• "Avec le handicap de son enfant, on perd ses projets, son travail, ses amis et sa vie sociale"

    Après avoir découvert le handicap de son fils, Hélène Boulais a dû quitter son emploi pour s'occuper de lui. Aujourd'hui, elle ne demande qu'à pouvoir retrouver un travail adapté. Témoignage.

    Pour certains parents, l'annonce du handicap d'un fils ou d'une fille est vécue comme une double peine: encaisser le choc et quitter son emploi pour pouvoir mieux s'occuper de son enfant. En juin 2013, une maman a d'ailleurs lancé une pétition sur Internet pour alerter les pouvoirs publics sur la situation de ces parents, et réclamer la mise en place d'un contrat de travail adapté. Relançant ainsi le débat sur les aidants, ces personnes qui accompagnent un enfant ou un parent dans le handicap, la maladie ou la vieillesse.

    Hélène Boulais est dans le même cas. Elle était infirmière lorsqu'elle a arrêté de travailler pour s'occuper de son fils handicapé. Aujourd'hui, elle ne réclame qu'une chose: retrouver un emploi à mi-temps qui lui permettrait de se réinsérer socialement et de garder du temps pour son enfant. Son témoignage soulève des enjeux importants pour les personnes qui, en France, doivent soutenir un proche handicapé ou malade:

     

    "Mon deuxième fils, Louis-Marie, est né en 2009. C’est mon 'enfant différent'. Il est atteint d'un trouble envahissant du développement. Au départ, c’était un bébé comme les autres mais, petit à petit, nous avons eu des difficultés à le prendre en charge: il ne dormait pas, il vomissait beaucoup et il ne mangeait rien. J’ai rapidement repéré des signes qui m’ont fait penser à l'autisme.

    Début 2012, j'ai consulté une spécialiste qui a vite compris ce qui se passait et a rapidement mis des soins en place. C'est à ce moment précis que j’ai compris que c’était très grave et que j'ai pris toute la mesure du handicap de mon enfant. Je me suis rendue compte que je ne pourrais le confier à personne, alors j'ai décidé de rester auprès de lui. Après mon congé parental, je ne pouvais pas reprendre mon travail d'infirmière, trop difficile au niveau des horaires et des disponibilités.

    Quand Louis-Marie a eu 3 ans, nous l'avons inscrit dans une école privée. L'institutrice prenait Louis-Marie trois heures par jour. Je me suis dit que ça allait être dur de me consacrer du temps à moi-même. Je me suis sentie seule. Personne n'était là pour m’aider. En fin de première année de maternelle, nous avons eu droit à une auxiliaire de vie scolaire, ainsi qu'une allocation d'éducation [l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ou AEEH, NDLR]. En 2013-2014, j’ai pu bénéficier de l'aide d'une TISF [technicien d'intervention sociale et familiale, NDLR], une fois par semaine. Au départ c’était difficile de lâcher prise, mais aujourd'hui, ça me permet de faire des courses seule ou de prendre des rendez-vous médicaux.

    "Nous vivions à cinq sur un salaire proche du Smic"

    Mon mari ne s'est pas arrêté de travailler mais nous vivions à cinq sur un salaire proche du Smic. Financièrement, cela n'était pas évident. Par la suite, nous avons perçu des aides de la Caf [caisse d'allocations familiales, NDLR], mais ce n’était pas suffisant. Quand on a voulu faire des emprunts à la banque, on nous a seulement proposé des cartes de crédit "revolving". Actuellement, je perçois 523 euros d'aides par mois pour Louis-Marie.

    En 2012, je me suis lancée dans des réunions culinaires, mais c’était très peu adapté et ça n’a pas fonctionné, je n’avais pas le temps. Pour autant, la MDPH [maison départementale des personnes handicapées, qui attribue notamment des aides financières aux familles, NDLR] a considéré que je pouvais continuer à travailler à mi-temps. Après avoir fait appel l’an dernier, elle a finalement revalorisé mes aides mais jusqu’en juillet 2014 seulement: 200 euros par mois supplémentaires. Cela nous a permis de clôturer une partie de nos crédits "revolving" et de s'accorder quelques vacances. Je ne demande qu'à avoir un emploi à mi-temps, ne serait-ce que pour sortir de chez moi. Mais je ne peux pas! Tout mon temps est concentré autour de la maladie de mon fils. Il reste évidemment le week-end, mais je n’en ai pas la force.

    On ne s'est pas senti écoutés et on s'est renfermés sur nous-mêmes. Nous n'avons plus vraiment de vie sociale! Le dernier restaurant que l'on s'est accordé avec mon mari remonte à plusieurs mois. Notre vie est chamboulée et notre entourage ne sait pas comment réagir. Certains ont totalement coupé les ponts, parce qu'ils sont dépassés. D'autres ont accepté et sont présents tout le temps. Ils sont précieux mais peu nombreux. Enfin, il y a ceux qui essaient de vous aider, mais de façon maladroite car ils ne comprennent pas.

    "On devient transparent pour le monde du travail"

    Mon statut actuel, c’est parent "bénéficiaire de l’AEEH". Je ne cotise pas pour la retraite. La Caf m'attribue quelques trimestres, mais cela représente une misère. Ce problème de statut est grave. Même au niveau de la sécurité sociale, je n’existe plus, je suis seulement couverte par mon mari. Avec le handicap de son enfant, on perd tout: on perd ses projets, son travail, ses amis et sa vie sociale.

    Petit à petit, on devient transparent pour le monde du travail et la société, alors que le travail est censé être une reconnaissance sociale importante. Quand vous allez quelque part et que l'on vous demande 'où travaillez-vous?', il faut tout expliquer: que l’on a une activité à part entière, mais qu'elle n'est pas reconnue. Mon travail au quotidien est de m’occuper de mon enfant. Je suis active et j'ai une reconnaissance par les professionnels de santé, mais pour la société je ne suis rien.

    Je n’attends pas de reconnaissance! Je me dis seulement qu’il faut que je prépare mon avenir. Je souhaiterais vraiment avoir une activité professionnelle, avec un autre réseau social que celui que je côtoie chaque jour. J’aimerais pouvoir me créer ma propre sphère, avec mon travail et mes loisirs. Durant deux ans, ma seule sortie a été d’aller chez le 'psy'. Cette année j’ai réussi à m'inscrire à des cours de danse. J'espère que ça pourra m’aider à me réinventer et à trouver quelque chose. Je ne désespère pas."

     

    Crédit photo: Frinthy/Flickr. 
     
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