modèle selon les aptitudes dominantes

    Il est généralement convenu de diviser les types d’aptitudes selon deux catégories, soit les aptitudes langagières et les aptitudes visuo-spatiales.

    D’une part, les aptitudes dominantes langagières permettent de comprendre les idées et de se figurer les explications d’un nouvel apprentissage en utilisant principalement le langage. L’enfant doué habile verbalement présente une excellente mémoire et une vive curiosité occasionnant de fréquents questionnements. Ses habiletés sociales et de communication sont bien développées. Toutefois, il demeure possible qu’il perçoive davantage les informations isolément, en séquences, en unités plutôt qu’en concepts généraux. Par exemple, un enfant du primaire doit étudier des notions d’univers social. Il apprend facilement les notions explicites les unes après les autres. Toutefois, lors de l’examen, les questions demandant une intégration personnelle ou une synthèse de la matière risquent de lui poser un défi. Pour pallier à cela, l’adulte peut rappeler le contexte fonctionnel de l’apprentissage. Expliquer le sens global de la notion aidera également à la mémorisation.

    D’autre part, les aptitudes dominantes visuo-spatiales permettent de se représenter une information visuelle et d’imaginer des relations spatiales entre des formes, des objets ou des dessins. L’enfant doué et habile sur le plan visuo-spatial traite davantage l’information en globalité, selon le sens général. Créatif et imaginatif, il peut cependant être moins confortable lors des communications interpersonnelles. Pour favoriser son épanouissement, l’adulte peut contextualiser l’humour, employer un langage explicite et l’aider à se faire un plan pour être concis lors de ces communications sociales. Par exemple, un enfant reçoit un devoir de résolution de problèmes en mathématique. Il doit appliquer une démarche rigoureuse, permettant à son enseignant de comprendre son raisonnement. Il demeure possible que cet enfant conceptualise rapidement la réponse mais qu’il éprouve des difficultés à expliquer sa démarche lui permettant de trouver la solution. L’adulte qui l’accompagne peut alors lui demander de réaliser un ou deux problèmes selon la méthode enseignée puis accepter qu’il en réalise certains de façon plus intuitive.

    4.2 Modèles selon les formes de raisonnement

    Pour contribuer à bien comprendre l’enfant doué, il importe de s’attarder à son mode de raisonnement, soit convergent ou divergeant.

    D’abord, le raisonnement convergent regroupe les processus de réflexion axés sur les connaissances en mémoire. L’enfant doué privilégiant cette façon de réfléchir et d’apprendre s’adapte facilement au cadre scolaire traditionnel. Ayant une excellente mémoire, il préfère les situations d’évaluation centrées sur la mémorisation plutôt que l’argumentation. Il peut alors être bénéfique d’intégrer des informations sous formes de schémas ou de concepts pour l’aider à contextualiser ses apprentissages.

    Ensuite, le raisonnement divergeant permet de générer rapidement une grande variété de raisonnements ou de solutions à un problème. Ingénieux et enthousiaste, l’enfant doué propose des solutions originales aux problèmes. Toutefois, il procède sans tenir compte de la méthode imposée et il peine à expliquer sa procédure de résolution. On peut alors proposer à l’enfant de découvrir les nouvelles notions pour ensuite les présenter à un compagnon de classe.

     

    Conclusion

    Pour conclure, il semble important de rappeler qu’un enfant doué, c’est un enfant avant tout… C’est un petit être qui cherche à comprendre le monde qui l’entoure et à prendre sa place avec une façon particulière de ressentir et de penser. L’évaluation et les recommandations du neuropsychologue dépasseront la mesure du QI, seront uniques et adaptées à la réalité de l’enfant qui se présente à nous.

     

     

    Ressources

    Livres

    Sites internet

     

    Auteure

    Carine DoucetCarine Doucet est neuropsychologue pédiatrique, spécialisée en évaluation diagnostique. En cabinet privé, elle reçoit une clientèle présentant diverses problématiques. Ses champs d’intérêts regroupent le haut potentiel, le trouble du spectre de l’autisme et le trouble déficitaire de l’attention. Pour mieux la connaître, vous pouvez consulter son site internet.


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  • Douance et troubles associés

    L'inhibition intellectuelle

    Extrait du complexe de l'albatros Dr Alain Gauvrit, GARSEP (PDF)

    Pour KIERKEGAARD, « l'apprentissage véritable de l'angoisse est le suprême savoir ». Des enfants doués, riches de potentialités intellectuelles et créatives, ne réussissent pas. Il s'agit là, en apparence, d'un paradoxe qui interroge, même s'il ne concerne qu'une relativement faible population d'enfants. Ils ne réussissent pas et ils souffrent. Il est dit dans L’Ecclesiaste que « qui accroît sa science, accroît sa douleur ». Et vice versa pourrait-on ajouter. « L'indolent » (qui ne souffre pas par définition) devient « maladroit et honteux ». Cette souffrance est parfois telle qu'il devient vital pour eux de renoncer à l'exercice de leur intelligence. C'est l'inhibition intellectuelle.

    Il ne s'agit pas là d'une perte définitive du potentiel, d'une « lampe qui s'éteint », comme on peut le voir par exemple dans les états démentiels, mais d'une simple « baisse de tension » avec déficit momentané et récupérable de l'efficience.

    En 1984, nous avons soutenu une thèse de Médecine sur les enfants intellectuellement précoces. Notre travail avait pour cadre un internat Médico-pédagogique d'Aquitaine où, sur 600 enfants admis entre 1958 et 1976, 145 avaient un quotient intellectuel supérieur ou égal à 130. Près de 65 % d'entre eux présentaient une inhibition intellectuelle responsable de difficultés scolaires avec retards parfois conséquents.

    L'ostracisme social

    Non seulement « personne ne songe à plaindre les gens intelligents » (Martin PAGE), mais encore le milieu (familial, scolaire, social en général) exerce une sournoise prégnance sur l'enfant intellectuellement précoce. Dans notre expérience, moins de 1% des parents reconnaissaient l'intelligence supérieure de leur enfant. Les enseignants, non formés ou non informés sur ces questions, ne les identifient généralement pas. Le système pédagogique lui-même, égalitaire et standardisé, est injuste au sens de la véritable équité. Ainsi que le dit SEVE : « une véritable égalité des chances de développement intellectuel entre des enfants inégaux exige un enseignement lui-même inégal selon les individus, adapté à chaque cas pour être efficacement compensateur ». Alors peut-être faudrait-il donner aux enseignants les moyens, non pas d'apporter au maximum de leurs élèves un niveau minimum nécessaire et suffisant, mais de tous les aider, surdoués ou non, à utiliser au mieux leurs potentialités. Dans un milieu scolaire inapte à satisfaire sa faim d'apprentissages et sa soif de connaissances, l'enfant va devenir distrait, rêveur (internalisation des conflits) ou au contraire turbulent (externalisation, agir faute de dire) pour se défendre contre l'ennui d'un environnement peu stimulant pour lui.

    A cela se superpose ce que Jean-Charles TERRASSIER nomme « l'effet Pygmalion négatif » : le maître, ignorant la précocité intellectuelle de l'élève, attend de lui une efficience scolaire moyenne, bien inférieure à ses possibilités. Le préjugé du maître constitue là un frein majeur à l'expression du potentiel de l'enfant. Cet effet Pygmalion négatif peut également être d'origine familiale ou sociale et présente en outre une dimension interne : « dans la mesure où l'enfant élabore une représentation de Soi en partie en se fondant sur l'image de lui-même que lui renvoie un environnement inapte à identifier ses possibilités, il lui sera très difficile de se découvrir et de s'assumer précoce ».

    La Société en général exerce un véritable ostracisme vis-à-vis des enfants surdoués. Cette exclusion du meilleur était, historiquement, une procédure en usage à Athènes permettant aux membres de l'ecclesia de bannir un homme dont on redoutait la puissance ou l'ambition. Cet ostracisme social est sans doute sous-tendu par ce que Robert PAGES appelle la « noophtonie », à savoir une rivalité envieuse et jalouse par rapport à l'intelligence d'autrui.

    En renonçant à ses aptitudes intellectuelles, l'enfant essaie d'abord de se protéger contre l'incompréhension et la marginalisation. Il soigne en quelque sorte sa « dyssynchronie sociale », mais tente peut-être aussi de « resynchroniser » artificiellement intelligence et affectivité. Il se recrée un nouvel équilibre moteur, affectif et intellectuel par une série de contre-investissements (refoulement, répression) ne laissant aucune énergie disponible pour le fonctionnement intellectuel. « Il ne s'agit pas de renoncer à la raison gratuitement : le but est de participer à la vie en société... Après une étude minutieuse de mon cas, j'en ai déduit que mon inadaptation sociale vient de mon intelligence sulfurique » écrit encore Martin PAGE.

    L'anorexie intellectuelle

    Voyons à présent comment l'enfant réagit à cette absence de stimulations positives de son environnement qui crée les conditions d'un véritable phénomène de désafférentation sociale. De la défense intellectuallisée, il lui faut passer à l'intelligence défendue, interdite.

    « Tu veux dire que tu as été stupide d'essayer d'être si intelligent et que devenir un peu stupide, c'est ça qui serait intelligent... » dit un personnage de Martin PAGE. Les enfants de quotient très élevé érigent en puissant système de défense l'intelligence et le savoir théorique. C'est l'intellectualisation, froide et rassurante, décrite par Anna FRELM. Elle leur évite, comme le précise Aaron CORIAT, de sombrer dans l'angoisse incontrôlée et la décompensation. Lorsque ces défenses deviennent insuffisantes, l'enfant peut en arriver à renoncer à ses aptitudes intellectuelles. D'autant que donner le même menu à tous les enfants conduit certains à l'indigestion alors que d'autres restent sur leur faim. Une trop grande inadéquation entre les apprentissages proposés d'une part, et l'appétit intellectuel et le rythme d'acquisition de l'enfant d'autre part, poussera ce dernier à inhiber ses potentialités pour s'adapter. Il devient « l'infirme qui volait » dépeint par BAUDELAIRE. Alors, intellectualiser ou s'inhiber ? Se défendre ou s'interdire ? Nous y reviendrons, mais la question n'est-elle pas au fond de savoir dans l'intelligence-refuge ce que cachent les mots, et dans le refus de l'intelligence ce que cache le silence ?

    Il serait trop simple de penser que « le pauvre enfant riche » d'Alice NULER puisse, en s'inhibant, vérifier le dicton : « heureux les simples d'esprit ». D'autant que l'édification de sa « prison intérieure » pourra déborder l'intelligence pour venir perturber la maturation émotionnelle. Et elle pose la question : « l'adaptation s'accompagne-t-elle toujours de dépression ? »

    Le sentiment de perte induit par ce renoncement ne s'applique pas aux facultés intellectuelles elles-mêmes considérées sous leur aspect fonctionnel, mais à l'intérêt que le sujet leur porte. Cette nostalgie témoigne bien d'un surinvestissement plutôt que d'un désinvestissement et certains auteurs en font une forme particulière « d'hypocondrie des intellectuels ». L'enfant situe son symptôme dans le domaine qui est le plus investi, et l'inhibition intellectuelle ne s'ajoute pas à la dépression, elle est la dépression.

    En muselant l'expression de son intelligence, ce qui revient à un abandon du vrai Soi, l'enfant développe ce que l'on pourrait appeler une « anorexie intellectuelle », véritable équivalent dépressif, voire suicidaire, puisqu'il s'agit là d'un retournement agressif contre soi-même, d'une automutilation. Ce processus endogène actif, généré par les instances psychiques du sujet et qui reflète un besoin d'internalisation des conflits, conduit à une « paralysie intellectuelle » prenant le même aspect fonctionnel que les paralysies hystériques. Pour certains, il s'agit d'une véritable « attaque » intérieure contre l'intellect, source des malheurs du sujet. L'enfant passe ainsi d'une inadaptation créatrice à une adaptation régressive et morbide, d'une intelligence sidérante à une efficience sidérée pouvant prendre l'aspect d'une pseudo-débilité dans laquelle l'indicible pourrait prendre les traits de l'impensable. Il renonce, baisse les bras, replie piteusement ses ailes, mais son intelligence perdure, engourdie, tel un talent latent chez un talentueux transi. Robert PAGES parle de chômage cérébral et intellectuel. Cette « fossilisation » intellectuelle survient donc à chaque fois qu'une expérience douloureuse et pénible n'a pu être mise en mots, et surtout à chaque fois que ce vécu mortifère n'a pu trouver d'écho chez une autre personne. Le sujet évite de puiser dans ses potentialités qui demeurent. Ce n'est pas le puits qui est trop profond, c'est la corde qui est devenue trop courte. Une intelligence superficielle ne prémunit-elle pas contre les découvertes en profondeur ?

    Dans un milieu éducatif adapté, empathique, et avec l'appoint éventuel d'une psychothérapie, l'enfant pourra réinvestir l'intellect et réutiliser ses facultés. Nous constatons alors, comme nous l'avons vu, une remontée parfois spectaculaire de la mesure du quotient intellectuel. Ce dernier n'indique donc que l'efficience du sujet au moment du test, son niveau véritable pouvant être bien au-delà de ce chiffre mais jamais en deçà. Le Q.I. réel d'un sujet est relativement stable, dans les limites de la détérioration physiologique qui nous concerne tous à partir de 25 ans environ. Ce qui peut par contre varier, c'est l'expression du potentiel qu'est le Q.I., à savoir l'efficience. Celle-ci sera maximale lorsqu'elle avoisinera le potentiel réel de l'enfant, mais elle pourra être abaissée en raison de divers facteurs dont l'existence, au moment du testing, d'une inhibition intellectuelle. Pour toutes ces raisons, l'évaluation du Q.I. devra servir l'enfant, en aucun cas le desservir, et surtout pas constituer l'unique indice d'un pronostic scolaire.

    A ce point de la réflexion, il semble important de rappeler le « syndrome de dyssynchronie », déjà évoqué, décrit par Jean-Charles TERRASSIER et, en particulier, la dyssynchronie interne propre à l'enfant surdoué. L'anisauxie observée entre une intelligence très avancée et une relative immaturité affective ne permet pas à l'enfant d'assimiler de façon économique les nombreuses informations, souvent anxiogènes, auxquelles sa maturité intellectuelle lui donne accès. L'enfant lui-même ressent ce décalage inhérent, cette dysharmonie intrinsèque et il en résulte pour lui un sentiment « d'étrangèreté ». Il est « curieux », dans les deux sens du terme

    Nous savons par notre pratique que l'intolérance de notre société et la rigidité de notre système éducatif peuvent entraîner, selon l'âge, le sexe et la personnalité de l'enfant des troubles pouvant aller de la simple anxiété jusqu'aux affections psychosomatiques, de difficultés névrotiques mineures jusqu'aux bouffées délirantes, des conduites addictives jusqu'à la psychopathie, de la dépression réactionnelle jusqu'au suicide. Martin PAGE écrit que « l'intelligence est un double mal : elle fait souffrir et personne ne songe à la considérer comme une maladie ». Ainsi que le disait FREUD, « de tous temps, ceux qui avaient quelque chose à dire et ne pouvaient le dire sans danger, se coiffèrent du bonnet du fou ». Toutefois, s'il ne faut pas considérer que le potentiel des enfants surintelligents se développe sans faille, il ne faut pas non plus penser qu'il s'agirait d'une forme psychopathologique de la personnalité de l'enfant. N'est pas forcément pathologique ce qui n'est pas dans la normalité statistique. Et, concernant l'inhibition intellectuelle, nous rejoignons Bernard GIBELLO pour la classer dans les « troubles intellectuels sans anomalie des contenants de pensée ».

    Bien sûr, le système scolaire n'est pas toujours en cause, ou seul en cause dans la constitution de syndromes tels que l'inhibition intellectuelle chez les enfants surdoués. Interviennent également, ainsi que je l'évoquais précédemment, la structuration de la personnalité du sujet, les difficultés éventuelles de sa petite enfance, la qualité du lien précoce à la mère, l'environnement familial au sens large et sa dynamique, etc.

    http://www.douance.be/douance-troubles-inhibition-intellectuelle.htm

     



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  • 6 mars 2013 monsieurmathieundlronchin 1 commentaire

    aider un E.I.P

     

    Un enfant intellectuellement précoce se retrouve malheureusement la plupart du temps en difficultés dans sa classe.

     

    Problèmes d’ennui, de motivation, de compréhension ou de stratégies cognitives différentes. Les parents, comme les enseignants, se retrouvent alors déroutés, soit parce qu’ils ignorent le profil de l’enfant, ou a contrario parce qu’ils le connaissent mais ne savent comment l’appréhender.

     

    aider un E.I.P

     

    Cette courte chronique va tenter de vous donner plus d’informations sur le profil d’un enfant intellectuellement précoce et sur les manières les plus efficientes de l’aider – dans la mesure où une autre orientation vers une école spécialisée serait en attente ou impossible à pourvoir.

     

    Ce questionnement ne m’est pas venu par hasard. En effet, nous avons eu il y a deux ans dans mon établissement, le cas d’un enfant intellectuellement précoce, incroyablement doué, doté d’une mémoire exceptionnelle et d’une grande curiosité. Il parvenait, à titre d’exemple, en moyenne section à lire couramment, à orthographier des mots très complexes. Il connaissait les algorithmes opératoires de l’addition et de la soustraction et possédait une mémoire visuelle et auditive impressionnante.

     

    L’ensemble de notre équipe éducative s’est questionnée:

     

    Qu’est ce qu’un enfant intellectuellement précoce?

     

    Par définition selon l’inspection académique de l’Ain: « un enfant intellectuellement précoce manifeste la capacité de réaliser, dans un certain nombre d’activités, des performances que ne parviennent pas à accomplir la plupart des enfants de son âge, qui dispose, au moment de l’observation et dans les domaines considérés, d’aptitudes nettement supérieures à celles de la moyenne de sa classe d’âge. »

     

    Comment les détecter?
    L’outil le plus répandu est le test de quotient intellectuel (QI) déterminé à partir de batteries de tests tels que le WISC.

     

    Il est réalisé sous la conduite d’un psychologue (scolaire ou non).

     

    Le seuil de 130 est reconnu comme le niveau d’une personne surdouée.
    Le résultat de ce test est pourtant à relativiser – car dépendant de la catégorie socio-professionnelle des parents, de la structure familiale ou encore effet de « sur-test » observé chez bon nombre d’enfants qui a force de répéter les batteries de tests, développent des capacités cognitives de réussite à ceux-ci.

     

    Comment en être sûr?

     

    On ne peut jamais l’être. Il est très difficile de différencier un enfant très doué ou en avance et un enfant intellectuellement précoce. Il faut donc s’appuyer sur la communauté éducative la plus large possible qu’il s’agisse du psychologue scolaire, du médecin scolaire, des enseignants qui ont eu l’enfant en classe, les parents, mais aussi les enseignants spécialisés rattachés ou non à l’école qui peuvent être autant de personnes ressources.

     

    Cependant des traits communs qui sautent aux yeux se retrouvent chez ces enfants:

     

    • une mémoire à court et long terme impressionnante
    • un vocabulaire riche et varié et une communication tant avec les pairs qu’avec les adultes très facile pour l’enfant
    • une capacité à réinvestir ou à mobiliser des notions même à peine entrevues.
    • une curiosité intarissable et la volonté d’aller toujours plus loin
    • un coté autodidacte où l’on est épaté de ce que l’enfant a appris à faire seul
    • une facilité à traiter les tâches complexes qui nécessitent une recherche laborieuse aux autres.

     

     

    Comment aider un enfant intellectuellement précoce s’il est en souffrance en classe?

     

    Plus qu’un long discours, je préfère vous confier ces liens très utiles si vous venez à rencontrer ce type de situation avec un enfant intellectuellement précoce  ou si vous avez un doute.

     

     

    Voilà bonne lecture à vous et à bientôt

    M. Mathieuhttp://lewebpedagogique.com/blog/comment-reconnaitre-et-aider-un-e-i-p-enfant-intellectuellement-precoce/


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  • Un problème fréquent rencontré dans la douance et source de beaucoup de déconvenues et de quiproquos vient du fait de supposer que les autres savent.

    Nombreux sont les surdoués qui pensent qu’ils s’adressent la plupart du temps à des pairs.

    Il pensent inconsciemment qu’ils ont le même langage, les mêmes références, le même background, la même curiosité intellectuelle, les mêmes codes (sociaux), les mêmes références.

    Cette problématique va amener rapidement à des

    • incompréhensions
    • rejets
    • quiproquos

     

    La leçon apprise en porte-à-porte.

    Une leçon apprise en porte-à-porte, même s’il ne s’agit pas de la meilleure période de ma vie, est qu’il ne faut jamais supposer des autres.

    En effet, quand on fait ce genre de travail extrêmement répétitif, où on fait toujours le même discours, on finit par avoir la pensée magique que les autres savent déjà de quoi on va leur parler.

    Et c’est en omettant la moitié du discours que l’on se rend compte qu’ils posent des questions sur les éléments non cités…

    Parce que cela paraît pourtant évident d’un point de vue extérieur, ils ne peuvent pas deviner ce qu’il y a dans la tête des gens.

    Pourtant, c’est ce qu’une grande partie des surdoués font tout le temps, pensant que non seulement les autres sont au même niveau, mais qu’ils les comprennent à demi-mot et se confortent par tous les signes extérieurs qui pourrait leur faire croire cela.

    Maintenant, on peut dire que j’ai remplacé les portes par les personnes, et je me trompe moins en considérant par défaut que les gens ne savent rien.

    On n’a pas les mêmes références

    Personne n’a les mêmes références et ce qui vous parle ne parlera peut-être pas à une majorité de personnes.

    De plus il faut savoir que le niveau de culture générale s’est effondré depuis l’avènement d’internet à ce que j’appelle une révolution culturelle (l’ancien est inintéressant, vive le nouveau jusqu’au grotesque) et beaucoup de surdoués (au-dessus de 35 ans surtout) se sont rendu compte d’une abêtisation générale et programmée d’une partie de la jeunesse.

    Supposer que les autres savent… parce qu’ils ont de la mémoire

    Il faut rajouter à cela que les surdoués ont une mémoire très forte alors qu’une majorité à une mémoire limitée voir volontairement très sélective.

    Cela permet de comprendre comment de nombreux surdoués pensent que certains se souviennent de chose précise alors que ce n’est pas du tout le cas.

    Les hommes politiques jouent là dessus, et sont tout à fait capables de revenir en force alors qu’ils ont été l’objet d’une curée seulement un ou deux ans auparavant… à la grande consternation d’un grand nombre d’entre nous, dont moi.

    Quand le surdoué s’aperçoit qu’il est tout seul… à penser comme ça

    Parfois c’est dans le contexte que le surdoué s’aperçoit qu’il est tout seul à penser à sa façon.

    Cela arrive dans un contexte fermé où quand les masques tombent et que l’on apprend à se connaître, le surdoué découvre qu’il est :

    • le seul à penser comme ça
    • le seul à être au courant de ça
    • le seul à avoir une opinion sérieuse sur ça
    • le seul à se sentir impliqué dans ça

    Surtout à ce moment-là on peut même se rendre compte que l’on est la seule personne apte à prendre des décisions sérieuses sur le sujet.

    Bonne attitude à adopter

    Il faut donc partir de 0 et supposer que la personne ne « sait pas ».

    C’est un parallèle que l’on retrouve aussi dans le contexte professionnel où les gens, enfermés dans leur domaine, supposent aussi que tout le monde à les mêmes références qu’eux.

    Plus le domaine est petit plus c’est flagrant : les personnes pensent que leur domaine est très important parce que chez elles, il prend toute la place.

    Alors que pour 95% des gens, la seule chose connue dans le domaine sera le lieu commun qui est considéré comme une insulte pour ceux qui sont dedans…

    Il faut donc recadrer vos interlocuteurs dans leur environnement.

    De même l’inaction est souvent due chez les surdoués à leur vision tronquée de la surreprésentation de ce qu’ils pensent, alors que globalement cela reste parfois anecdotique.

    http://www.surdouement.fr/surdoue-lerreur-de-supposer-que-les-autres-savent.html

     

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