• L'épuisement maternel

    Le burn out n'est pas uniquement réservé à la sphère professionnelle. Les mères sont aussi concernées par ce fléau. Fatigue, surmenage, dépression... pourquoi les mères craquent et comment les aider ?

    Candice Satara-Bartko  - 10 mars 2014
    femme triste-bébé
     

    C’est un autre tabou de la maternité. L’épuisement des mères ou « burn out maternel » est pourtant une réalité. Dans un livre poignant paru en 2011, Stéphanie Allénou raconte sa lente descente aux enfers après la naissance de ses jumeaux. Comme cette jeune femme, elles sont aujourd’hui des milliers à perdre pied fâce à leur bébé, dans la culpabilité et l’indifférence

    Des mères sous pression

    Il n’y a pas plus grand bonheur que d’avoir des enfants. Mais en devenant mère on doit aussi affronter de nombreuses difficultés auxquelles on est généralement peu préparée. Au fil des mois, le manque de sommeil, de soutien, la répétition lancinante des urgences, peut vite devenir insoutenable. C’est alors que le malaise s’installe. « On parle d’épuisement maternel quand les mères ont le sentiment qu’il n’y a plus de coupure entre elles et les contraintes du quotidien, observe Sylviane Giampino, psychologue et spécialiste de la parentalité. Même si elles investissent la maternité, elles se sentent sous pression du matin jusqu’au soir et ne parviennent plus à récupérer. » Longtemps tabou, le syndrome de l’épuisement maternel sort aujourd’hui de l’ombre grâce aux témoignages courageux de mamans. Ce phénomène insidieux touche aussi bien les femmes qui travaillent que celles qui sont au foyer, et n’épargne aucun milieu social. De fait, les femmes qui cumulent les facteurs déstabilisants comme la précarité, l’isolement ou les problèmes familiaux, sont plus vulnérables.Toutes les études montrent également que l'arrivée de jumeaux dans une famille provoque des difficultés psychologiques dans les mois et les années qui suivent la naissance.
    Malgré l’implication croissante des pères, les femmes continuent d’assumer seules l’essentiel des tâches domestiques. Le déséquilibre est d’autant plus prononcé qu’il y a d’enfants dans la famille, et que le dernier est petit, conclut une étude de l’Ined paru en 2009. La société a aussi sa part de responsabilité dans le naufrage des mères « On nous présente la maternité comme un paradis dans lequel les femmes ne peuvent que s’accomplir, constate Cécile Croquin, présidente de l’association Maman blues. La découverte de la réalité est parfois violente. Les mères n’osent pas avouer leur mal être et se mettent à culpabiliser. »

    Burn out maternel : les signaux d’alerte

    mère avec bébé dans les bras

    La psychologue Violaine Gueritault est la première à avoir utilisé le terme de « Burn out » pour décrire l’épuisement maternel. « Ce concept avait été uniquement décrit et validé scientifiquement dans le contexte professionnel, explique-elle. J’ai pris ces facteurs et j’ai découvert qu’ils s’appliquaient parfaitement à l’expérience de la mère. » Comme dans le travail, le burn out maternel ne se produit pas du jour au lendemain, sa progression est lente et sournoise. « Cet état psychologique résulte d’une accumulation de stresseurs variés, caractérisés par une intensité modérée et un aspect chronique et répétitif. », poursuit la spécialiste. Les nuits hachées, les cris des enfants, les responsabilités quotidiennes sont autant de contraintes qui se répètent inlassablement et provoquent à la longue chez la mère un épuisement psychologique et physique.

    Les phases du burn out maternel

    femme triste

    L’épuisement émotionnel
    La première phase correspond à l’épuisement émotionnel. Chaque individu dispose d’un réservoir d’énergie physique et psychologique. Les responsabilités quotidiennes de la mère usent petit à petit l’ensemble de son capital énergie. Vient un moment où elle se sent vidée de ses ressources. Elle craque, s’effondre… Au réveil, la simple idée de penser à tout ce qui l’attend dans la journée lui donne la sensation de couler d’entrée de jeu.
    La distance s’installe
    « Petit à petit, je sens que, de plus en plus, les choses glissent sur moi. Certains reflexes tendent à disparaitre. Je suis parfois comme indifférente à ce qui peut arriver à mes enfants. » Ce passage du livre de Stéphanie Allénou illustre la 2e phase du burn out : le détachement émotionnel vis à vis de ses enfants, des autres. Pour se protéger et économiser le peu d’énergie restante, la mère met en place un mécanisme de défense. Elle continue d’accomplir mécaniquement les tâches du quotidien, mais en revanche fait une croix totale sur l’investissement émotionnel. Tout coup elle se sent distancée de ses enfants, de son mari, de son quotidien.
    Le reniement
    La dernière phase du burn out est probablement la plus préoccupante. La mère prend conscience du fossé qui se creuse entre l’idée qu’elle se faisait de la maternité et la réalité présente telle qu’elle la perçoit. « Tous ses rêves de super maman s’effondrent, souligne Violaine Guéritault. Elle se sent en situation d’échec personnel. »  Perte de confiance, repli sur soi, crises de colère récurrentes pouvant aboutir à des comportements agressifs envers les enfants… c’est la chute libre.  Résignées, les mères laissent alors s’installer la rancœur et l’amertume.

    S'en sortir, c'est possible

    famille-parents-enfants

    L’épuisement maternel se heurte souvent à l’incompréhension de l’entourage. Le compagnon se retrouve démuni et ne sait pas comment agir pour soulager la maman. « C’est très culpabilisant pour un homme de voir sa femme se fragiliser au moment où elle devient mère, souligne Sylviane Giampino. Pour autant, bien souvent, personne ne perçoit les signaux de détresse que la mère envoie. C’est à elle seule de sortir la tête de l’eau au moment où elle se sent prête. Le déclic ?  Il a souvent lieu lorsque la maman prend conscience du cycle infernal dans lequel elle est engagée. Une énième fessée, une colère plus forte que les autres ou simplement une envie irrépressible de tout quitter…
    Le premier des traitements reste le dialogue. Il existe des structures d’aides, des lieux de rencontres où l’on peut parler et être écoutée sans être jugée. L’association les Pâtes au beurre à Nantes, la Maison verte à Paris créée sous l'impulsion de Françoise Dolto, accueillent parents et enfants en difficulté. Certaines PMI peuvent également apporter de l’aide aux mères en souffrance. De nombreux réseaux d’entraide entre mères, à l’image de HubWin mamans, se développent aussi sur internet. Même si rien ne remplace le contact humain, ces outils peuvent soulager les mères, au moins momentanément. Plus largement, le fait pour les femmes de découvrir que leur mal être est reconnu, qu’il a un nom - l’épuisement maternel-, et que d’autre mères vivent ce malaise, est déjà une première victoire.


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