• Syndrome de dysoralité sensorielle

    L’hypersélectivité alimentaire, quand on est petit c’est un caprice, et quand on est grand c’est psy.

     

    Syndrome de dysoralité sensorielle

     

    Voilà ce que m’a dit mon orthophoniste aujourd’hui. Selon elle, ce n’est pas psy, c’est physiologique. Une nouvelle piste toute neuve et très intéressante qui pourrait expliquer pas mal de choses…

    Et si ce n’était pas psychologique, finalement ?

    C’est une piste à laquelle j’avais pensé sans pourtant trouver les mots — ou les maux — à mettre dessus. Une très forte sensibilité aux odeurs, aux goûts, aux textures. Je suis capable de détecter le moindre grain de poivre alors que ma famille ne le sent même pas. Les américains parlent de super tasters. Des techniques obscures où il faut compter le nombre de papilles sur la langue permettraient même de déterminer si on est un super taster ou non. Un bref coup d’oeil à ma langue dans le miroir a suffi pour me dissuader de me lancer le comptage de mes papilles gustatives. Ne sachant pas du tout vers qui me tourner pour savoir si oui ou non j’avais une sensibilité gustative surdéveloppée, j’avais donc mis cette hypothèse de côté.

    Puis il y a quelques semaines, une maman du groupe francophone, Alexandra, nous a parlé du syndrome de dysoralité sensorielle.

    La dysoralité est une hypersensibilité sensorielle, surtout au niveau du goût et des odeurs. Les américains parlent de SPD, Sensory Processing Disorder (qui en français donnerait trouble d’intégration sensorielle (TIS) ou dysfonctionnement sensoriel). J’avais déjà vu plusieurs mamans des forums anglophones le mentionner. Aux Etats-Unis, ils ont plein de maladies avec des sigles du genre, je n’en connais pas la moitié et les mélange souvent. Je n’avais donc jamais cherché plus que ça ce qu’était le SPD. C’est Marie (l’expat aux Etats-Unis dont je vous parlais dans mon précédent article) qui a fait le lien entre la dysoralité et le SPD. Même si quasi personne ne connaît ni n’a entendu parler de ça en France, ce diagnostic a l’air assez commun aux Etats-Unis.

     La dysoralité sensorielle (SDS) est une hyper réactivité génétique des organes du goût et de l’odorat touchant 25% des enfants à développement normal et entre 50 à 80% des enfants ou adultes avec un polyhandicap. Cette dysoralité d’origine sensorielle est très polymorphe et la réaction de l’enfant ou du jeune adulte peut aller d’un simple dégout pour un certain type d’aliment jusqu’à un état d’aversion alimentaire sévère pouvant faire croire à une anorexie. Jusqu’à présent il était admis que ces troubles du comportement alimentaire étaient d’origine psychologique et plus précisément reliés à une relation mère/enfant pathologique.

    Le SDS concerne 20% de la population en France, m’a dit l’orthophoniste. Bien sûr il y a différents niveaux et chacun le gère à sa manière.

    Une sensorialité normale est facteur d’appétit.
    Une sensorialité exacerbée va avoir l’effet inverse

    Pour en revenir à Alexandra, son fils devait faire un bilan orthophonique pour un problème de prononciation, et on lui a diagnostiqué un SDS. Elle a eu de la chance, l’orthophoniste qui a fait le bilan à son fils venait juste d’être formée pour soigner le SDS. C’est quelque chose de très nouveau en France, et assez peu de personnes sont formées pour le diagnostiquer et le traiter.

    43cd03f122La plupart des publications concernant la dysoralité proviennent de ou citent Catherine Senez, une orthophoniste marseillaise. Je me suis beaucoup retrouvée dans ce que j’ai pu lire sur internet à propos de la dysoralité sensorielle. J’ai donc contacté cette dame pour lui demander si elle pouvait me recommander quelqu’un à Paris.

    Comme souvent malheureusement dans notre situation, l’autodiagnostic prime sur l’avis des médecins. J’avais besoin d’une ordonnance pour le bilan et suivi orthophonique, je suis donc allée voir un médecin que je n’avais encore jamais vu (je viens de déménager et n’ai donc pas encore de médecin traitant), et ai dû lui expliquer mon problème. Elle a commencé à me parler de toutes les maladies digestives qui peuvent exister. Selon elle le problème proviendrait de mon corps qui refuse de manger des légumes et de la viande car il ne les digère pas correctement… J’ai dû insister pour avoir mon ordonnance, elle m’a dit que cela ne servirait à rien et que si je voulais voir une orthophoniste je n’avais pas besoin de traverser tout Paris, qu’il y en avait des tas dans le quartier.

    Finalement, je ne regrette absolument pas d’avoir écouté mon instinct et d’être allée faire ce bilan. Elle m’a posé beaucoup de questions, sur mes habitudes alimentaires, mais pas que. Sur le brossage des dents aussi par exemple, ou la position de ma langue dans ma bouche. Elle a aussi vérifié mes capacités de mastication, qui s’avèrent plutôt bonnes malgré ce que je mange, tant mieux ! Tout au long de ce bilan, j’ai vraiment eu l’impression d’être comprise. Elle connaissait souvent déjà la réponse que j’allais donner, et ses questions étaient orientées vraiment de façon à ce qu’elle vérifie quelque chose, et non pas de façon à ce qu’elle réussisse à comprendre ma situation. C’est ce qui fait toute la différence et donne vraiment le sentiment d’être compris.

    Un cas d’école. Voilà comment elle m’a qualifiée. J’ai réussi le bilan haut la main, il semblerait que j’ai un Syndrome de Dysoralité Sensorielle assez sévère.

    Les symptômes

    Un réflexe hyper nauséeux (des hauts le cœur tout le temps et pour tout), un odorat surdéveloppé, des difficultés même pour le brossage des dents, une alimentation très sélective composée d’aliments qui ne se mâchent pas ou très peu.

    1300440111-19566Les symptômes tels que manque d’appétit, refus des nouveautés, sélectivité alimentaires, nausées, vomissements et problèmes de comportements aux repas, débutent dès la 1ère année de vie, majoritairement à la période où les mères commencent à diversifier l’alimentation. Certains facteurs associés vont aggraver les troubles de l’alimentation tels que des facteurs organiques ou psychosociaux comme les allergies, les intolérances alimentaires, le Reflux Gastro Oesophagien (RGO), la constipation ou les problèmes relationnels. Ces facteurs vont influer sur l’appétit de l’enfant mais n’en sont pas la cause première pour Mme Senez.

    Le traitement

    Des massages dans la bouche. Chez les enfants, ce sont les parents qui les font, comme je suis grande je me les ferai moi-même. Sept fois par jour au minimum, pendant au moins sept mois. Le massage en lui-même consiste à se frotter énergiquement les gencives, le palais, la langue (comme si l’on gommait quelque chose), et dure seulement quelques secondes.

    Les résultats peuvent être très rapides et spectaculaires, comme cela peut être assez insignifiant. Les consultations sont remboursées par la sécu/mutuelle, et les massages et consultations sont indolores, sans prise de médicaments, et même sans souffrance psychologique (comme j’avais pu avoir par exemple avec la psy comportementaliste où chaque séance était très éprouvante). Je me dis que je n’ai vraiment rien à perdre à essayer, et peut-être tellement à gagner…

    Je n’ai pas pensé à lui demander plus de détails sur les aspects techniques du massage, comment ça fonctionne, sur quoi cela agit et quels sont les effets physiologiques d’une telle pratique. Catherine Senez parle d’un processus d’habituation, j’ai aussi lu le terme désensibilisation.

    Au début les massages ont peu d’amplitude et ce n’est que progressivement, en surveillant bien les réactions de l’enfant, que semaine après semaine, l’amplitude sera augmentée. Cette méthode, basée sur la répétition (7 à 8 fois par jour) en veillant à ne pas dépasser le seuil de tolérance de l’enfant c’est-à-dire à ne pas déclencher un réflexe nauséeux en faisant les massages, conduit à une habituation et donc une désensibilisation du nerf sensitif en question. Elle entraîne une diminution de la réactivité défensive aux touchers buccaux. Après la désensibilisation, les enfants ou adultes élargissent leurs choix alimentaires, mangent plus facilement, plus vite et avec plaisir. Si l’enfant est hypersensible au niveau tactile, il ne se laissera pas aborder pour une désensibilisation dans la bouche. Il faudra alors faire une désensibilisation faciale « le tour de la maison » avant de pouvoir aborder la bouche.

     

    Qui l’eût cru ? De toutes les professions de santé, j’aurais pensé aux médecins pour trouver un éventuel problème physiologique (déglutition, digestion..), aux psy — classiques ou comportementalistes — pour l’anxiété, le blocage (supposé psychologique) que l’on fait face à la nourriture, et éventuellement à une diététicienne ou une nutritionniste pour m’aider à équilibrer au mieux mon alimentation en fonction de ce que je peux manger, mais jamais il ne me serait venu à l’idée d’aller chez une orthophoniste..

    Tout ça, c’est grâce à Alexandra, qui a rejoint le groupe il y a quelques semaines. Je la remercie vraiment, encore une fois, d’avoir partagé son expérience avec nous. Faire face à des médecins qui ne connaissent pas notre trouble et qui ne prennent la mesure de son amplitude n’est pas toujours facile mais on se rend compte, grâce aux groupes de soutien, qu’il existe quand même des solutions et cela redonne de l’espoir !

    Source des citations :
    Catherine Senez – Le syndrome de dysoralité sensorielle
    Synthèse sur les troubles de l’oralité chez les enfants

    Source image : GEM


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