• Le déficit d’attention/hyperactivité TDAH double le taux de mortalité précoce

    Par Stéphanie Lavaud

     

     

    Aarhus, Danemark – Dans un article publié dans le Lancet, des chercheurs danois démontrent, pour la première fois, sur un panel de près de 2 millions de personnes, que le trouble de déficit d’attention avec/sans hyperactivité (TDAH) est un facteur de risque de décès prématuré [1]. Les accidents arrivent en tête des causes de mortalité et le fait d’être de sexe féminin ou d’avoir des comorbidités psychiatriques augmente encore le risque.

    Risque doublé de décès prématurés

    L’étude risque de faire date. Non seulement c’est la première à investiguer le sujet mais elle porte sur un très large échantillon, ce qui lui donne d’autant plus de poids. Les chercheurs ont en effet intégré dans leur essai 1 920 000 personnes issues des registres danois qui colligent de façon très fiables de nombreuses données médicales.

    Ici, la cohorte a inclus tous les enfants nés au Danemark entre le 1er janvier 1981 et le 31 décembre 2011. Parmi cette cohorte, 32 061 individus ont reçu un diagnostic de TDAH. Ce qui ressort de ce suivi sur 32 ans, c’est que les personnes TDAH avaient un risque doublé de mortalité versus celles sans TDAH (RR de mortalité : 2,07, [IC 95% 1,70-2,50] p<0,0001), après ajustement sur l’âge, le sexe, les antécédents familiaux de désordres psychiatriques, l’âge maternel et paternel et le niveau d’éducation des parents.

    En regardant plus précisément par tranche d’âge, les chercheurs ont montré que les patients diagnostiqués à l’âge adulte étaient ceux qui avaient le taux de mortalité le plus élevé. Par exemple, les individus avec un diagnostic posé à 18 ans ou plus tard avaient 4 fois plus de risque de mourir prématurément que le groupe contrôle.

    Comment expliquer la majoration du sur-risque à l’âge adulte ?

    « Un TDAH qui persiste à l’âge adulte serait peut-être une forme plus sévère de ce désordre », postulent les chercheurs. Dans un commentaire à l’article, le Dr Stephen Faraone, professeur de psychiatrie (New York, E-U) suggère de son côté que le retard de diagnostic et de traitement puisse faire empirer le TDAH et, de fait, augmenter le risque de décès prématuré.

    Plus de risque chez les filles et femmes

    De précédentes études ont montré la présence de comorbidités psychiatriques chez les personnes TDAH, les chercheurs se sont donc intéressés aux désordres les plus fréquemment retrouvés.

    Dans cette cohorte, parmi les personnes avec TDAH : 16,7% (n=5 417) avaient aussi un diagnostic detrouble du comportement et de trouble oppositionnel avec provocation ; 12,3% (n=3 946) un trouble lié à l'usage de substances (usage ou l'abus de drogues illicites ou d'alcool). La présence de ces comorbidités communément associées au TDAH augmente fortement le risque de mortalité précoce, qui devient alors 8 fois plus élevé (RR de mortalité après ajustement : 8,29, [IC95% : 4,85-13,09]).

    Autre observation qui ressort de l’étude : le sexe constitue en lui-même un facteur de risque puisque les filles et femmes de l’étude, même exemptes de comorbidités psychiatriques, ont un risque plus élevé de mort prématurée par rapport à leurs homologues masculins. Explication avancée par les auteurs : filles et femmes auraient tendance à être moins diagnostiquées et l’augmentation du risque s’expliqueraient par des symptômes plus sévères. Outre le sous-diagnostic, elles pourraient aussi être sous-traitées, ajoutent-ils.

    Inattention, impulsivité et accidents de la route

    Pour savoir si la prématurité du décès est en lien avec le trouble, les chercheurs se sont intéressés aux causes. Sur les 107 décès chez les individus TDAH, 79 cas étaient documentés. Parmi ceux-ci, 25 (31,6%) étaient dus à une mort naturelle, 54 (68,4%) s’expliquaient de façon non naturelle dont 77,8% pouvaient être attribués à des accidents.

    Dans son éditorial, le Dr Faraone précise que plusieurs méta-analyses ont rapporté que les individus TDAH étaient plus susceptibles d’être impliqués dans des accidents de la circulation par rapport aux individus « contrôle ». Le psychiatre américain souligne que deux des principaux symptômes du TDAH, l’inattention et l’impulsivité, sont des facteurs de risque d’accidents de la route et que la prise de médicaments augmente les scores de conduite sur simulateur. Et pour expliquer les morts naturelles, le Dr Faraone évoque la piste du stress oxydatif dont les taux seraient plus élevés chez les TDAH.

    Faire du diagnostic précoce « la règle et non pas l’exception »

    En conclusion, le Dr Soren Dalsgaard, principal investigateur de l’étude, insiste sur « l’importance de faire un diagnostic précoce, en particulier dans la population féminine, et de traiter tous les désordres de type comportements antisociaux ou abus de substances » pouvant accompagner le TDAH.

    Pour sa part, le Dr Faraone plaide pour que « les décideurs politiques exercent une meilleure répartition des ressources en faveur de la recherche et les soins des personnes TDAH » et milite pour que les cliniciens considèrent le diagnostic précoce et la prise en charge comme « la règle et non pas l’exception ».

    En dépit des chiffres préoccupants de mortalité, le Dr Dalgaard, comme le Dr Faraone, ne veulent pas se montrer alarmistes et précisent l’un et l’autre que si « le risque relatif de décès prématuré est élevé, le risque absolu lui, reste faible. »

      


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