• Intervention précoce sur la psychose : une expérience suisse

    Dr Isabelle Catala

    Paris, France -- « Entre les prodromes de la maladie psychotique et la rémission rendue possible par un traitement suivi, il se passe en moyenne 2 à 5 ans. Une intervention précoce dès l’apparition des premiers symptômes psychotiques - voire des premiers prodromes - permet de faire diminuer ce délai et de garder la socialisation la plus adaptée possible » expliquent les Drs Philippe Conus et Charles Bonsack (Lausanne, Suisse) à l’occasion du congrès de L’Encéphale 2015 [1,2].

     
    Les équipes mobiles sont, pour nous, un élément central des stratégies d’intervention précoces.-- Drs Philippe Conus et Charles Bonsack (Lausanne, Suisse)
     

    Ces psychiatres sont venus à Paris présenter les résultats à 3 ans d’une expérimentation de prise en charge précoce des psychoses fondée sur la coexistence de trois unités de soins : une structure classique d’hospitalisation, un service de soins ambulatoires, et une équipe de suivi intensif dans le milieu.

    « Pour obtenir une compliance au suivi, il faut s’en donner les moyens : en effet, près de 50 % de ces patients ne prennent plus leur traitement et ne se rendent plus aux consultations dans l’année qui suit le diagnostic de psychose. Ce sont ces patients qui doivent être repérés et à qui un suivi personnalisé, y compris à domicile, doit être proposé. Les équipes mobiles sont, pour nous, un élément central des stratégies d’intervention précoces ».

    Profil psychologique particulier

    Au total, depuis 2011, 229 patients ont bénéficié de ce programme dont la durée maximale a été fixée à 3 ans. Les patients étaient pris en charge par l’équipe dès leur première admission hospitalière. Pour limiter le risque de refus de traitement et de suivi par les patients et leurs familles, les intervenants sont formés à reconnaître les sujets les plus fragiles.

    « Le profil des psychotiques difficiles à engager dans une relation thérapeutique a été en effet établi : il s’agit généralement d’hommes, jeunes, à faible insight (capacité à trouver une solution à ses problèmes sans passer par des échecs consécutifs), qui abusent de substances, sans emploi, avec un faible niveau de fonctionnement social et, parfois, des antécédents légaux », analyse le Dr Conus.

    En cas de réticences au suivi, le service mobile de suivi interventionnel (SIM) a été proposé en alternative à l’hospitalisation classique ou de jour.

    Les soignants de l’équipe mobile ont en charge en moyenne 10 patients chacun (contre 30 en ambulatoire). Le programme de soins qu’ils proposent est établi sur mesure en fonction de l’agenda du patient. Les horaires de suivi sont flexibles et les soignants sont connectés avec les urgences 24 h sur 24 afin de proposer des soins hospitaliers en cas de besoin.

    Psychose précoce, consommation d’alcool et de cannabis

    Le Dr Bonsack a analysé les caractéristiques de la population des jeunes psychotiques pris en charge et il les a comparé selon le type de suivi proposé : ambulatoire ou à domicile.

    Globalement, les personnes suivi par le service interventionnel (40 % des patients) avaient présenté des signes précoces de psychose au cours de la préadolescence, leur intégration sociale et académique était plus limitée. La durée de psychose non traitée était aussi plus importante (50 % des patients suivis à domicile présentaient des signes depuis plus d’un an contre 20 % dans le groupe ambulatoire). La consommation d’alcool et de cannabis différait aussi : 75 % contre 55 % pour l’alcool et 65 % contre 45 % pour le cannabis.

    Le service de soins à domicile est intervenu préférentiellement au cours des 6 premiers mois de suivi : 70% des interventions ont débuté dans le premier trimestre. 32,5 % des patients n’ont recours au SIM que pendant les 6 premiers mois de traitement, 44,1 % pendant 6 mois à 2 ans et 23,4 % entre 2 et 3 ans.

    « En combinant les deux approches précoces, le taux de désengagement thérapeutique a été faible : 13,9% à 3 ans. Néanmoins, chez les patients suivis à domicile, il semblerait que les symptômes positifs et négatifs restent plus importants (60 % contre 30 % pour les patients suivis en ambulatoire). Au total, le rétablissement fonctionnel ajusté au fonctionnement prémorbide a été similaire dans les deux groupes: 40% des patients en moyenne ont repris des activités sociales à 3 ans », conclut le Dr Bonsack.

     


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