• L'école de La Challe va permettre, dès ce matin, à des autistes de 3 ans d'être scolarisés comme les autres enfants. Une première dans l'académie de Versailles.

    Christophe Lefevre | 15 sept. 2014, 07h00

     
    Eragny-sur-Oise, vendredi. Enseignantes, éducatrices, psychologues, psychomotricienne… Les intervenantes sont prêtes pour accueillir les premiers élèves de cette classe innovante qui permet d’intégrer les enfants autistes au milieu scolaire ordinaire. (LP/C.L.)
     

    Isabelle Kerebel, inspectrice de l' nationale pour la scolarisation des élèves handicapés, n'hésite pas à parler de révolution. Une classe hors du commun ouvre ses portes aujourd'hui à l'école maternelle de La Challe. Cette classe pour l'inclusion scolaire (Clis) des troubles envahissants du développement accueillera dès ce matin trois enfants autistes de 3 ans, originaires de Cergy, Saint-Ouen-l'Aumône et Eragny-sur-Oise.

    Quatre autres arriveront bientôt, tous orientés par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). C'est la première classe de ce type ouverte dans l'académie de Versailles (Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Val-d'Oise). Trente doivent voir le jour dans l'Hexagone durant cette rentrée.

    Elles viennent combler un véritable besoin car, rien que dans le Val-d'Oise, 232 enfants sans solution ont été identifiés par la MDPH. « Ce type de projet en faveur de l'inclusion en milieu ordinaire est essentiel et nécessaire, glisse le maire d'Eragny, Thibault Humbert. Il permet de répondre à une réelle préoccupation des familles et à un besoin indispensable pour les enfants. Pour nous, c'est un grand pas vers le progrès. » Sollicité par les services de l'Education nationale en juin, l'élu n'a pas hésité. Même si 22 000 € de travaux ont été nécessaires pour réaménager l'école durant l'été. La classe a été installée dans une salle en rez-de-jardin. Des places ont par ailleurs été aménagées sur le parking, pour les taxis qui conduiront les enfants. « Le travail mené pour cette ouverture de classe est exemplaire, souligne le recteur. C'est un processus qui se situe à l'avant-garde de ce que l'école doit faire dans ce domaine. Nous cherchons à avoir une école qui soit ouverte sur les préoccupations des enfants, tels qu'ils sont. »

    Les élèves, qui côtoieront les autres enfants de l'établissement durant les temps de repas, par exemple, pourront bénéficier de l'apport de sept professionnels : une enseignante spécialisée, bien sûr, mais également deux éducatrices spécialisées, une éducatrice de jeunes enfants, une monitrice-éducatrice, une assistante sociale et une psychomotricienne. « Chaque élève aura un du temps qui lui sera propre, explique Isabelle Kerebel. Il alternera temps d'enseignement et temps de soin. Avant, cela se passait dans un établissement spécialisé. Aujourd'hui, l'établissement spécialisé vient dans l'école. » « C'est quelque chose de fort et d'innovant, confirme Françoise Severo, enseignante de la classe. Cela montre un changement de pensée. »


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  • Posté le 22 juillet 2013

     

    Les devoirs à la maison: amplificateurs d’inégalités scolaires

     

    Une réalité à prendre en compte

     

    Il est 7h45, je retrouve mes petits élèves de Cours Préparatoire à l’école de Dumbéa où j’ai été affectée après deux années de formation au professorat des écoles en 2002-2003. Ma deuxième semaine de classe débute, et en bonne maîtresse, j’ai donné un tout premier devoir à la maison: la lecture des prénoms de la classe. Il n’y a pas de temps à perdre, en témoignent mes programmations et progressions élaborées pendant les grandes vacances !

    Une fois les petits rituels du matin effectués (date, appel, météo, nourrissage de l’élevage de chenilles), je demande à chacun d’ouvrir son cahier bleu pour relire les mots donnés en devoir avant de poursuivre nos apprentissages.

     

    -   »Elisabeth, peux tu nous lire à voix haute la première ligne de mots ? »

    Elle baisse la tête et se met à pleurer.

    Je constate qu’elle n’a pas son cahier.

    - « Ce n’est pas grave, va te passer un peu d’eau sur le visage et quand tu reviendras, tu liras sur le cahier de ton voisin. Kevin, tu peux commencer à lire. »

     

    Elisabeth revient mais refuse de lire. A la récréation, j’en déduis qu’elle n’a pas pu faire ses devoirs à la maison et que son cahier a été gribouillé par son petit frère.

     

    Il est aisé de comprendre que sans ce travail personnel, qui doit être accompagné par la famille à la maison, l’écart se creuse chaque jour entre les enfants. Les uns reviennent à l’école avec plus de connaissances et de compétences, les autres progressent plus lentement en tirant uniquement bénéfice du temps scolaire.

     

    Bien sûr, il faut sensibiliser la famille, mais ce ne sera pas satisfaisant. Celle-ci pense que l’école suffit à faire réussir Elisabeth, elle lui fait confiance. Avec 6 heures de classe par jour, la maman estime, à juste titre, que c’est suffisant pour apprendre à lire, écrire et compter ! De surcroît, elle a peu de temps à consacrer aux devoirs à la maison. Les préoccupations quotidiennes pèsent lourd sur l’emploi du temps familial.

     

    Au-delà de ce témoignage personnel, comment explique t-on que la moyenne d’une circonscription, en maîtrise de la langue, peut passer de 75 % de réussite en Grand Section, à 58 % en CE 1 puis à peine 48% en CM2 ? Les élèves sont issus des mêmes milieux socioculturels, ils sont tous scolarisés dans le même bassin, les enseignants sont formés, le programme et les horaires sont identiques. Et pourtant, l’écart se creuse chaque année un peu plus entre les élèves. L’école accuse la famille, les parents incriminent les enseignants.

     

     

    Démocratisons l’instruction

     

    Si les familles jouent un rôle déterminant et incontestable dans l’éducation de leurs enfants, l’école doit assurer l’égalité des chances d’instruction entre les élèves, quel que soit leur milieu. Or, je constate que notre école offre pour l’essentiel une égalité de droit d’accès au savoir – elle scolarise tous les élèves – et non l’égalité des chances tant prônée par les ministres successifs depuis la loi Jospin de 1989.  L’école  ne remplit pas suffisamment son devoir d’équité scolaire. Comme le dénonce le sociologue Philippe Meirieu depuis 1995, « on n’insistera jamais assez sur le fait que tout renvoi systématique du travail scolaire à la maison est, en réalité, un renvoi aux inégalités ». Ce qui explique l’écart impressionnant qui se creuse entre les élèves passant de 75% en Grande Section à 48% de réussite en CM2. La différence réside principalement à la maison: certains parents ont le niveau d’instruction et le temps suffisant pour accompagner leurs enfants vers la réussite. D’autres n’ont ni l’un, ni l’autre. La réussite de nos enfants est donc conditionnée par un travail personnel important qui ne peut se faire sans les parents.

     

    Alors pourquoi s’obstiner à donner des devoirs à la maison ? Quelles sont les réticences à l’arrêt de cette pratique largement répandue dans notre système éducatif ? Des parents qui mettent la pression, des enseignants qui pensent que les devoirs sont le dernier lien à ne surtout pas rompre avec la famille, qu’ils sont les réinvestissements nécessaires au bon apprentissage et qu’il en va de la responsabilité parentale exclusivement. « C’est vrai ! En classe, on n’a pas le temps ! Les parents doivent être un peu plus impliqués dans l’éducation de leurs enfants ! Je ne vais quand même pas les remplacer ! Chacun son rôle. » Voilà ce qu’on entend trop souvent. Mais si la responsabilité des parents ou des responsables légaux dans l’éducation des enfants est indiscutable, celle de l’école pour l’instruction l’est tout autant.

     

     

    Rappel: Lorsque l’école communale de Guizot a été créée en 1833, tous les apprentissages et renforcements scolaires se faisaient en classe. Et pour cause, 90% des parents étaient analphabètes !

     

     

    Favoriser l’équité scolaire

     

    Revenons à ma classe de CP. Chaque matin, j’ai fait faire leurs devoirs aux élèves concernés par une situation familiale peu propice aux apprentissages, pendant que les autres travaillaient en autonomie. Cette solution n’est bien sûr envisageable qu’en petit groupe, et à condition que les autres élèves restent calmes.

     

    Pour que notre école soit plus équitable, il me paraît donc indispensable que les devoirs soient organisés en temps scolaire avec le maître. Cette égalité de traitement est ce que nous devons garantir à chacun. Gratuité, égalité, laïcité sont les trois principes fondateurs de notre Ecole.

     

    Le deuxième intérêt de cette inclusion des devoirs dans le temps scolaire est l’apprentissage de la méthodologie, apprendre à apprendre. Les maîtres pourront progressivement amener l’élève à s’organiser seul, pour mieux réussir son entrée au collège, si déstabilisante du point de vue de l’autonomie attendue par les professeurs. Nous le savons tous, les compétences et connaissances fondamentales, ainsi que le développement de l’autonomie, sont les pré-requis d’une classe de 6ème réussie.

     

    Certains, persuadés du bien fondé de la pratique des devoirs à la maison, m’objecteront que les enfants doivent au minimum y apprendre leurs leçons. Ils ont raison, dès lors que les élèves savent apprendre seuls. Notre école devra progressivement développer les compétences méthodologiques des élèves. En 2008, j’avais d’ailleurs édité « Mon cahier de textes intelligent », guide d’aide aux devoirs pour les parents et leurs enfants. Si ce type d’ouvrages peut être utile pour certains parents, il reste très secondaire et inaccessible pour d’autres.

     

     

    La loi interdit les devoirs à la maison

     

    Le moment est venu de rappeler que depuis 1956, la loi interdit formellement aux enseignants du premier degré de donner des devoirs écrits à la maison, au nom de l’égalité des chances. Voici un extrait de la circulaire n° 64-496 du 17 décembre 1964:

     

    « Mon attention a été appelée sur le travail des élèves à la maison ou en étude, d’une part dans les cours élémentaires et moyens, d’autre part au cours préparatoire.

    L’arrêté du 23 novembre 1956 et la circulaire du 29 décembre 1956 ont précisé qu’aux cours élémentaires et moyens les devoirs doivent être faits dans l’horaire normal de classe et non plus à la maison ou en étude.

    Le silence de ces textes en ce qui concerne le cours préparatoire où cette question ne semblait pouvoir se poser y a encouragé la pratique des devoirs à la maison qui venaient précisément d’être supprimés dans les classes supérieures.

    Je tiens à préciser que l’interdiction formelle de donner des travaux écrits à exécuter hors de la classe s’applique également aux élèves des cours préparatoires et vise, d’une façon plus générale, l’ensemble des élèves de l’école primaire.

     

    Le Ministre de l’Éducation nationale,

    Ch. Fouchet »

     

     

    Depuis 1956, cette interdiction a largement été rappelée mais les réticences des enseignants, légitimées par les parents d’élèves, ont altéré l’application stricto sensu cette loi.

     

     

    Alléger la journée de l’élève

     

    Cette année, le rythme scolaire des enfants est passé d’une alternance de 6 semaines de classe/1 semaine de vacances/6 semaines de classe/2 semaines de vacances, à un calendrier annuel de 7 semaines de classe/2 semaines de vacances. Si cette nouvelle organisation correspond bien aux recommandations des chronobiologistes, elle n’en demeure pas moins partielle et inachevée. Pour favoriser les apprentissages des élèves, ces experts indiquent en effet qu’il faut à la fois mieux répartir l’année scolaire en l’allongeant et réduire le nombre d’heures de classe journalières des élèves.

     

    Si les devoirs sont intégrés au temps scolaire, les journées de nos enfants seront plus courtes, puisque le travail personnel aura été réalisé à l’école. Ils pourront donc se consacrer à leurs activités extrascolaires ou au repos.

     

    Rappel: La journée d’un élève français est la plus longue d’Europe, pour des résultats décevants aux évaluations internationales PISA et PIRLS. En 2012, un élève sur cinq est un faible lecteur, 20% des jeunes sont à la limite de l’illettrisme aux Journées de la Défense et de la Citoyenneté, la France est 27ème sur 34 pays de l’OCDE en termes d’équité scolaire… Concrètement, cela veut dire que les résultats des élèves sont fortement corrélés à leurs conditions sociales, et donc que l’école ne contribue pas suffisamment à réduire ces inégalités familiales. Bien évidemment, notre école calédonienne étant un copier-coller du modèle républicain, elle souffre des mêmes maux, accentués par des disparités économiques, sociales et culturelles plus importantes..

     

     

    Pour une école calédonienne plus juste, au sein de la République

     

    La Nouvelle-Calédonie a réussi la massification de l’instruction obligatoire grâce aux écoles de la République et à celles de l’enseignement privé au plus proche des populations sur tout le territoire. Elle doit maintenant réussir la démocratisation de cette instruction. Tout devra être mis en œuvre pour que 100% d’une classe d’âge obtiennent un diplôme. Dans notre société, la condition de l’accès à l’emploi est le diplôme et l’intégration professionnelle est gage de cohésion sociale. L’emploi est également une condition importante du développement économique.

     

    La réussite scolaire est donc au centre de la cohésion sociale calédonienne.

     

    Depuis 2000, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière d’enseignement du premier degré public. En 2012, les compétences en matière d’enseignement privé et du second degré public lui ont également été transférées. Il serait grand temps qu’elle les assume pour poser les bases d’une école calédonienne plus juste, au sein de la République.

     

    Depuis ces transferts, le congrès a voté des programmes scolaires contextualisés, préparés sous le gouvernement de Marie-Noëlle Thémereau en 2005, mis au goût du jour en 2012, le socle commun national, ainsi que l’instruction obligatoire à 5 ans au lieu de 6. Et toujours rien sur l’accompagnement des élèves, l’aide aux devoirs ou le soutien scolaire! Pire, l’élaboration du projet éducatif calédonien est bloquée depuis 2011. Les 60 recommandations du Grand débat sur l’avenir de l’Ecole calédonienne ont été confisquées aux calédoniens. Le projet éducatif qui devait en découler aurait pu être l’occasion d’une politique éducative cohérente à mener en termes de pilotage du système éducatif, de réussite scolaire et d’une école plus juste pour nos élèves.

     

    Enfin, depuis 2011, les résultats de nos élèves aux évaluations du premier degré sont secrètement gardés. Avant, ces précieux indicateurs étaient publiés sur le site de la Direction de l’enseignement de la Nouvelle-Calédonie et sur celui du Vice-rectorat. Avouez que cette opacité interpelle ! L’absence de politique éducative aurait-elle nuit aux résultats de nos élèves ? Cela nous renvoie à notre capacité à nous gouverner et à assumer nos compétences. Comme le signalait Alain Christnacht, le 26 juin 2013, lors de sa conférence au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, à l’occasion des 25 ans après les Accords de Matignon et des 15 ans après la signature de l’Accord de Nouméa, le risque majeur des transferts de compétences serait un droit vieillissant en raison d’une inertie politique. En matière d’enseignement, les jeunes calédoniens en feraient-ils déjà les frais ?

     

     

    De nouvelles élections, municipales et provinciales, sont prévues en 2014. J’ai espoir que nous sortions de cet immobilisme gouvernemental et qu’on parvienne à bâtir une Ecole plus juste pour nos enfants. Une école qui favorise l’équité, en permettant à chacun de s’instruire dans les conditions favorables que sont celles de la classe, pour que les mêmes chances de réussite soient apportées à tous.

     

    Vanessa Nicol


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  • Une ambition pédagogique affirmée pour la réussite de tous les élèves et des parcours de réussite pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des élèves : retrouvez toutes les mesures, qui concernent à la rentrée 12 296 400 écoliers, collégiens et lycéens et 839 700 enseignants, présentées en conférence de presse le 1er septembre 2014.


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  • Diagnostiquer dès le plus jeune âge les troubles du comportement tels que l’autisme ou l’hyperactivité avec déficit de l’attention, c’est la mission endossée par des chercheurs de l’Université de Birkbeck à Londres. Au sein du Baby Lab, comprenez le laboratoire pour bébé, ils travaillent à la mise au point d’un test de dépistage pour les bébés de six à dix mois, basé non plus sur le comportement mais sur l’activité cérébrale. Des capteurs sont placés sur le crâne du bébé alors qu’on lui montre des visages qui le regardent puis se détournent alternativement.

    “ Nous avons choisi les objets les plus importants dans l’environnement d’un bébé, à savoir les visages. Ils se familiarisent très rapidement avec le visage de leur mère. Le regard, le moment où quelqu’un les regarde, est aussi très important. Quand on les regarde, cela signifie qu’on veut interagir avec eux. Quand on détourne le regard, on peut vouloir attirer leur attention sur ce qu’ils peuvent apprendre de l’environnement. Un enfant qui ne développera pas d’autisme fera la différence entre quelqu’un qui les regarde ou détourne le regard, parce que cela signifie des choses différentes. Les enfants autistes ne font pas la différence,” explique Teodora Gliga, directrice du programme de recherche.

    Les chercheurs ont ainsi remarqué que chez les sujets qui se révèlent autistes plus tard, l’activité cérébrale à six mois est moindre en réponse aux mouvements des yeux.

    Si cette découverte permet de dépister l’autisme. les chercheurs ne sont pas encore certains que le test mis au point permette de diagnostiquer l’hyperactivité chez les bébés.

    Derrière ce test, il y a la conviction que repérer les signes précurseurs de ces troubles permet d’intervenir plus tôt et de façon plus efficace pour améliorer la qualité de vie de l’enfant comme de sa famille.

     

    http://fr.euronews.com/2014/07/16/grande-bretagne-depister-l-autisme-des-six-mois/


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  • Le burn out n'est pas uniquement réservé à la sphère professionnelle. Les mères sont aussi concernées par ce fléau. Fatigue, surmenage, dépression... pourquoi les mères craquent et comment les aider ?

    Candice Satara-Bartko  - 10 mars 2014
    femme triste-bébé
     

    C’est un autre tabou de la maternité. L’épuisement des mères ou « burn out maternel » est pourtant une réalité. Dans un livre poignant paru en 2011, Stéphanie Allénou raconte sa lente descente aux enfers après la naissance de ses jumeaux. Comme cette jeune femme, elles sont aujourd’hui des milliers à perdre pied fâce à leur bébé, dans la culpabilité et l’indifférence

    Des mères sous pression

    Il n’y a pas plus grand bonheur que d’avoir des enfants. Mais en devenant mère on doit aussi affronter de nombreuses difficultés auxquelles on est généralement peu préparée. Au fil des mois, le manque de sommeil, de soutien, la répétition lancinante des urgences, peut vite devenir insoutenable. C’est alors que le malaise s’installe. « On parle d’épuisement maternel quand les mères ont le sentiment qu’il n’y a plus de coupure entre elles et les contraintes du quotidien, observe Sylviane Giampino, psychologue et spécialiste de la parentalité. Même si elles investissent la maternité, elles se sentent sous pression du matin jusqu’au soir et ne parviennent plus à récupérer. » Longtemps tabou, le syndrome de l’épuisement maternel sort aujourd’hui de l’ombre grâce aux témoignages courageux de mamans. Ce phénomène insidieux touche aussi bien les femmes qui travaillent que celles qui sont au foyer, et n’épargne aucun milieu social. De fait, les femmes qui cumulent les facteurs déstabilisants comme la précarité, l’isolement ou les problèmes familiaux, sont plus vulnérables.Toutes les études montrent également que l'arrivée de jumeaux dans une famille provoque des difficultés psychologiques dans les mois et les années qui suivent la naissance.
    Malgré l’implication croissante des pères, les femmes continuent d’assumer seules l’essentiel des tâches domestiques. Le déséquilibre est d’autant plus prononcé qu’il y a d’enfants dans la famille, et que le dernier est petit, conclut une étude de l’Ined paru en 2009. La société a aussi sa part de responsabilité dans le naufrage des mères « On nous présente la maternité comme un paradis dans lequel les femmes ne peuvent que s’accomplir, constate Cécile Croquin, présidente de l’association Maman blues. La découverte de la réalité est parfois violente. Les mères n’osent pas avouer leur mal être et se mettent à culpabiliser. »

    Burn out maternel : les signaux d’alerte

    mère avec bébé dans les bras

    La psychologue Violaine Gueritault est la première à avoir utilisé le terme de « Burn out » pour décrire l’épuisement maternel. « Ce concept avait été uniquement décrit et validé scientifiquement dans le contexte professionnel, explique-elle. J’ai pris ces facteurs et j’ai découvert qu’ils s’appliquaient parfaitement à l’expérience de la mère. » Comme dans le travail, le burn out maternel ne se produit pas du jour au lendemain, sa progression est lente et sournoise. « Cet état psychologique résulte d’une accumulation de stresseurs variés, caractérisés par une intensité modérée et un aspect chronique et répétitif. », poursuit la spécialiste. Les nuits hachées, les cris des enfants, les responsabilités quotidiennes sont autant de contraintes qui se répètent inlassablement et provoquent à la longue chez la mère un épuisement psychologique et physique.

    Les phases du burn out maternel

    femme triste

    L’épuisement émotionnel
    La première phase correspond à l’épuisement émotionnel. Chaque individu dispose d’un réservoir d’énergie physique et psychologique. Les responsabilités quotidiennes de la mère usent petit à petit l’ensemble de son capital énergie. Vient un moment où elle se sent vidée de ses ressources. Elle craque, s’effondre… Au réveil, la simple idée de penser à tout ce qui l’attend dans la journée lui donne la sensation de couler d’entrée de jeu.
    La distance s’installe
    « Petit à petit, je sens que, de plus en plus, les choses glissent sur moi. Certains reflexes tendent à disparaitre. Je suis parfois comme indifférente à ce qui peut arriver à mes enfants. » Ce passage du livre de Stéphanie Allénou illustre la 2e phase du burn out : le détachement émotionnel vis à vis de ses enfants, des autres. Pour se protéger et économiser le peu d’énergie restante, la mère met en place un mécanisme de défense. Elle continue d’accomplir mécaniquement les tâches du quotidien, mais en revanche fait une croix totale sur l’investissement émotionnel. Tout coup elle se sent distancée de ses enfants, de son mari, de son quotidien.
    Le reniement
    La dernière phase du burn out est probablement la plus préoccupante. La mère prend conscience du fossé qui se creuse entre l’idée qu’elle se faisait de la maternité et la réalité présente telle qu’elle la perçoit. « Tous ses rêves de super maman s’effondrent, souligne Violaine Guéritault. Elle se sent en situation d’échec personnel. »  Perte de confiance, repli sur soi, crises de colère récurrentes pouvant aboutir à des comportements agressifs envers les enfants… c’est la chute libre.  Résignées, les mères laissent alors s’installer la rancœur et l’amertume.

    S'en sortir, c'est possible

    famille-parents-enfants

    L’épuisement maternel se heurte souvent à l’incompréhension de l’entourage. Le compagnon se retrouve démuni et ne sait pas comment agir pour soulager la maman. « C’est très culpabilisant pour un homme de voir sa femme se fragiliser au moment où elle devient mère, souligne Sylviane Giampino. Pour autant, bien souvent, personne ne perçoit les signaux de détresse que la mère envoie. C’est à elle seule de sortir la tête de l’eau au moment où elle se sent prête. Le déclic ?  Il a souvent lieu lorsque la maman prend conscience du cycle infernal dans lequel elle est engagée. Une énième fessée, une colère plus forte que les autres ou simplement une envie irrépressible de tout quitter…
    Le premier des traitements reste le dialogue. Il existe des structures d’aides, des lieux de rencontres où l’on peut parler et être écoutée sans être jugée. L’association les Pâtes au beurre à Nantes, la Maison verte à Paris créée sous l'impulsion de Françoise Dolto, accueillent parents et enfants en difficulté. Certaines PMI peuvent également apporter de l’aide aux mères en souffrance. De nombreux réseaux d’entraide entre mères, à l’image de HubWin mamans, se développent aussi sur internet. Même si rien ne remplace le contact humain, ces outils peuvent soulager les mères, au moins momentanément. Plus largement, le fait pour les femmes de découvrir que leur mal être est reconnu, qu’il a un nom - l’épuisement maternel-, et que d’autre mères vivent ce malaise, est déjà une première victoire.


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