• La différenciation pédagogique

    L'ÉCOLE DE DEMAIN https://ecolededemain.wordpress.com/2014/11/14/la-differenciation-pedagogique/

     

     

     

    La différenciation pédagogique

    Ne pas gommer les différences mais ne pas être indifférent à la différence.

     Différence2

    I. Des définitions variées :

     La différentiation ne doit pas être vécue comme une sanction par les élèves mais comme une aide. On trouve de nombreuses définitions de cette pratique, en voici quelques exemples :

    « Différencier signifie savoir analyser et ajuster sa pratique de même que l’environnement d’apprentissage de façon à tenir compte des préalables et caractéristiques d’un ou de plusieurs élèves au regard d’un objet d’apprentissage particulier. »

    « La pratique de la différenciation pédagogique consiste à organiser la classe de manière à permettre à chaque élève d’apprendre dans les conditions qui lui conviennent le mieux. Différencier la pédagogie, c’est donc mettre en place dans une classe ou dans une école des dispositifs de traitement des difficultés des élèves pour faciliter l’atteinte des objectifs de l’enseignement. (…) Remarque importante : il ne s’agit donc pas de différencier les objectifs, mais de permettre à tous les élèves d’atteindre les mêmes objectifs par des voies différentes » (Laurent, S. (2001). Pédagogie différenciée)

    « Différencier, c’est avoir le souci de la personne sans renoncer à celui de la collectivité…être en quête d’une médiation toujours plus efficace entre l’élève et le savoir… C’est pourquoi, il ne faut pas parler de la « pédagogie différenciée » comme d’un nouveau système pédagogique, mais bien plutôt comme d’une dynamique à insuffler à tout acte pédagogique…un moment nécessaire dans tout enseignement… celui où s’insinue la personne dans le système… » (Meirieu, P. (1989). Introduction. Cahiers Pédagogiques, « Différencier la pédagogie »)

    « Pour les formateurs qui prônent ces pratiques, différencier n’est pas répéter d’une autre manière, mais varier le plus possible leurs actions, pour que chacun puisse rencontrer, à un moment ou l’autre de son cursus, des situations dans lesquelles il puisse réussir » (Fournier, M. (1996, février-mars). La pédagogie différenciée. Sciences humaines, Hors série 12, p. 26)

    « La pédagogie différenciée s’appuie d’abord sur un constat anthropologique indiscutable : l’hétérogénéité entre les humains est de fait et ce fait constitue la justification principale de la différenciation de la pédagogie. Au plan de la microsociologie scolaire, Philippe Perrenoud rappelle que dans une classe, la pédagogie différenciée est une réalité quotidienne incontestable, car il n’existe pas deux élèves qui sont traités exactement de la même manière de la part d’un enseignant : le problème n’est pas de nier ce fait mais de le contrôler. La pédagogie se doit d’être lucidement différenciée sans faire jouer massivement la complicité socio-affective entre l’enseignant et certains élèves « choisis » par lui plus ou moins consciemment. »

    Une action de différenciation pédagogique peut être menée individuellement. Elle correspond à une action de l’enseignant qui, sur la base d’une connaissance des préalables et caractéristiques générales de ses élèves vis-à-vis d’un objet d’apprentissage, varie ses formules pédagogiques, le matériel qu’il leur propose, les modes de regroupement dans le but de rejoindre le plus grand nombre d’entre eux.

    Une action de différenciation pédagogique peut être menée collectivement. Elle correspond, quant à elle, à une action initiée, par une équipe multidisciplinaire (enseignant, psychologue, direction, etc.), pour adapter les interventions pédagogiques aux préalables et caractéristiques d’un seul élève aux besoins spécifiques (surdoué, en difficulté, ayant un handicap particulier, etc.). Un tel type de différenciation pédagogique suppose notamment l’élaboration d’un plan d’intervention, le recours à des formules pédagogiques et des adaptations spécifiques en plus de celles habituellement mises en avant par un enseignant dans une classe.

     II. Des variables multiples :

    Le métier d’enseignant ne consiste pas à appliquer des méthodes conçues par des experts, qui seraient valables pour tous les élèves et en toute situation. Les élèves en difficulté d’apprentissage obligent le professeur à chercher sans cesse des solutions, en prospectant dans sa mémoire et en faisant appel à son imagination.

    Sur des principes d’éducabilité et d’intelligence. Même en difficulté, tout élève peut apprendre, progresser, acquérir des savoirs.

    « Rien ne garantit jamais au pédagogue qu’il a épuisé toutes les ressources méthodologiques, rien ne l’assure qu’il ne restera pas un moyen encore inexploré, qui pourrait réussir là où, jusqu’ici, tout a échoué ». Il est donc normal qu’à l’école, l’élève fasse des erreurs puisqu’il est en situation d’apprentissage. L’erreur d’un élève est d’ailleurs très rarement aberrante, si l’enseignant prend le temps de la comprendre. Elle est même un outil pour son enseignement.

    La démarche de différenciation pédagogique insiste sur l’importance de mettre en avant des actions portants sur les contenus, les processus, les productions et les structures sur une période de temps significative et d’en évaluer précisément les impacts sur l’apprentissage des élèves ciblés.

    Parmi les variables en jeu permettant la mise en place de séquences d’apprentissage différenciées, nous pouvons énumérer :

    • le cadre spatial : lieu, environnement matériel, organisation de l’espace ;
    • les regroupements : (Les élèves peuvent travailler dans diverses configurations) : tous ensemble, en plénière en deux moitiés de classe; par sous-groupes variant selon la composition forts et faibles, garçons et filles, jeunes et adultes, ethnies variées ou homogènes par sous-groupes variant selon le nombre 5, 4, 3 ou 2 ; individuellement. (…);
    • les situations d’apprentissage : situation collective, situation individualisée (avec ou sans monitorat, recherche documentaire…), situation interactive créant les conditions d’un conflit socio-cognitif (groupe d’apprentissage, groupe de niveau-matière, groupe de besoin), exposé, tutorat, apprentissage par module, séminaire, étude de cas ;
    • les contenus proposés : accessibles, suffisamment stimulants (manière de présenter, nature des exemples), portant bien sur la notion à acquérir telle qu’elle a été définie dans l’objectif de la séquence, mettant en jeu chez l’élève l’opération mentale recherchée. Varier les contenus consiste à éviter de maintenir trop longtemps le cerveau des élèves sur le même type de contenus, de façon à éviter la fatigue ou la perte d’intérêt, et aussi de manière à ne pas s’adresser trop longtemps à la même famille d’esprits. (…) La différenciation des contenus est tout autre chose : c’est l’attribution de contenus différents, en tout ou en partie, à chaque sous-groupe, voire à chaque élève, en fonction de leurs objectifs, intérêts ou capacités. (…)
    • les dimensions du sens d’un apprentissage (finalisé par l’amont/par l’aval, sens fonctionnel/symbolique, en référence à des pratiques scolaires/extra-scolaires) et de la motivation des élèves ; les modes de pensée et les stratégies d’appropriation : inductive, déductive, créatrice, dialectique, divergente, convergente, analogique ; globale ou synthétique, analytique ;
    • les différents supports et outils d’apprentissage : la parole du professeur, de camarades, de conférenciers ou invités divers, les textes, le tableau noir ou le tableau de papier, les transparents, les diapositives, les bandes audio, les bandes vidéo, les films, les didacticiels, les objets, les appareils, les mannequins, les manuels scolaires, les ordinateurs, les fichiers de travail individuel… ; méthodes actives, techniques Freinet… ; aides méthodologiques… ;
    • les modes de différenciation et leur alternance : successive (alterner différents outils et situations dans un même cours), simultanée (faire travailler en même temps des élèves qui s’adonnent à des activités diverses adaptées à leurs besoins) ;
    • les actions : Écouter, regarder, parler, lire, manipuler des objets, bouger, se déplacer, mimer, dessiner, sentir, goûter. (…)
    • l’organisation temporelle : déroulement de la séquence, alternance des différents temps, régulation en cours d’activité (degré de guidage, par exemple un élève qui n’a pas compris), rythme d’apprentissage (que faire avec les élèves qui ont fini avant les autres ?) ;
    • les attitudes pédagogiques de l’enseignant : s’appuyer sur les erreurs des élèves sans stigmatisation ; discuter avec eux pour qu’ils comprennent le sens des aides apportées, les critères de la constitution de certains groupes… ; les amener à reformuler ce qu’ils ont compris, les inviter à réfléchir à leur façon d’apprendre pour qu’ils en prennent conscience ;
    • les opérations intellectuelles : Il importe de créer des situations suffisamment variées sur le plan intellectuel pour que les élèves y trouvent l’occasion d’utiliser leurs modes de pensée préférés (ex. : mémoriser, se rappeler, observer, identifier, nommer, décrire, etc.)
    • l’évaluation des acquis de la séquence pour chaque élève, afin de préparer la séquence suivante.

    III. Différencier, dans quel état d’esprit ?

    Des équipes qui ont participé à une recherche-action soulignent l’importance des éléments suivants pour différencier :

    • Une croyance profonde chez l’enseignant ou l’équipe d’enseignants dans la capacité de tous les élèves à apprendre.
    • L’importance du travail d’équipe dans lequel s’engagent des enseignants motivés et persévérants.
    • Une connaissance précise (évaluation diagnostique) des caractéristiques et préalables des élèves de même que du programme de formation.
    • Un temps de concertation pour échanger, apprendre et créer avec l’équipe de pédagogues.
    • La collaboration des partenaires, dont les conseillers pédagogiques et la direction d’école, pour guider et supporter l’équipe.

    IV. Un exemple de mise en place d’une différenciation pédagogique :

    Étape 1 : Définition de la situation actuelle et d’une problématique (évaluation diagnostique)

    Étape 2 : Définition de la situation désirée

    Une fois la situation actuelle bien définie, il est possible de préciser la situation désirée, c’est-à-dire ce que les élèves doivent apprendre et ce qui sera amorcé ou modifié, au sein de la situation pédagogique, pour y contribuer. Une diversité d’actions, d’outils ou de types d’interventions peuvent alors être envisagés :

    • sélectionner certains contenus.
    • modifier les formules pédagogiques.
    • créer un matériel ou un support visuel.
    • ajuster le programme d’activités.
    • varier les modes de regroupement, etc.

    Étape 3 : Planification de l’action

    La planification de l’action correspond au moment où un enseignant conçoit et se prépare à mettre en œuvre les modifications jugées désirables à la situation pédagogique.

    Étape 4 : Action

    L’action correspond à la mise en œuvre effective des actions planifiées permettant de passer de la situation actuelle à la situation désirée.

    Étape 5 : Évaluation de l’action

    Au terme de toute démarche de différenciation pédagogique, il y a lieu d’évaluer l’impact des actions mises en œuvre sur l’apprentissage des élèves. Ce qui veut dire vérifier la progression de chacun dans la compétence ciblée.

    V. Évaluation des impacts de la démarche de Différentiation Pédagogique (DP) sur l’apprentissage des élèves :

    Premièrement, après avoir vérifié si les actions ont été réalisées, l’équipe et ses partenaires se posent la question : La démarche de DP a-t-elle eu un impact sur l’apprentissage des élèves ?

    Deuxièmement, l’équipe et ses partenaires essaient de trouver la ou les causes de l’impact positif ou négatif de la démarche de DP. Pour ce faire, ils peuvent s’inspirer des questions suivantes.

    Sur la démarche de DP et ses différentes étapes…

    • Avons-nous réalisé les 5 étapes de la démarche de DP?
    • La situation actuelle (problématique) a-t-elle été bien définie? Précisée ?
    • Était-il habituel pour nous de faire l’évaluation diagnostique des préalables ou caractéristiques des élèves ? Vis-à-vis un objet d’apprentissage particulier ?
    • Dans quelle mesure l’évaluation diagnostique a-t-elle permis de bien et de mieux préciser la situation désirée ?
    • Dans quelle mesure l’évaluation diagnostique a-t-elle permis de bien et de mieux planifier l’action ?
    • La situation désirée a-t-elle été suffisamment précisée?
    • La planification de l’action était-elle réaliste?
    • Le plan d’action a-t-il été réalisé tel que planifié?
    • Est-ce que nous avons mesuré l’impact de notre action sur les apprentissages effectués par les élèves?
    • Avions-nous l’habitude d’évaluer les impacts de nos actions sur l’apprentissage des élèves ?
    • Est-ce que nos outils nous ont permis de recueillir l’information dont nous avions besoin pour évaluer l’impact sur l’apprentissage de nos élèves?
    • Si nous voulions amorcer une autre boucle de DP, quelle serait la situation actuelle (problématique)?
    • Autre(s) remarque(s) concernant les étapes de la démarche de DP qui ont eu un impact sur l’apprentissage des élèves.

     

    Sur les composantes et les relations de la situation pédagogique…

    Sur les sujets….

    • Avons-nous précisément ciblé la ou les dimension(s) de la compétence des élèves sur lesquels nous voulions précisément agir ? Attitudes et perceptions ? Démarches d’apprentissage ? Savoirs ? Métacognition ?
    • Avons-nous tenu compte des caractéristiques des élèves pour lesquels la démarche de DP a été mise en œuvre ? Garçons/filles? Styles d’apprentissage ? Modes de coopération ? Intérêts ? Développement moteur ?
    • Les groupes ou sous-groupes d’élèves que nous avons constitués étaient-ils adéquats ?
    • Autre(s) remarque(s) concernant les préalables et caractéristiques des élèves qui ont eu un impact sur leurs apprentissages.

    Sur les agents…

    • Est-ce que notre connaissance du programme était suffisante ? Précise ?
    • Est-ce que notre connaissance des caractéristiques et préalables des élèves était suffisante ? Précise ?
    • Est-ce que le travail en équipe-cycle a été aidant ? Facile ? Efficace ?
    • Est-ce que notre compétence à différencier s’est développée ? Est-ce que nos attitudes et perceptions, notre pratique réflexive (métacognition), notre démarche et nos savoirs vis-à-vis de la DP ont eu un impact sur le déroulement du projet et l’apprentissage des élèves ?
    • Est-ce que les activités, tâches ou situations d’apprentissage et d’évaluation que nous avons proposées étaient adaptées aux préalables et caractéristiques des élèves ?
    • Est-ce que nous étions suffisamment à l’aise dans l’usage des formules pédagogiques utilisées dans le cadre de cette démarche de DP ?
    • Est-ce que nous connaissions suffisamment de formules pédagogiques pour nous adapter aux caractéristiques et préalables des élèves ?
    • Est-ce que nos valeurs pédagogiques individuelles ou collectives (conception de l’apprentissage, de l’élève, du matériel pédagogique, etc.) étaient partagées ?
    • Est-ce que notre connaissance des formules pédagogiques démontrées les plus efficaces en lecture, en mathématiques, etc. était suffisante ?
    • Autre(s) remarque(s) nous concernant qui ont eu un impact sur l’apprentissage des élèves.

    Sur le milieu…

    • Est-ce que l’outil d’évaluation diagnostique a été pertinent et aidant ?
    • Est-ce que le matériel et les outils développés, sélectionnés ou adaptés ont été judicieux et efficaces ?
    • Les interventions et les attitudes de la direction ont-t-ils eu un effet sur nos actions auprès des élèves ? Sur le degré de collaboration de l’équipe-cycle ? Sur la disponibilité des ressources ?
    • Les interventions et les attitudes de la conseillère pédagogique ont-t-ils eu un effet sur nos actions auprès des élèves ? Sur le degré de collaboration de l’équipe-cycle ?
    • L’horaire de nos rencontres (fréquence, durée, etc.) a-t-il été facilitant ?
    • Autre(s) remarque(s) concernant le temps, les ressources, les partenaires qui ont eu un impact sur l’apprentissage des élèves.

    Une ultime remarque de Louis Legrand (1994) vient souligner l’importance des observations et de l’attitude d’ouverture du professeur à l’égard de l’élève :

    « L’observation que le maître peut faire au cours de son enseignement reste le vecteur essentiel de la différenciation (…). Partir de ces observations pour adapter l’action pédagogique à la diversité constatée, telle est la tâche du pédagogue soucieux de différencier rationnellement son enseignement. (…) Différencier la pédagogie de façon rationnelle, c’est en quelque sorte, se faire violence pour prendre en compte la nature de l’élève en contrepoint de sa nature propre et des contenus de savoir fixés par l’institution » (p. 732, 733).

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